La première fois que j’ai rencontré Henry Hopper, ce n’était pas à Cannes, mais chez son papa Dennis. Il pleurait à chaudes larmes. Précisons qu’il n’était âgé que de quelques mois. Dennis Hopper, œil bleu lavande sous lunettes noires prestement ôtées, était un bien charmant papa. Je sens encore d’agréables frissons en repensant à sa voix : « Hi, I’m Dennis ». J’ai revu Dennis Hopper à Cannes, quelques années plus tard. Il avait tourné à droite et soutenait Bush sous l’œil amusé de George A. Romero, ex-fan des sixties n’ayant, quant à lui, pas viré de bord. Dennis est mort et Henry est arrivé avec la même dégaine, les mêmes gestes un brin saccadés et la même intensité dans le regard bleu acier. Gus Van Sant a du flair pour dénicher les jeunes comédiens, mais Henry Hopper dégage une telle dose de charisme, sans même se forcer, que cela semble une évidence que de le mettre devant une caméra. Je l’ai rencontré cette année pour Restless, chouette film sur la mort que j’ai beaucoup aimé. Evidemment, il ne se souvenait pas de moi. On a parlé de son papa, du fait qu’il a vu le film avant de mourir et qu’il l’a aimé, mais qu’il a surtout été épaté par la performance du fiston. Il était d’autant plus fier, Dennis, que c’est lui qui avait poussé Henry à faire l’acteur pour éviter de le voir mal tourner. Henry avait les larmes aux yeux en parlant de son père. J’ai repensé au bébé qui pleurait dans un loft de Venice Beach. Certaines choses ne changent pas tant que ça.
Souvenir de Cannes #5 : les larmes d’Henry Hopper
Classé dans : Souvenirs cannois
– 15 mai 2011