Walking Dead, la fin est proche ?

 

Attention : spoilers si vous n’avez pas vu la série jusqu’à la fin de la saison 3 !

 
L'affiche de Walking DeadPeut-on ne pas aimer une série et continuer à la regarder ? Jusqu’où peut-on suivre un show auquel on reconnaît plus de torts que de biens avant de ne plus en pouvoir ? La série The Walking Dead est-elle devenue un « plaisir coupable » ? Ce ne sont peut-être pas des questions transcendantes en ces temps de moralisation de la vie politique, mais ce sont les questions qui me taraudent depuis que j’ai vu le season finale de la saison 3.

Mais revenons d’abord sur ma relation particulière avec la série. Si vous le voulez bien.

L’annonce d’une adaptation télévisuelle d’une des BD les plus impitoyables qui soient avait de quoi faire saliver le moindre fan d’horreur. Serait-il possible de préserver un tel niveau de violence dans une série certes diffusée sur le câble ? On se doutait bien que non. Et pourtant les deux premiers épisodes ont balayé d’un revers de main (décomposée) ces craintes. Le ton, les décors, les zombies… Tout y était et en plus un niveau de gore qui semblait jamais vu… A dream come true ?

Je me souviens de mon incrédulité en regardant le second épisode et le fameux passage où les survivants « s’enduisent » des tripes d’un mort pour cacher leur odeur et marcher parmi les morts-vivants. Des vivants-morts parmi les morts-vivants… N’en jetez plus, la série ultime, que dis-je, l’objet filmé ultime sur le zombie était né. Sauf que… Bien sûr, chaque épisode ne pouvait pas atteindre un tel niveau de mise en abîme et de sauvagerie. Mais il était raisonnable d’attendre autre chose que des débats soporifiques, des personnages faiblement esquissés et mal joués (bon vous me direz que si c’est mal écrit ça ne se rattrape pas au jeu, mais là, vraiment…), des scénarios qui font du surplace pour en arriver à un final digne d’une série Z (il n’y aura ici aucun jeu de mot concernant le prochain film de Brad Pitt). Quelques moments de bravoure, beaucoup de parlote mal gérée, de superbes zombies. So what ? Une question déjà : faut-il que la série ressemble absolument à son modèle ? Eternelle question de l’adaptation qui trahit ou respecte l’œuvre initiale… La saison 1 a clairement marqué son ambition d’être une autre « vision » de The Walking Dead, soit. Mais encore faut-il au moins égaler son illustre modèle dans l’impact émotionnelle, dans la vision sombre et désespérée de l’humanité qu’elle propose. Là encore c’est brouillon, plus sombre que la majorité des séries certes, encore qu’avec ce sujet c’est obligé, mais loin de la complexité psychologique d’un Game of Thrones ou, soyons fous, d’un Mad Men. The Walking Dead sera alors une série de divertissement particulièrement violente ? Pourquoi pas.

Walking Dead : maquillage signé Greg NicoteroArrive la saison 2. Entre des personnages passionnants (Herschell, Daryl) et d’autres qui deviennent tellement insupportables qu’une mort par morsure de zombie semble trop clémente (la femme de Rick et Shane…), la série réussit son plus grand surplace à ce jour. Comment ne pas se rendre compte qu’une grange est remplie de zombies, et comment faire de ce fait un non-lieu dramatique. En l’additionnant avec une disparition de petite fille qui nous vaudra des allers-retours dans les bois à n’en plus finir… Un ennui sans nom… Les dialogues atteignent des sommets dans le risible, Rick ressemble de moins en moins à un héros de série potable. Encore une fois quelques belles scènes sauvent un peu la mise mais l’écriture frise l’amateurisme, pour une série de ce budget et de cette ambition, c’est aberrant.

Ce qui m’a frappé à l’époque, c’est à quel point le plus grand manque – en dehors des scénarios – se trouve dans la direction d’acteur et dans le casting. L’ensemble des acteurs est très faible, peu expressif ou alors pas très juste. Les situations parfois caricaturales qu’on leur donne à jouer n’aident pas, certes, mais il y a là une vraie lacune, la principale raison de mon manque d’adhésion à la série. De beaux décors, de magnifiques zombies et des effusions de gore superbement mis en scène ne peuvent pas rattraper un cruel manque d’incarnation. Et pourtant je me suis lancé dans la saison 3.

Le Gouverneur devant ses bocaux...Et pendant cinq épisodes, cet article n’a failli jamais exister. Sauvage, âpre, un montage au couteau, un sens de l’espace renouvelé, une tension à couper le souffle… C’était la renaissance des morts-vivants. Jusqu’à ce que les vieux démons se réveillent et gâchent méchamment la fête. Concrètement – et maintenant il va y avoir des spoilers !!! – rater des personnages aussi emblématiques (surtout cinématographiques !) et importants que Michonne et le Gouverneur, cela relève du crime. L’actrice qui joue Michonne est aussi expressive qu’une huître, son aura et son mystère ne transparaissent à aucun moment et la série rate son rendez-vous avec tout une partie de la mythologie des BD. Mais encore une fois, c’est aussi un choix. Dommage seulement de se retrouver avec un personnage plat, qui n’apporte rien à l’univers. Le Gouverneur, ah ! le Gouverneur… Combien de lecteurs ont tremblé en lisant ses « méfaits ». Incarnation suprême de la déshumanisation du monde post-apocalyptique, c’est un tyran sadique et complexe, un personnage abject et fascinant, un méchant de première qualité. La série en fait un antagoniste de pacotille, un psychopathe mal écrit dont les motivations disparaissent dans un foutras de considérations pseudo-philosophiques. Alors peut-être nous réserve-t-on plus à l’avenir, mais cette entrée en matière est des plus bâclées. Que celui qui trouve le dernier épisode satisfaisant me fasse signe. Je ne demande pas un bain de sang systématique, mais là, une vidange s’impose. Le season finale est la définition du terme « anti-climax ». Des personnages sont laissés en plan on ne sait où, d’autres meurent, l’ensemble est étrangement brouillon…
- Fin des spoilers –

Alors faut-il brûler The Walking Dead ? Rarement une série aura été aussi énervante, dirais-je. C’est peut-être le fan de cinéma de genre qui parle. Partie sur des prémices enthousiasmantes, la série s’enlise dans les dialogues ineptes et se refuse à franchir le Rubicon pour devenir vraiment la série nihiliste qu’elle se doit (?) de devenir. Car le questionnement sur l’humanité, sa reconstruction ne marche pas quand les personnages se comportent comme le font ceux d’une série « normale ». Parfois, oui, ils commettent des choses horribles, certains incarnent plus que d’autres cette perte d’humanité (Merle, le Gouverneur) mais le tout demeure encore très bien-pensant. Il est vrai que la BD est allée très loin, très très loin. Il est impensable d’imaginer une série « grand public » se permettre de telles choses. Pourtant, c’est la croix que porte cette série, celle-ci et le fait d’être diffusée après une série plus courte et mille fois plus percutante sur le thème des survivants d’une apocalypse zombie : Dead Set. Série anglaise diffusée en 2008, elle a pour cadre un studio où est produite une émission du genre Big Brother pendant que les zombies envahissent le monde. En cinq épisodes, la série s’impose comme ce qu’il y a de plus réussi dans le genre post-28 jours plus tard. Ici, personne n’est à l’abri, les personnages sont rapidement présentés mais crédibles et très bien joués. On ne se refuse pas de l’humour (noir) et le sang coule à flots. Mais surtout, la fin est une catharsis immense, le finale vous laisse pantois, exsangue, vidé, émotionnellement en vrac.

Walking Dead 3 : fermez les grilles !La grande série sur les zombies à déjà eu lieu, donc. Reste à Walking Dead de redresser sa barre et de commencer à écrire des personnages forts, mémorables, de les nourrir de dialogues dignes d’un monde où l’amour de son prochain est devenu dangereux, voire interdit. Un monde où l’enfance même est redéfinie. Un monde où la mort est le quotidien le plus trivial, où le meurtre d’un innocent est monnaie courante car il n’y a plus d’innocents. Rendre crédible ce retournement des valeurs, cette nouvelle humanité, c’est le grand défi que la série devra relever si elle ne veut pas sombrer dans la plus profonde médiocrité.