127 heures de Danny Boyle

 

127 heuresAvril 2003, Aron Ralston part en rando au Blue John Canyon, Utah. Alpiniste expérimenté, Aron Ralston part seul et n’a informé personne de son excursion. Aron Ralston s’éclate en vélo, fait des rencontres charmantes, jouit du paysage, jusqu’à ce qu’un rocher décide de lui tomber dessus et emprisonne son bras droit. Cinq jours après, Aron Ralston, abandonné, décide de se trancher le bras pour se libérer. Et l’histoire d’Aron Ralston est vraie, bien sûr !

« Basé sur des faits réels », « Tiré d’une histoire vraie », « Les personnages de ce récit ont vraiment existé »… Stop ! Diantre, à quel moment la véracité de l’histoire est-elle devenue un gage de qualité, et pourquoi la formule envahit-elle les affiches de ciné depuis quelque temps ? Où est le bon temps des scénaristes qui créaient des histoires de toutes pièces, des réalisateurs qui ne se cachaient pas derrière cette intouchable formule pour justifier la médiocrité de leur film ? Et ce bon vieux : « Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé serait purement fortuite », où l’a-t-on donc caché ?

J’ai vérifié : aucune mention de « faits réels » sur l’affiche de To Be or not To Be de Lubitsch. Pourtant Hitler, il a bien existé, non ? Rien non plus sur celle d’Apocalypse Now. Ouf, c’est rassurant, ça m’aurait fichu les jetons que cette guerre ait vraiment eu lieu.

Si c’est vrai, c’est beau. Mais nom d’une pipe en bois, de qui se moque-t-on ? Danny Boyle a entre les mains une histoire hallucinante, et il en fait un clip bruyant qui peine à faire passer le temps ; à l’aide d’un paquet d’artifices, le réalisateur prend ses distances avec l’histoire vécue par Aron Ralston mais rappelle paradoxalement au spectateur à maintes reprises et avec la subtilité d’un poisson mort que tout ça a vraiment existé. On fricote avec la bonne vieille culpabilité judéo-chrétienne : avouer que le film ne nous a pas plu, ce serait presque comme dire qu’on se fiche de ce qu’a vécu Ralston et qu’on y est insensible. Impossible en l’état, évidemment… Mais si les indications d’authenticité disparaissaient, on pourrait alors oublier le drame humain et se concentrer sur le seul objet cinématographique. Et on verrait, alors, ce que vaut vraiment ce 127 heures

- Danny, ton nouveau film, là, c’est un peu chiant, non ?

- Hey, patron, j’y peux rien, c’est une histoire vraie : c’est pas ma faute si ce con de Ralston, il a rien fait que pisser et se plaindre pendant cinq jours.

 
127 heures (127 Hours), un film de Danny Boyle avec James Franco. Etats-Unis, 2010. Pas la peine d’y aller, lisez plutôt Plus fort qu’un roc, de Aron Ralston.