Sunhi, de Hong Sang-soo

 

Sunhi, de Hong Sang-sooSunhi, jeune femme coréenne étudiante en cinéma, seule et perdue dans son gros pull, demande à un professeur gominé à chaussures pointues de lui écrire une lettre de recommandation pour une université américaine. Le texte qu’elle obtient est décevant, le professeur brossant d’elle un portrait mitigé et vexant. Elle s’énerve seule sur un banc de la fac, puis se lance dans une recherche hasardeuse pour savoir comment les autres la perçoivent, convaincue qu’elle y apprendra qui elle est vraiment.

Trois hommes gravitent autour de ce petit bout de femme mutique et lunatique : le professeur, un ancien amoureux qui y croit toujours même si “parfois elle n’appelle pas pendant plusieurs années”, et un ami de hasard. De café en café, à grignoter du poulet et à sombrer avec enthousiasme dans l’alcool de riz, les personnages se rencontrent deux par deux et se racontent longuement, bêtement, pataugeant à deux pieds dans des poncifs distillés par Hong Sang-soo sur le développement personnel et la recherche de soi.

Ils sont fades et perplexes, elle est lumineuse et guidée par un instinct aussi fort que mal calibré. De leur mêlée embrumée au soju, elle se fait un chemin, pour prendre finalement son envol dans la lumière d’un matin d’automne, tenant sa nouvelle lettre de recommandation, les laissant ballots derrière elle à échanger leurs impressions sur qui elle est vraiment. En fait, ils ne sont toujours pas très sûrs…

Scènes statiques, attitudes et diction exagérées (on déclame, on tape du poing, on fronce les sourcils jusqu’au menton), caméra naïve qui zoome sur les visages et suit les regards… Le film semble tiré texto d’une pièce de théâtre sans que personne n’ait voulu raffiner le texte pour la caméra. Certains dialogues sont suffisamment longs pour permettre de s’assoupir sur l’épaule de son voisin. Et le scénario, certes, n’est pas tout à fait riche. C’est pourtant un exercice de style amusant et adroit que livre le réalisateur coréen, plein de répétitions absurdes et d’ellipses légères, dont on se réjouit une fois passée la première crainte légitime. Le second degré s’installe tranquillement, avant d’exploser dans un rire enivré de soju.

 
Sunhi (Our Sunhi) de Hong Sang-soo, avec Jeong Yu-mi, Lee Seon-gyun… Corée du Sud, 2013. Prix de la mise en scène du 66e Festival de Locarno. Sortie le 9 juillet 2014.

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