Souvenirs de toiles de Caryl Férey

 

Caryl FéreyAu nom de l’amitié, du noir et du romantisme se dessine l’univers de Caryl Férey, à jamais baroudeur, totalement rock’n'roll, et toujours volubile. Il est l’une des plus belles plumes du roman noir éditée dans la collection Série noire. Voyageur depuis son adolescence, pour chacun de ses livres, il part à l’aventure.
L’écriture incarnée de Caryl Férey nourrit ses polars. Le travail préparatoire se vit chez lui comme des road-movies qui le portent aux confins de la Nouvelle-Zélande, de l’Afrique du Sud et aujourd’hui, de l’Argentine.
Mapuche, sa prochaine œuvre, est en cours d’écriture. Avec ce style rythmé et fiévreux qui lui est propre, Caryl Férey y dénonce encore et toujours les valeurs génocidaires des pionniers sans foi et pleins de reproches. Blouson noir sur le dos, rencontre au fil des toiles aux bras du maître du polar…
 
 
Noir c’est noir, même dans Blanche-Neige

Oui car ce que j’ai adoré dans ce premier film vu au cinéma, c’est le noir de la salle. Quant au film, je me souviens que la scène dans la forêt m’avait effrayé… Blanche-Neige court, s’accroche aux arbres, crie… Mais, au-delà de ce souvenir, c’est le projectionniste passionné de cinéma grâce à qui nous avions une programmation qui a marqué ma mémoire. J’habitais Montfort-sur-Meu à l’époque, à côté de Rennes, et nous recevions les films avec une semaine seulement de décalage par rapport à la sortie nationale. Entre Blanche-Neige et l’adolescence, je n’ai pas de grands souvenirs mais le cinéma était la sortie de la semaine entre jeunes.

Et puis, la révélation : l’Australie déjantée de Mad Max

Mel Gibson dans Mad Max1982, Mad Max me fait quitter l’enfance. Je m’identifie totalement à cet antihéros destroy, habillé en perfecto qui devient l’uniforme du rockeur de l’époque – et donc le mien.
Ce film a été un accélérateur… Je deviens ado et je commence à écrire 4000 pages sur quatre ans inspirées par le désert, le road-movie, l’univers déglingué de ces guerriers de la route. A peine majeur, je pars seul en Nouvelle-Zélande et à mon retour à Paris – vers 20 ans – l’écriture s’impose comme une évidence. Je travaille encore le style mais mes scénarios se tiennent. Et la lecture de Djian me libère. Je comprends qu’on peut écrire différemment.

De Mad MaxPierrot le fou : un deuxième coup de foudre…

A Paris, je rencontre un pote qui me prête Pierrot le fou. Je le regarde plusieurs fois sans conviction avant d’être pris par l’histoire. Je crois que j’ai grandi grâce à ce film. Je l’ai vu des dizaines et des dizaines de fois, lu toutes les références littéraires citées dans le film, découvert l’histoire de la peinture avec Elie Faure. J’ai écouté la bande-son car Pierrot le fou est un film qui peut juste s’écouter. J’ai monté mes scènes préférées pour me les passer à loisir… j’ai recréé mon Pierrot le fou. Pour moi, c’est un film initiatique. Il a profondément inspiré l’un de mes premiers livres Plutôt crever. Pierrot, l’antihéros par excellence avec une dimension romantique sublime, un instant de poésie. Ce film est beau et triste.

Le Cinéma de minuit et la découverte du cinéma noir américain…

Dans le même temps, je regarde à l’envi le cinéma américain des années 1970 : Bonnie and Clyde, La Horde sauvage, La Croix de fer, Guet-Apens. Du cinéma construit sur de
grands scénarios avec un jeu d’acteur très spontané, très animal. A l’opposé des comédiens français des films noirs des années 1940 dont je trouve le travail trop théâtral. Ma préférence va vers le cinéma noir américain découvert grâce à l’émission Le Cinéma de minuit : Le Portrait de Dorian Gray, Pandora d’Albert Lewin… Haka, un de mes romans, s’inspire de l’histoire d’amour de Bonnie and Clyde.

De I comme Icare à Peur sur la ville : un nouveau cinéma noir à la française…

En France, Belmondo, Trintignant, Delon marquent une nouvelle génération d’acteurs instinctifs et renouvellent le genre. Ils portent des films politiques, noirs en dessinant des antihéros sombres et combattants. Je déteste les personnages mous.

Après les années 1970, les années cauchemars sauvées par Blade Runner

Affiche de Blade RunnerJe déteste tout des années 1980 : le cinéma comme la musique. Une exception, Blade Runner de Ridley Scott qui raconte deux histoires d’amour magnifiques. L’univers de ce film a été pillé par la suite et c’est logique car tout y est. Le film propose une esthétique totalement nouvelle. Et si les scènes sont parfois violentes, elles sont aussi très puissantes d’un point de vue émotionnel. Avec cette ambiguïté nourrie autour de l’identité réelle de Harrison Ford, à la fois traqueur des répliquants et répliquant lui-même.

Le cinéma, c’est avant tout une histoire et des personnages…

Oui avec, en filigrane, l’engagement. Je réalise que ma sensibilité de gauche a inspiré mon parcours de spectateur. Dans les westerns, j’ai toujours été du côté des Indiens. Dernièrement, j’ai aimé Les Citronniers d’Eran Riklis, Le Nom des autres ou encore les documentaires de Michael Moore. Je dis dernièrement car je vais rarement au cinéma. Je vis le cinéma à la maison et nous partageons nos coups de coeur. J’ai fait découvrir Pierrot le fou à ma fille. En retour, j’ai regardé, avec elle, tout Marilyn Monroe. Mais c’est vrai qu’avant tout, je suis des personnages et regarde de vrais histoires réalisées à partir de scénarios solides. Lorsque je vais au cinéma, c’est parce que le sujet me plaît ou sur les conseils des potes.
 
 

Avant de croiser Cary Férey dans une salle obscure, lisez sans modération :
Haka et Utu, Zulu, La Jambe gauche de Joe Strummer et Plutôt crever, tous disponibles chez Folio policier.

Pour les enfants et adolescents :
Krotokus 1er, roi des animaux, disponible chez Pocket jeunesse, ainsi que La Cage aux lionnes, Alice au Maroc, La Dernière Danse des Maoris, parus chez Syros jeunesse.