Super-8 Madness, de Fabrice Blin

 

Super-8 Madness, de Fabrice BlinCHKLONG. CLAC. CLAC. PLING. CHKLONG.
- Z’êtes prêt ? Attention, c’est parti !
CHKLONG. FLAPFLAPFLAPFLAPFLAPFLAPFLAP…. Clic Clic FLFLFLFLFLFLF…
- Ooh, comme c’est beau…
- Chhhhut !
- Ah oui, pardon…
-Chhhh…
- Oui, pardon… mais qu’est-ce que c’est beau… cette patine qui respire l’authentique…
- Chhh…

Voilà, à peu de chose près, ce à quoi ressemble en version très accélérée une séance au format Super-8 dit « cinéma à la maison » dans un (mon) salon. On prépare, on se prépare, on patiente, on pense à la mort de Louis XVI, on se concentre, on plonge dans le noir, on dit chut et l’on sourit à pleines dents. Sur l’écran, c’est peut-être un film familial, une version concentrée de Star Wars ou le premier court-métrage goupillé il y a 25 ans avec les copains et les copines du quartier. Mais c’est du Super-8. Et ça, c’est magique.

Même si aujourd’hui le Super-8 nous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, on comprend qu’il prenne toute sa place dans la grande Histoire du septième art. D’abord parce qu’il est accessible à tout le monde (pas besoin d’être un initié pour utiliser une caméra, monter ses rushs ou se servir d’un projecteur) et qu’en un coup de cuillère à pot naît une ambiance unique. Le cinéma en Super-8, c’est une atmosphère, un son (déjà celui du projecteur), une image, un grain, un rythme, un fabuleux générateur d’émotions. Le Super-8 réveille les sens comme le plus formidable des stimulants. On l’aime parce qu’il sacralise le quotidien avec ses multiples rituels et qu’il nous donne la possibilité d’embrasser l’univers du petit cinématographe dans son ensemble. On y croit et l’on s’y croit.

Alors imaginez l’enchantement pendant un tournage au format « Super-8 » ! Imaginez l’excitation au moment du développement quand, fébrilement, on attend le retour de ses bobines ! Imaginez l’exaltation quand son film caresse la toile ! Imaginez la folie d’une sélection au Festival fantastique du Super-8 organisé jadis par la revue Mad Movies. C’est sur tous ces moments uniques que revient Super-8 Madness à travers les témoignages passionnés et passionnants des réalisateurs, des acteurs et des organisateurs.

Super-8 Madness, de Fabrice BlinSuper-8 Madness raconte cette époque bénie des années 1980 où les cinéastes en herbe pouvaient emprunter le même terrain de jeu que les cinéastes professionnels, tout comme aujourd’hui il est de nouveau possible avec un simple téléphone de faire jeu égal avec les plus grands (dans une certaine mesure, n’est pas Jean-Marie Poiré qui veut !). En fin de compte, la problématique n’a jamais été celle des moyens mis à disposition mais dans un certains sens, celle du talent. Pour cela, il suffit d’admirer les œuvres de Bruno Lermechin (visibles dans le doc et disponibles en intégralité dans les bonus) d’une beauté si saisissante qu’elles vous laissent le souffle coupé. De Quand s’ouvre l’œil du temps transpire la magie et la poésie comme peu de longs-métrages traditionnels peuvent s’enorgueillir. Toutefois, si Jean-Pierre Putters, Jean-Marc Toussaint et Fabrice Blin rendent un hommage appuyé à la capacité créatrice, unique et tout à fait exceptionnelle, de leur copain disparu, ils balayent d’un revers de la main la notion de compétition. Ce n’est pas le sujet ! Le talent, aussi commode soit-il, n’est ni une compétence obligatoire ni une compétence optionnelle. On s’en fout ! L’essentiel n’est rien de moins que profiter d’un moyen ludique pour rendre sa vie plus fun. Aussi, Super-8 Madness met un point d’honneur à ne pas sombrer dans une excessive nostalgie. Il nous invite à nous éclater comme tous les glorieux cinéphages présents à l’image se sont éclatés. Voilà un film documentaire qui donne l’envie de mettre la main à la pâte. Madness, je vous dis.

Super-8 Madness est disponible dans une édition collector 2 bobines éditée chez Metaluna Productions. On peut y voir le film dans sa version courte et sa version longue. La bobine 2 recèle la bande-annonce, les scènes coupées, la première au Max Linder, des archives, 6 courts-métrages …
On vous le recommande très chaudement.

 
Super-8 Madness de et avec Fabrice Blin, avec aussi Jean-Pierre Putters, Jean-Marc Toussaint, Jean-Pierre Dionnet, Pascal Stervinou… France, 2014.