Le panier garni de l’automne 2013

 

Le panier garni de l'automne 2013Quelques années en arrière, où j’étais jeune, beau et désirable, je commis la terrible erreur d’emprunter pompette un bolide italien pour me rendre fond de train les ballons à la fromagerie de Poligny, petite bourgade du Jura capitale de la pâte pressée cuite. J’achetai, sur un coup de tête, fiévreux, 40 kg de Comté 18 mois d’affinage. « Mais pourquoi raconte t-il ça ? », me direz-vous en vous caressant la glotte de Blanot. Mais parce que ça, ou autre chose…
En tout cas, depuis ce jour mémorable, je ne prête plus ma brosse à dents, ni ma fiancée que l’on me rend toujours agrandie.
Sur ce, je vous ai préparé un panier garni de galettes que vous m’en donnerez des nouvelles.

 
Les Voyous, de Carlos SauraLes Voyous de Carlos Saura avec Manuel Zarzo, Luis Marin, Oscar Cruz…

Les quartiers populaires de Madrid cachent les p’tits voyous au cœur tendre. L’un d’eux, Juan, veut devenir toréador. Ses amis décident de lui procurer l’argent nécessaire à son premier combat. Quand les menus larcins sonnent comme de beaux idéaux…
1959. L’Espagne ne rigole pas. La censure coupe. La censure triture. Les autorités ne supportent pas de projeter en grand format les agissements répréhensibles d’une jeunesse insouciante. Los Golfos, sélectionné à Cannes en 1960, est amputé de 11 minutes.
Les Voyous renaît enfin comme son auteur l’avait rêvé, à la fois cru et tendre, en chef-d’œuvre néoréaliste. Impossible de ne pas penser à Jean-Luc Godard ou Federico Fellini.
Les vauriens sautillent, s’enlacent, courent les rues de la grande ville, désœuvrés, plein d’espoir, perdus mais vivants. Les longs panoramiques de Saura poussent la bande du centre historique jusqu’aux périphéries, zones de transit où naissent les mauvais garçons. Qu’on dit.
Les Voyous diffuse une énergie, une vraie force libératrice, c’est en cela qu’il fut perçu comme dangereux. Conseillé. Très.
Dans les bonus, un documentaire revient sur l’histoire du film.
Disponible en DVD chez Blaq out.

Le Territoire des ombres : le monde interdit de José Luis AlemanLe Territoire des ombres : le monde interdit de José Luis Aleman avec des acteurs, des actrices et quelques animaux.

A la recherche de Luisa, une bande de potes se retrouve pris au piège d’une organisation secrète détentrice du fameux Necronomicon : le livre des morts. Le grimoire permet d’ouvrir une porte où surgissent des créatures antédiluviennes (Régine, Michou, Annie Cordy). Eviteront-ils la catastrophe ? Retrouveront-ils Luisa ? Je vous le demande. Hein ? Oui ? Personne ? Forcément, vous n’avez pas encore vu Le Territoire des ombres : le monde interdit. Suis-je sot.
Le premier opus de l’aventure lovecraftienne Le Territoire des ombres : le secret des Valdemar recelait de belles surprises et une ambition formelle tout à fait louable par rapport à son budget tout mini tout riquiqui. Le second volet, malheureusement, ne vaut pas tripette. C’est d’autant plus décevant que nous étions dans le jus à espérer un épilogue efficace. Il n’en est rien. Alors voilà, l’intrigue se perd dans un dédale abscons d’explications opaques sur une secte pas très claire. Même Cthulhu y voit flou. Les acteurs et les actrices en totale roue libre écarquillent les yeux devant le danger, un danger qui naîtra seulement en postproduction. Nous ne sommes pas dupes !
Bizarrement, ce diptyque foiré seulement sur sa deuxième partie m’inspire plus de tendresse que de mépris. Oui, de la tendresse.
Disponible en DVD et blu-ray chez Condor Entertainement.

The Ambassador, de Mads BruggerThe Ambassador de Mads Brügger, produit par Lars von Trier avec tout un tas de margoulins peu fréquentables.

Mads Brügger perce les secrets de la Françafrique en s’inventant un personnage d’homme d’affaires européen nommé « Ambassadeur » via quelques entourloupettes à proprement parler hallucinantes. Son projet s’avère des plus élémentaires ; profiter de son statut de diplomate, percer la société centrafricaine et tenter de s’en mettre plein les fouilles.
Le journalisme performatif maîtrisé donne des résultats au-delà des espérances. La Françafrique vu par un Danois est d’autant plus surprenante que pour nous, Français, il n’y a aucun secret à ces secrets. Brügger s’infiltre chez les nantis du cru où la corruption est un remède contre la mort plus efficace qu’un vaccin.
Les sans-papiers africains crèvent chez nous la gueule ouverte quand des Blancs sans scrupules obtiennent pour 135 000 dollars des titres diplomatiques qui leur permettent d’accéder en moins de temps qu’il ne faut pour le dire aux trafics les plus ignominieux. Profiter d’un circuit diamantifère n’a rien de bien compliqué.
La galerie de portraits vaut le détour. Effarant et révoltant.
Disponible en DVD chez Luminor.

Tatanka de Giuseppe GagliardiTatanka de Giuseppe Gagliardi, avec Clemente Russo, Rade Serbedzija, Giacomo Gonnella…

Sud de l’Italie. Michele et Rosario, deux amis d’enfance, vivent de petits maraudages. La Camorra fait régner sa loi sur la cité. Rosario, prêt à céder à la mafia locale, s’enfonce dans la violence. Michele se rêve champion de boxe. Les deux accomplissent leur destin.
Tatanka souffle le même feu que Gomorra. L’urgence et l’accomplissement. Tatanka n’est rien de moins qu’un conte initiatique sur des jeunes qui ont grandi trop vite. Si l’un, Rosario, se contente d’une vie facile, contournant les règles, l’autre, Michele, agit frontalement en guerrier, défiant la mafia, redoublant d’efforts, en perpétuelle résistance.
Le montage nerveux renforce le réalisme des situations. Une frénésie crépite dans l’air comme si tout pouvait exploser dans la minute même. Les comédiens rayonnent.
Tatanka tire sa substance de l’œuvre La Beauté et l’enfer de Roberto Saviano (l’auteur de Gomorra), dans laquelle l’écrivain consacre un chapitre entier à l’acteur-boxeur Clemente Russo, champion d’Europe et champion du monde de boxe. Le cinéma italien, quand il dénonce avec courage le Mal qui le gangrène, force le respect.
En bonus : interview de Clemente Russo et Giuseppe Gagliardi et un portrait passionnant de Roberto Saviano.
Disponible en DVD chez Seven Sept.

Les jeux des nuages et de la pluie, de Benjamin de LajarteLes Jeux des nuages et de la pluie de Benjamin de Lajarte, avec Hiam Abbass, Alain Chamfort, Audrey Dana, Li Heling, John McLean, Simon Yam…

Le Jeu des nuages et de la pluie rassemble le casting le plus hétéroclite du mois. Alain Chamfort aux cotés de l’acteur fétiche de Johnny To, Simon Yam, il fallait y penser. Pas facile de pitcher le film. Sachez que le scénario lorgne vers les travaux d’Altman qui adorait croiser les destins en se donnant vingt-quatre heures ou une semaine pour boucler son intrigue. Il est question d’amour et de remise en question. La mise en scène ultra-léchée (superbe photo) saisit davantage la rétine que les situations entre les personnages parfois trop maniérés. Amour, désamour, confidence, les fanas de la tragicomédie trouveront là leur bonheur.
Pour ma part, j’ai pensé à Claude Lelouch qui lui aussi apprécie la position de démiurge.
En bonus, une interview de l’équipe et le court-métrage de Benjamin de Lajarte, Son nom.
Disponible en DVD chez Blaq out.

L'Aveu, de Douglas SirkL’Aveu de Douglas Sirk, avec Linda Darnell, George Sanders…

Au début du XXe siècle, en Russie désormais soviétique, un aristocrate déchu, le comte Volsky, cède un manuscrit à une maison d’édition que dirige Nadena Kalenin. Cet ouvrage raconte comment Fedor Petroff (George Sanders), un ancien magistrat dont Nadena devait devenir l’épouse, a vécu dans la débauche avec la sulfureuse Olga, une paysanne manipulatrice (Linda Darnell). La lecture de ce manuscrit plongera Nadena dans un passé sombre auquel le comte Volsky a lui-même contribué.
Ne vous fiez pas à ce résumé très officiel de l’éditeur (pitch ô mon pitch… non, je n’ai plus la force de), un poil âpre, limite rugueux car Douglas Sirk sublime les mots de Tchekhov. L’Aveu met en lumière ce qu’il y a de plus vil dans la nature humaine à commencer par les faux-semblants et les non-dits qui pourrissent le cœur à petit feu. L’Aveu raconte la passion empoisonnée par l’illusion où quand la névrose diffuse son névralgique venin. On dit que c’est un film d’époque sur l’autodestruction et la lâcheté, mais aujourd’hui, rien n’a changé. Un classique.
Brion et Tavernier en bonus. Comme d’hab et c’est tant mieux.
Disponible en DVD chez Sidonis Calysta.

Panic Button, de Chris CrowPanic Button de Chris Crow avec Scarlett Alice Johnson, Jack Gordon, Michael Jibson…

A bord d’un avion privé qui les emmène à New York, les quatre gagnants d’un jeu se retrouvent pris au piège. Une voix off leur intime l’ordre d’exécuter des tortures à leurs voisins de siège sous peine d’être eux-mêmes très sévèrement punis. Oseront-ils désobéir ? A 30 000 pieds, difficile de prendre la tangente.
Au moment où commence le film, nous sentons le traquenard du naveton « Secret Story gore ». C’est tout le contraire. Le huis clos s’avère méchant, craignos, sachant ménager une tension constante. Même la voix off fout les miquettes. Efficace et réjouissante petite série B.
Disponible en DVD et blu-ray chez Filmedia.

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