Souvenir de Cannes #3 : Le sourire d’Alain Resnais

 

Harry Dickson, le Sherlock Holmes américainJ’ai croisé Alain Resnais cette année. C’était à une soirée et il avait l’air fatigué. Je l’ai complimenté parce que j’ai beaucoup aimé Vous n’avez encore rien vu. Il m’a souri et je me suis souvenue de notre première rencontre. C’était dans un cinéma Action où l’adolescente que j’étais alors n’a pas hésité à aborder le grand cinéaste qu’il était déjà. Nous étions là pour voir Le crime était presque parfait en relief. Je ne doutais de rien, un point qui permet d’identifier les gentilles crétines qui osent tout. J’avais lu qu’Alain Resnais rêvait de porter à l’écran Harry Dickson, l’une de mes séries d’aventures favorites signée Jean Ray. J’avais aussi découvert qu’il comptait engager Laurence Olivier pour incarner le rôle principal et je n’ai pas hésité. « Monsieur Resnais, lui ai-je dis car j’étais polie à défaut d’être finaude. Harry Dickson est américain. Laurence Olivier étant anglais, il ne saurait convenir. » Alain Resnais, exquis, n’a pas envoyé aux fraises la petite étudiante que j’étais. Il m’a expliqué gentiment que les accents, ça se travaillait puis nous avons parlé d’Harry Dickson. Il n’a jamais trouvé l’argent pour tourner ce film, ni avec Laurence Olivier, ni sans. En le revoyant tant d’années plus tard, j’ai repensé à ce moment. Je l’ai félicité pour son film et quand je lui ai dit « Merci monsieur Resnais », ce n’est pas seulement à son dernier opus que je pensais. Quand il m’a souri d’un air de gamin malicieux, j’ai eu l’impression brève de voyager dans le temps et de redevenir la mademoiselle « je-sais-tout » d’antan qui n’avait pas honte de donner des conseils à un maître du septième art à la classe de gentleman et au regard d’enfant.

Mots-clés :