Cannes : le mouroir aux alouettes

 

Scène d'échecs du Septième Sceau, d'Ingmar BergmanCannes sous la pluie : la météo ambiante rappelle la cité balnéaire à son premier office, à savoir offrir aux vieux riches un cadre décent pour y agoniser. Mais tandis que déferle sur la ville une cohorte juvénile prête à se la coller sous le prétexte d’être cousin au troisième degré avec une seconde assistante maquilleuse en alternance, les salles du Festival préfèrent marteler une réalité physiologique : la courte durée d’une existence humaine.
Michael Haneke côté agonie bourgeoise, Bruno Podalydès pour les formalités funèbres, voire le film uruguayen 3 (présenté à la Quinzaine des réalisateurs) et ses râles hors champ d’une mourante invisible… Dans les différentes sections de Cannes, la mort plane ; tantôt invitée surprise d’une fête blindée, tantôt échappatoire à une vie trop lourde, la Faucheuse est en pleine moisson.
Façon vote des morts aux Municipales à Paris, les décédés se sont mêmes invités : feu Claude Miller et son adaptation de Mauriac ou Raoul Ruiz et sa Nuit d’en face, l’un de ses deux films posthumes. Question mort-vivant, le Dracula d’Argento n’était pas l’unique représentant de ce pan du cinéma de genre.

A Cannes, on aime les classiques, à tel point que Manoel de Oliveira et Alain Resnais reviennent régulièrement sur la Croisette, faisant valoir que l’édition 199X puis 200X puis 201X, et bientôt 202X, sera leur dernière, mais leur obstination à vivre leur permet de défier et les comités de sélection se sentant obligés et la Camarde, par la même occasion.
Coïncidant avec la présence massive du cinéma latino-américain, lointain héritier de l’art maya annonciateur d’apocalypse, cette odeur de mort répandue du Carlton au Bunker en passant par l’hospice de Cannes pourrait bien être le présage de la fin du monde à venir, et, plus grave encore, d’un ajournement de l’édition 2013 du Festival.

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