Souvenir de Cannes #2 : Rire avec Haneke

 

Funny Games, de Michael HanekeHier, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en regardant Amour de Michael Haneke, vrai film romantique qui n’a rien d’une comédie. Sacré Michael ! Il n’a pas son pareil pour vous remuer les tripes avec une férocité badine et vous laisser pantelant comme après une douche au karcher. C’est à Cannes que je me suis frottée à son cinéma pour la première fois avec Funny Games, vrai film ludique qui n’a rien de drôle. Il devait être 17 heures. La salle était comble. On aurait entendu une mouche voler… Puis ce sont les sièges qui ont claqué, annonçant un exode massif de spectateurs après la mort d’un chien que certains n’ont pas supportée. Puis, plus rien. Ceux qui avaient survécu au toutou sont restés collés, bouche bée, sur leur fauteuil. Je sentais le malaise monter. J’essayais de cacher mon trouble. J’étais encore – un peu – jeune et je craignais de montrer mes émotions à mon voisin. Au moment où j’ai cru étouffer d’angoisse, il a murmuré, avec un bel accent marseillais devenu grelottant : « Je ne me sens pas très bien. » Moi non plus. Après, j’ai rencontré Michael Haneke, qui m’a dit chercher à dégoûter les spectateurs du cinéma d’horreur. Je lui ai répondu que Funny Games était raté, puisque je le considérais comme l’un des meilleurs films d’horreur que j’ai jamais vus. Il m’a traitée de « grande malade » avec son délicieux accent autrichien. Il plaisantait. Michael est très drôle même si ses films ne le sont pas. Funny Games a été le dernier film à me donner des cauchemars. J’ai vu les types aux gants blancs sonner à la porte de mon pavillon de banlieue. Je ne pensais pas que Michael Haneke pourrait me secouer encore davantage. Il l’a fait hier, avec Amour. Peut-être parce que le cauchemar qu’il y décrit, vieillesse et dépendances, est proche de mon passé mais aussi d’un futur qui me terrifie.

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