En attendant le printemps : les nouveautés DVD

 

A vot’ bon cœur m’sieurs dames ! Qui n’en veut de mes galettes ? Dans ce papier spécial « nouveautés », nous aborderons tour à tour le délicat problème de la provocation, du retour inattendu des nazis sur la planète Terre, des méandres de la presse russe, de l’amour filial, le marivaudage, les corps blessés…
En aucun cas nous évoquerons le trop sensible sujet – Peut-on rire de tout ?
Je le dis à tout crin, le cinéma c’est mon dada.

Killer Joe, de William FriedkinKiller Joe de William Friedkin avec Matthew McConaughey, Emile Hirsh, Gina Gershon, Juno Temple…

Chris, petit dealer, minable gus, doit rapidement trouver 6 000 dollars avant de terminer dans une poubelle deux trous rouges au côté droit. Son idée : buter sa mère et récupérer les 50 000 dollars de l’assurance vie. Killer Joe fera le sale boulot mais Killer Joe ne fait pas crédit. Tout espoir n’est pas perdu car Dottie est là, petite sœur toute fraîche, toute pimpante, toute humide, toute offerte…
Killer Joe n’a pas laissé la rédaction indifférente puisque le film est largement cité dans notre Top 12 de l’année 2012 et qu’il figure en bonne place au sein de nombreux sites, blogs et revues cinéma. Cependant, rien dans Le Chasseur français.
Killer Joe plaît parce qu’en bon réac qu’il est, Friedkin filme tout haut ce que les terroristes humanistes nous interdisent de penser tout bas, quand la police du politiquement correct nous autorise à penser. La paranoïa me gagne, la théorie du complot me gangrène, vite, un suppo et au lit !
Killer Joe plaît parce que l’effet cathartique nous libère un temps de nos entraves. Qui s’y frotte s’y pique.
Friedkin accepte d’endosser nos péchés, rendons-lui cette grâce, en adaptant une nouvelle fois après Bug une pièce de Tracy Letts, un audacieux dramaturge américain qui n’hésite jamais à surligner avec le ton qui est le sien les dysfonctionnements de la société moderne. User du prisme de la famille tuyaux de poêle au risque de tomber dans la caricature facile pour saisir la réalité sans altérer la véracité du quotidien, c’est très fort ! Pour la faire courte, nous ne sommes pas chez Etienne Chatiliez. Quand il est question de protéger leurs intérêts, aussi petits soient-ils, les esprits étriqués n’hésitent pas à employer les grands moyens. Leurs vils desseins se nourrissent de la cruauté, la violence, le mensonge, tout ce qui fait le sel des membres de la rédaction de Grand Écart (suivez mon regard). Où quand les « Dix Commandements » fusionnent aux « Sept Péchés capitaux ».
Les deux font la paire. Letts et Friedkin s’associent pour accommoder l’absurdité contemporaine aux ressorts de l’antique tragédie.
Le découpage est incisif, net, épuré et les entrées de champ augurent d’ambiances mouvementées. Ah, l’apparition de Gina. Minou pleine poire. Killer Joe ne respecte rien ni personne sauf son public. Merci Bill.
Disponible en Blu-ray et DVD chez Pyramide Video.

 
Iron Sky, de Timo VuorensolaIron Sky de Timo Vuorensola avec Julia Dietze, Götz Otto, Christopher Kirby, Tilo Prückner, Stephanie Paul, Peta Sergeant, Udo Kier…

Iron Sky est le film le plus barge, le plus génial, le plus débile, le plus osé, le plus con, le plus drôle, le plus irrévérencieux, le plus moqueur, le plus science-fiction, le plus malade, le plus sidérant, le plus audacieux, le plus cathartique, le plus stupide, le plus clairvoyant, le plus réaliste… Bref, le plus.
A l’heure où les Etats-Unis d’Amérique subissent les caprices d’une Sarah Palin présidente plus vraie que nature, les nazis, réfugiés sur la face cachée de la Lune, préparent leur retour sur la planète Terre. Back in black.
Si je commence à vous énoncer les références ultra-bidonnantes qui chaque minute fleurissent à l’écran, je risque de vous gâcher la fête. Croyez-moi qu’Iron Sky (malgré son allure de série B malodorante) en a sous le capot. Tout le monde (avec un grand M) passe à la moulinette ; les Noirs, les Blancs, les cons, les femmes, les connes, les hommes, les victimes de la mode, les intellectuels, les militaires, les scientifiques et j’en oublie.
Sous la déconne, Iron Sky tire la sonnette d’alarme ; ce passage en revue des troupes de débiles (du politique jusqu’au rédacteur en chef du magazine Vogue) qui aujourd’hui régissent le monde fait froid dans le dos. Qu’ils soient sur Terre ou planqués sur la Lune, les salauds sont là, à coté de nous, et ils ne portent pas forcément une croix gammée sur le bras.
Comédie certifiée 100 % pur sang.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Condor.

 

Confession d'un enfant du siècle, de Sylvie VerheydeConfession d’un enfant du siècle de Sylvie Verheyde avec Pierre Doherty, Charlotte Gainsbourg, Lily Cole, Guillaume Gallienne…

Je ne vous cache pas plus longtemps qu’avant même de m’installer confortablement dans mon canapé, je pars avec quelques a priori sur le film de Sylvie Verheyde. Si le roman de ces âmes souffreteuses en peine (ou panne, le film bande un peu mou) d’amour m’horripile au plus haut point, la vie des dandys bourgeois terrassés de névroses m’indiffère encore plus sans que vraiment, je ne sache pourquoi. Ah si je sais ; je me sens impuissant à les torturer un peu plus. Ensuite, vient le cas Pete Doherty. Moi qui apprécie les joyeuses et légères mélopées wagnériennes, la ponctualité, les chicots propres et la peau des aisselles débarrassée d’odeurs incommodantes, il me faut prendre derechef l’une de ces résolutions qui m’empêcheront de balancer mon téléviseur par la fenêtre.
Eh bien croyez le ou non, et même si vous vous en tamponnez le coquillard, Pete Doherty est tout à fait à sa place engoncé dans les oripeaux d’Octave, tout à fait correct et même, plutôt crédible, en amant capricieux négligé. Comme d’habitude, Charlotte Gainsbourg rayonne. Elle brille, je veux dire. Je ne doute pas un instant qu’elle parviendrait à nous régaler de la sorte en caissière de supermarché.
Sylvie Verheyde prend le parti de filmer à l’épaule les boires et les déboires d’Octave. Ce choix osé dynamise des situations dont nous pourrions vite nous fiche (filmer le banal affligeant n’est pas donné à tout le monde) car il permet d’une part de mieux cerner les indécisions et les errements de l’antihéros et d’autre part d’amoindrir la fatuité d’un ego endommagé par la fausse modestie de son porteur. Verheyde n’affectionne pas les poseurs. Fiancé trompé, libertin, romantique, éconduit, jaloux, Octave reste Octave. Un vers solitaire.
Le gros défaut du bazar, c’est la durée ; 30 minutes en moins et Confession d’un enfant du siècle gagnait ses galons d’ode à l’amour difficile.
Une curiosité. Une bonne surprise. Ceux qui apprécient la sécheresse des cœurs, les pièces humides, l’austérité de la campagne seront servis.
Disponible en DVD chez Ad Vitam.

 
Le Quatrième Pouvoir, de Dennis GanselLe Quatrième Pouvoir de Dennis Gansel avec Moritz Bleibtreu, Kasia Smutniak, Max Riemelt, Rade Serbedzija, Stipe Erceg…

Le réalisateur allemand de La Vague revient sur les interconnexions douteuses entre patrons de presse et hommes politiques. Oui, mais en Russie. Et là ça change tout. Vaste sujet que la liberté d’expression des journalistes au pays de Poutine où les réseaux de pouvoir affiliés au Kremlin s’infiltrent jusque dans les arcanes des magazines people. Le Quatrième Pouvoir utilise les ficelles du thriller pour dénoncer la désinformation systématique sur tout ce qui touche de près ou de loin les intérêts russes en Tchétchénie. Ou quand il y a du pétrole il n’y a pas d’indépendance.
Paul Jensen, journaliste qui y croit, quitte son poste à Berlin pour intégrer un tabloïd russe. Son ordinaire moscovite s’améliore quand il croise Katja, une journaliste engagée qui lui propose de diriger une rubrique dans son propre magazine.
L’histoire est trop belle. Paul tombe dans un complot ourdi par les forces noires de l’Empire, un engrenage kafkaïen où les autorités l’accusent de terrorisme.
Le scénario, un poil bordélique dans sa présentation du contexte, part vite dans tous les sens sans réellement choisir de camp. Son gros défaut réside dans la fuite du personnage principal. Une fuite qui arrive au bout de trois quarts d’heure et qui coupe court à toutes analyses sur le pourquoi du comment des dangereuses relations entre les médias et les politiques. On alterne des séquences en mode Le Fugitif puis Midnight Express puis re-Le Fugitif comme si les scénaristes s’étaient rendu compte trop tard qu’ils n’avaient pas assez bossé le sujet. Il n’y a rien de honteux mais les intentions artistiques ne sont pas claires. Pour creuser il faudra piocher ailleurs. Point positif, la mise en scène de qualité tire l’interprétation vers le haut. Perfectible mais tout à fait honorable, comme disent les profs.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Bac Video.

 
Comme un homme, de Safy NebbouComme un homme de Safy Nebbou avec Emile Berling, Charles Berling, Sarah Stern, Kevin Azaïs…

Comme un homme est tiré du roman L’Age bête de Boileau-Narcejac. Louis, 16 ans, est le fils du proviseur de son lycée. Son meilleur ami, Greg, s’enfonce dans un mal-être qui lui vaut d’être sous la menace d’un renvoi définitif après avoir agressé sa prof d’anglais, Camille.
Aveuglé par la vengeance, Greg est passé à l’acte. Il a kidnappé Camille et l’a séquestrée au cœur d’un marais dans le cabanon de vacances de Louis. Complice, Louis accepte par amitié les humiliations infligées à Camille. Les deux adolescents décident de libérer leur prof. Le lendemain, Greg n’est pas au rendez-vous.
Comme un homme offre deux portraits de la jeunesse post-adolescente plus saisissants que beaucoup d’œuvres dites spécialisées. Emile Berling (Louis) et Kevin Azaïs (Greg) transpirent la justesse, l’un tout en retenue, l’autre écorché vif. On peut pointer du doigt et dire – J’ai connu, je connais…
Très à l’aise dans l’univers de Boileau-Narcejac, Nebbou ne fait pas dans la demi-mesure. C’est tendu, prenant, méchant. Son long-métrage, efficace de bout en bout, qui n’en fait jamais trop, avance comme s’il nous interdisait de regarder en arrière. Ce qui est fait est fait.
Une heureuse adaptation. Le terreau idéal aux bonnes questions sociales.
Disponible en DVD chez Diaphana.

 
Fix Me, de Raed AndoniFix Me de et avec Raed Andoni avec aussi Nasri Qumsia, Fathi Flefel…

Raed souffre d’une migraine assommante qui handicape ses aspirations d’artiste. Sur les radios et les bilans sanguins, son médecin ne trouve rien d’anormal. Raed se fait du mouron. Le voilà poussé en thérapie.
Raed porte sur ses épaules le poids de la Palestine. Il a sacrifié sa vie pour son pays, mené de nombreux combats pour la dignité de son peuple et passé une année entière en prison. Aujourd’hui, sa peine réside dans sa volonté contrariée de s’affirmer comme un individu. Les maux touchent la tête, le cœur et le corps.
A bord de sa BMW rouge, Raed tourne en rond, fond de train les ballons sur des routes qui ne semblent mener nulle part. Le mur israélien coupe l’horizon.
La mère ne comprend pas que son fils chéri filme son mal de crâne. La sœur considère ce frère névrosé comme un crétin. Le neveu s’enrage de la situation du monde. Raed tourne en rond. Un cinéma d’échelle direct aussi cruel qu’attachant.
« Seule certitude, la liberté n’est pas soluble dans l’eau. » Jean-Luc Aspirine
Disponible en DVD chez Blaq Out.

 
Trois soeurs, de Milagros MumenthalerTrois sœurs de Milagros Mumenthaler avec Maria Canale, Martina Juncadella, Ailin Salas, Julian Tello…

Buenos Aires. L’été tire sa révérence. Trois sœurs hantent la vaste maison familiale depuis la mort de leur grand-mère. Marina prépare sa rentrée universitaire. Mignonne, un peu garçonne, elle ne sait pas quoi faire de son corps qu’elle trouve trop « carré ». Violeta, quant à elle, ne sait pas quoi faire du tout. Elle traîne toute la journée, va de sa chambre au canapé, se nourrit de telenovelas. Parfois, elle s’enferme avec un garçon. Sofia s’occupe de sa petite personne, vit sa petite vie de fille superficielle. Les sœurs s’aiment, et se désespèrent. Jusqu’au jour où Violeta disparaît.
Trois sœurs rappellent ces bonbons acidulés tellement bons mais qui piquent la langue. L’ennui, l’attente et les doutes encombrent le quotidien. Nous sommes proches du point de rupture. Le deuil brise les habitudes autant qu’il coupe les pattes. Les filles se testent à sortir de la torpeur à coup de douce vacherie. Trois sœurs ne verse jamais dans le pathos.
Résonne la mélancolie, tinte l’amour, brille une nouvelle liberté. Emouvant.
Disponible en DVD chez Blaq Out.

 
In Another Country de Hong Sang-soo avec Isabelle Huppert, Yu Junsang, Jung Yumi…

Relire la critique de Mélanie Carpentier.
Vous penserez sur le fond et sur la forme à Eric Rohmer, il ne faut pas, mais vous y penserez quand même. L’univers d’Hong Sang-soo n’appartient qu’à lui. Ce marivaudage provincial éclaire une petite station balnéaire coréenne battue par les pluies. Isabelle Huppert toute sautillante diffuse dans un anglais scolaire une joie communicative.
Disponible en DVD chez Diaphana.