Sélection Westerns – Mordez la poussière ! #5

 

L'Aventurier du Rio GrandePremiers westerns de 2013. Une exceptionnelle série marquée par des œuvres engagées. Vous y croiserez des héros fragiles rattrapés par leur passé, des hommes condamnés à trahir leurs valeurs et des hors-la-loi empêchés à toute rédemption. Le Mal ne dort jamais. Les femmes ne sont pas mises à l’index puisqu’elles symbolisent dans les chefs-d’œuvre de Robert Parrish (L’Aventurier du Rio Grande), Michael Curtiz (le Fier Rebelle) et Edgar G. Ulmer (Le Bandit) l’autorité morale, la volonté et la résistance.
Jeune ou vieux, à pied ou sur son canasson, en pleine bourre ou blessé, Audie Murphy défouraille à la volée. Un peu bancal et carrément culte, L’Attaque de Fort Douglas vous surprendra à plus d’un titre. L’histoire, peut-être plus intéressante que le film lui-même, nous confirme qu’accommoder les restes est un art à part entière.
Le Bandit et Le Gaucho ne servent pas la soupe habituelle des productions médiocres mais ils soignent le cœur et le cerveau.
Conseil : gardez près de vous La Rivière de la poudre pour les jours pluvieux. Les couleurs du Wyoming ensoleillent la tête.
Une chronique 100 % viande de cheval.

 
L’Aventurier du Rio Grande de Robert ParrishL’Aventurier du Rio Grande de Robert Parrish avec Robert Mitchum, Julie London, Gary Merrill…

Après avoir abattu l’assassin de son père, Martin Brady a fui au Mexique. Traqué par les autorités du Texas, Brady travaille pour les frères Castro, deux propriétaires influents sur le territoire du Rio Grande. Alors qu’il convoie des armes, Brady se brise une jambe et se voit contraint d’arrêter sa mission dans un fort de l’armée américaine. Deux mois d’une longue convalescence en territoire ennemi. C’est là qu’il rencontre Helen, femme du major Skolton. Rentré précipitamment au Mexique après une rixe, Brady retourne au service des frères Castro. L’homme, las des bagarres, des interminables guerres entre les peuples, des basses besognes qu’il accomplit sans sourciller, sent que la fin, sa fin, est proche.
L’Aventurier du Rio Grande s’impose comme un de ces grands westerns dont le personnage principal embrasse toute la complexité de la nature humaine. Brady rêve de liberté mais les pistoleros ne décrochent pas si facilement.
Au cœur du film de Parrish, les hésitations et les vicissitudes du héros s’expriment au travers d’ambitions formelles maîtrisées. Le choix des lumières, le soin apporté aux décors et la mise en scène inspirée servent un discours humaniste supérieur à la moyenne (éloigné du sempiternel « la nature est belle et les Indiens méchants »). Robert Parrish évite tous les poncifs parce qu’il refuse d’utiliser le cahier des charges proposé par les grands studios quand le faiseur, à la botte des producteurs, préfère s’y engouffrer sans envisager une seconde de prendre le moindre risque personnel. Parrish est un cinéaste indépendant reconnu pour son savoir-faire et son efficacité. Dans L’Aventurier du Rio Grande, Les femmes servent de pivot moral (et pas de plantes vertes) quand les Mexicains s’incarnent en individus cultivés (et non plus comme des bouseux sales et idiots) capables de maîtriser leurs affaires sur leur territoire.
Le charisme de Robert Mitchum fait pour beaucoup à la réussite de l’entreprise. Je vous encourage à découvrir l’artiste Tom Lea, illustrateur des grands espaces américains et auteur du roman The Wonderful Country (L’aventurier du Rio Grande in french). Un très grand western.

 
Tumbleweed aka Qui est le traîtreTumbleweed de Nathan Juran avec Audie Murphy, Lori Nelson, Chill Wills…

Jim Harvey a pour mission d’escorter un convoi de migrants à travers les terres d’une dangereuse tribu indienne. Pris à parti par les guerriers yaquis, Harvey tente une négociation avec le chef Aguila dont il a sauvé la vie du fils. Aguila ne veut rien entendre. Les hommes du convoi sont massacrés. Seules deux femmes échappent à la mort. A son retour en ville, Harvey est tenu responsable de cet échec et, pour éviter le lynchage, prend ses jambes à son cou.
Western surprenant que ce Tumbleweed ! Jim Harvey coure l’Ouest sur un vieux canasson à la recherche de la vérité. Son innocence et sa bonne foi le précèdent mais personne ne veut entendre. Les surprises qui ponctuent les saynètes rendent le film attachant et différent des productions dites tout-venant. Tumbleweed ne casse pas des briques mais le ton décalé mérite qu’on s’y attarde.

 
Le Kid du Texas, de Kurt NeumannLe Kid du Texas de Kurt Neumann avec Audie Murphy, Gale Storm, Albert Dekker…

Peu connu chez nous, Kurt Neumann s’est taillé sur les collines d’Hollywood une solide réputation d’artisan cinéaste, d’abord dans les séries pour la RKO puis les productions fauchées de science-fiction où La Mouche noire (The Fly), la plus grande réussite du bonhomme, sert encore aujourd’hui de maître étalon aux réalisateurs en herbe. Les films de Neumann ne paient pas de mine mais ils tapent souvent justes. Enfin pas tous, comme nous le verrons un peu plus loin. Il y eut quelques ratés !
L’histoire de William Monney, dit Billy le Kid, nous la connaissons en long, en large et en travers. La légende et la réputation noircissent les livres d’histoire.
Le Kid du Texas raconte le destin maudit d’un jeune homme éprouvé par la perte de son patron et les démons qui le poussent à la vengeance. Le Kid, c’est un gamin malheureux, inapte au bonheur, dangereux pour lui-même et pour les autres, condamné à périr sous le feu de ses ennemis.
Audie Murphy (reconnu par l’armée américaine comme le plus grand tueur de nazis) donne à son personnage toute l’ambivalence nécessaire pour que nous balancions entre empathie et détestation. Le Kid du Texas peut s’apprécier comme un premier pas vers les œuvres plus mâtures d’Arthur Penn ou Sam Peckinpah.

 
La Parole est au colt, d'Earl BellamyLa Parole est au colt d’Earl Bellamy avec Audie Murphy, Joan Stanley, Warren Stevens…

Chad Lucas, shérif de Lodgepole Colorado, échappe in extremis à la mort, doublé par son adjoint. Le bandit Drago a mené l’attaque d’un train qui convoyait l’argent dont la ville a tant besoin. Après une bataille rangée en pleine rue, Drago et sa clique taillent la route. Rendez-vous au Nouveau-Mexique. Lucas organise la traque sans savoir qu’un proche l’a trahi.
Voici, dans toute sa splendeur, le meilleur de la série B. Ni plus ni moins. Un western carré, rythmé et, cerise sur le gâteau, remarquablement interprété. Une fois de plus, La Parole est au colt utilise les ingrédients du western (les forçats de la mine, la pépé du saloon, les élus, le shérif, les Indiens, le militaire, les fermiers, les colons…) sans jamais proposer la carte des clichés. L’intrigue se développe autour de personnages aux caractères affirmés qui ajoutent toujours un peu plus de tension à la tension. Au moment où les protagonistes traversent les terres indiennes (comme dans Le Jardin du diable), mieux vaut serrer les fesses ! Même si quelques transparences malheureuses gâchent un peu la fête, la beauté du Colorado contribue par contraste à rendre la chasse encore plus angoissante.
Le film, sorti sur les écrans en 1966, est l’un des derniers westerns d’Audie Murphy. La guerre du Vietnam bat son plein. Sam Peckinpah ringardise définitivement le genre par sa virtuosité. Toutefois très recommandé.

 
L'Attaque de Fort DouglasL’Attaque de Fort Douglas de Kurt Neumann avec Scott Brady, Rita Gam, Lori Nelson, Neville Brand…

Jonathan Adams, un jeune peintre, a fui la civilisation pour s’installer à Fort Douglas, étant ainsi plus proche de la nature et des Indiens qui l’inspirent pour ses tableaux. Alors que sa fiancée Cynthia arrive à l’improviste, le surprenant avec une jeune Indienne, le trafiquant d’armes Butler anime les hostilités des Indiens contre les colons afin de vendre ses armes. La tension monte et Adams se retrouve au milieu d’un conflit qu’il n’a pas souhaité.
L’Attaque de Fort Douglas est goupillé à partir de stock-shots de Sur la piste des Mohawks (John Ford, 1939) acheté par le producteur Edward L. Alperson. Les scénaristes, Maurice Geraghty et Milton Krims se chargent d’écrire une histoire. Ou de broder, on ne sait pas trop.
Le résultat aussi désarmant que surprenant vaut son pesant de peanuts. Le plus génial dans L’Attaque de Fort Douglas c’est qu’absolument tout, mais tout, sonne faux – décors, maquillages, costumes, dialogues, situations (les scènes bucoliques !)…
Une sorte de paradoxe perpétuel. Une faille spatiotemporelle. Un temps sérieux, un temps loufoque, on se demande si ce n’est pas le western caché des Monty Python. Les messages pro-Indiens ne passent pas inaperçus entre les scènes où Jonathan Adams, infatigable dragueur, joue les jolis cœurs. Le méchant qui monte les communautés entre elles fait son taf. Il est abject.
Un western assurément culte parce qu’intensément maladroit.

 
Le Fier Rebelle, de Michael CurtizLe Fier Rebelle de Michael Curtiz avec Alan Ladd, Olivia de Havilland, Dean Jagger, David Ladd…

A la fin de la guerre de Sécession, John Chandler (Alan Ladd) parcourt le pays en quête d’un médecin qui pourrait soigner son fils David, que le choc provoqué par la mort de sa mère a rendu muet. Dans une petite ville, il se bat contre les fils d’un riche éleveur, Burleigh. Il est alors aidé et recueilli par Linnett Moore (Olivia de Havilland) qui le fait travailler dans sa ferme. Mais les fils Burleigh vont revenir provoquer John…
Le Fier Rebelle possède toutes les qualités des grands classiques du cinéma. Pourquoi ? Parce qu’il n’use pas des ressorts habituels. Parce qu’il évoque l’amour filial avec pudeur. Parce qu’il est solaire.
Son ambiance si particulière, Le Fier Rebelle la doit à la fragile condition de John et David, toujours pressés, toujours dans l’urgence, mais contraints de demeurer dans un bled soumis au diktat d’une crapule qui n’hésite pas à s’approprier les terres d’autrui. Les Chandler sont le grain de sable dans la belle mécanique de la famille Burleigh.
John Chandler, sudiste retors, ne se laisse pas marcher sur les pieds. Depuis longtemps, les habitants ont abandonné tout espoir de liberté. Les Burleigh font régner leurs lois. Seule Linnett Moore résiste.
Le Fier Rebelle sonne juste et beau. Très conseillé.

 
Le Gaucho, de Jacques TourneurLe Gaucho de Jacques Tourneur avec Rory Calhoun, Gene Tierney, Richard Boone…

Argentine, 1875. A la mort de son père, Don Miguel rentre au pays pour prendre les rênes de l’hacienda familiale. Il y retrouve Martin, un ami d’enfance qu’il considère comme son frère. De chaleureuses, les retrouvailles passent à orageuses quand Martin tue le cow-boy qui refuse de trinquer au retour du fils prodigue. Désormais hors-la-loi, il s’acharne à préserver les grandes plaines de la pampa en empêchant par les armes le chemin de fer de les traverser. Traqué par le major Salinas dont il préserve pourtant la vie, fragilisé par l’amour qu’il porte à la belle Teresa Chavez, Martin tente de fuir vers le Chili…
Un western tourné au fin fond de la pampa argentine par Jacques Tourneur, ça ne se refuse pas. Tavernier présente le film comme élégiaque, sombre et désenchanté. C’est exactement ce qu’il est. L’atmosphère des plaines venteuses jusqu’à la cordillère des Andes vibre des esprits anciens. Le gaucho est de la trempe des hommes d’honneur, un de ces héros que l’on imagine toujours sur le front à mener des combats pour défendre le pays et son clan.
Une pépite aux couleurs de carte postale.

 
Le Bandit, d'Edgar G. UlmerLe Bandit d’Edgar G. Ulmer avec Arthur Kennedy, Betta St. John, Eugene Iglesias…

Son complice abattu lors du hold-up d’un wagon de marchandises, Santagio trouve refuge dans une ferme isolée du Haut-Mexique. Si Manuelo Lopez, le fermier, projette de le tuer pour s’emparer du butin, il y renonce après que le bandit en fuite lui a sauvé la vie. Pendant ce temps, sa femme, Maria, fatiguée d’une vie de labeur et de misère, supplie le fugitif de l’emmener aussi loin que possible. Bientôt, au moment de son départ, Santiago voit arriver Gunt, son receleur, accompagné de policiers…
Le Bandit n’est pas un western comme les autres. Il n’y a ni cow-boys, ni Indiens, ni actions brutales. Il y a une attaque de train à l’arrêt, un vol de montres, un tacot, un pleutre, une femme accablée et, en supervedette, un bandit barbu ancien paysan devenu révolutionnaire par désillusion. N’en jetez plus ! Sa différence, Le Bandit la soigne dans les ruptures de ton mâtinées de réflexions métaphysiques.
Santiago n’est pas un méchant brigand sans cervelle. Au contraire, les doutes l’habitent, Dieu lui mène la vie dure. Après la mort de son ami Vicente, Santiago réalise tout le chemin parcouru et décide de raccrocher les éperons.
Alors qu’il demande au fermier de le conduire au village le plus proche pour refourguer sa marchandise, notre hors-la-loi s’étonne de la couardise de son hôte autant que du mal de vivre de la maîtresse de maison. A ce moment précis, le traitement des personnages prend une tournure particulière. Nous tenons là un grand film.
Betta St. John, en femme soumise, est sublime. Arthur Kennedy porte sa gueule patibulaire jusqu’au panthéon des anges maudits.
Le Bandit, signé du génial Ulmer (Le Démon de la chair, L’Impitoyable…), mérite toute votre attention.

 
La Rivière de la poudre, de Louis KingLa Rivière de la poudre de Louis King avec Rory Calhoun, Corinne Calvet, Cameron Mitchell, Penny Edwards, Carl Betz…

Ancien marshal, Chino Bullock range son colt pour exploiter, avec son ami Jack Slater, un filon d’or situé sur les berges d’une rivière du Wyoming. Si la chance leur sourit, elle suscite aussi des convoitises. Son associé abattu d’une balle dans le dos, Chino accepte de reprendre les armes et l’étoile de shérif pour faire régner l’ordre dans la région, tout en recherchant les assassins. Ses soupçons se portent bientôt sur les frères Logan. Des adversaires contre lesquels se dresse aussi Mitch Hardin, un ex-médecin qu’une tumeur au cerveau pousse à des comportements suicidaires…
La Rivière de la poudre fait directement écho à My Darling Clementine de John Ford (on dit vulgairement « remake »). En effet, le grand sujet du film décrit le passage de la nature sauvage à la civilisation. Un passage autant physique que psychologique, il va sans dire ! Vous verrez que la voie de retour n’est pas une option mais une nécessité selon les circonstances.
Le scénario réserve de belles surprises. Les paysages du Wyoming flattent la rétine. On ne s’ennuie pas. Que demander de plus ? Un scotch.

Tous ces westerns sont disponibles en DVD chez Sidonis Calysta, sauf L’Attaque de Fort Douglas et Fier Rebelle chez Artus Films.

Mots-clés : ,