Siddarth, de Richie Mehta

 

Siddarth, de Richie MehtaLes films sociaux réalistes indiens sont rarement des parties de franche rigolade. Contrairement au versant « Bollywood » de la production cinématographique du sous-continent, ce sont des films âpres, au ton plus sec, ancrés dans une réalité douloureuse qui dénonce sans relâche les injustices d’un système politique corrompu, inégalitaire et où la pauvreté fait des massacres.

Ceci dit, les films sociaux indiens sont aussi les témoignages les plus vibrants et les plus déchirants sur le sort d’une humanité en prise avec ses plus bas démons et ses instincts les plus vils. Il est impossible de rester de marbre face aux destins de ces personnages ballotés dans des rouages où le terme tragique paraît bien faible. Et on peut aussi trouver cela « trop » : la cruauté qui y règne est à la limite du supportable et le sort des femmes y est quasiment toujours désespérant.

Eh bien bravo, avec votre introduction vous m’avez complètement dégoûté !

J’allais y venir, il y a bien sûr un MAIS…

Trop tard, je vais aller revoir Jurassic World pour la peine !

Non mais là je vous parle d’une sortie DVD.

Peu me chaut, je veux des dinosaures.

Siddarth est un film intéressant à plusieurs niveaux, il serait vraiment dommage de passer à côté !

Ah bon ? Il déprime différemment des autres ?

Tout d’abord, l’histoire est d’une simplicité qui la rend universelle : un père envoie son fils travailler dans une ville lointaine pour aider la famille à surmonter une passe difficile, mais le fils ne revient pas à la date convenue. Craignant qu’il n’ait été enlevé, le père se lance dans une quête désespérée.

Apportez-moi mon Lexomil…

Ensuite c’est un regard sans concession mais teinté de vraie douceur sur la réalité de la société indienne. Les images du making of montrent que le film a été tourné sur place dans des décors réels. Cette proximité avec le sujet se sent, le film est investi de cette réalité sans qu’elle soit pesante : c’est un vrai décor, utilisé comme tel, qui véhicule des émotions et donne chair aux personnages.

Vous savez, parfois j’ai l’impression d’être de retour à la fac avec vos explications…

Je ne pensais pas que vous auriez des souvenirs de cet époque… En tout cas pas des souvenirs de cours.

Touché.

Je peux ?

Mais je vous en prie.

Le sujet est grave, certes, profondément bouleversant même. Mais la réalisation prend soin de ne jamais aller dans le misérabilisme. Ces gens sont pauvres, c’est ainsi, c’est leur milieu. La question est d’ordre pratique : comment dès lors rassembler de l’argent pour financer les voyages du père ? Comment réorganiser son travail, sa vie de famille ? Comment protéger sa fille ? Ce sens pratique évite au film de devenir un simple « Les Misérables indiens ». Il est question de dignité, le père refuse de marchander avec des truands pour obtenir de l’argent, mais il y est surtout question de compassion et d’affection. C’est la beauté de ces scènes où certains personnages que l’on pensait désagréables ou mal intentionnés se révèlent plus attentionnés que prévus.

Bon, d’accord, mais les films réalistes… enfin, moi ça m’emm…

Oui, je l’entends bien, mais comme dans beaucoup de films indiens de ce genre, l’étiquette réaliste cache avant tout une autre qui est celle du thriller. Car c’est un véritable suspense qui s’installe tout au long du film. Pas un suspense de mauvais goût au sujet du sort du garçon, mais sur les essais de ses parents pour aller à sa recherche. Un suspense social, authentique et qui nous plonge dans un monde où nos repères n’ont pas lieu d’être. C’est ainsi une plongée dans une Inde loin des clichés touristiques habituels, c’est passionnant.

C’est vrai que Jurassic World, à part les dix dernières minutes c’est vraiment de la… c’est pas bon… vous m’avez encore eu avec vos films indiens…

Mais c’est avec plaisir ! Vous verrez, c’est une œuvre très émouvante, le genre de film qui reste en mémoire, longtemps après le visionnage.

Mais la prochaine fois, c’est moi qui vous persuaderai de voir le nouveau Roger Corman !

Sharktopus vs. Whalewolf ? Déjà vu…

 
Siddarth de Richie Mehta avec Rajesh Tailang, Tannishtha Chatterjee… Inde, 2013. Sortie le 27 août 2014. Sortie DVD le 9 juillet 2015.

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