Jess Franco, fabricant d’Eros

 

Jesùs Franco est une légende. Un morceau d’histoire. Pour la génération de bisseux qui squattaient chaque samedi soir les salles de quartier jusqu’au petit matin, Jesùs dit Jess fut le prophète de l’horreur érotique, un stakhanoviste de la jarretelle, insatiable, jusqu’à tourner 10 films par an.
Franco croque les femmes avec gourmandise et qu’elles soient perverses ou les victimes innocentes de pervers polymorphes, ses héroïnes apparaissent au naturel, sans artifice, bien en chair. On apprécie les imperfections, les filles qui ont du chien. Aujourd’hui, les poufs de la réalité « photoshopées » à l’extrême squattent les médias. Et le boudin, je le préfère aux pommes, pas au botox.
De La Comtesse perverse jusqu’à Célestine bonne à tout faire, vous vous baladerez d’ambiances poisseuses et anxiogènes aux atmosphères des meilleurs Philippe Clair (Le Furher en folie, Rodriguez au pays des merguez…). Aaah, l’enivrant parfum des productions seventies.

 
La Comtesse perverse, de Jess FrancoLa Comtesse perverse avec Alice Arno, Lina Romay, Howard Vernon, Tania Buselier…

Au sein de leur île privée, le comte Rador Zaroff (Howard Vernon) et son épouse, la comtesse Ivana (Alice Arno), s’adonnent à des mœurs libertaires pour le moins étranges. Des jeunes filles sont régulièrement accueillies pour des expériences érotiques. Au lendemain de ces soirées, une partie de chasse est organisée, dont le gibier est la jeune fille, poursuivie par la comtesse, nue et son arc à la main. La victime finit alors mangée par le couple d’aristocrates. Quand la jolie Sylvia (Lina Romay) manque de tomber dans le piège, les choses ne vont pas se dérouler comme à l’accoutumée…
Une île sauvage baignée de ciel bleu, une villa contemporaine à l’architecture extraordinaire, une chasse à l’homme (ici à la femme), du cannibalisme… Le tour est joué. Nous voilà au cœur du cinéma des années 1970, un cinéma comme on n’en fait plus, avec trois francs six sous, libre, sans concessions, aux limites du psychédélisme. La Comtesse perverse est présentée dans sa version expurgée des inserts érotiques imposés par Robert De Nesle qui, à l’époque, désirait plus que tout surfer sur la vague pornographique. Grosse erreur de gros cochon. Cet hommage au chef-d’œuvre d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel La Chasse du comte Zaroff ne manque pas d’atouts. Les succulentes interprétations de Lina Romay et Howard Vernon ne sont pas étrangères à la réussite du projet. Le cabotinage, toujours de bon goût, excuse les faiblesses du scénario. Le grand-angle y fait pour beaucoup dans ces intentions de titiller la rétine. Tout semble gigantesque et grisant.

 
Plaisir à trois, de Jess FrancoPlaisir à trois avec Alice Arno, Robert Wood, Lina Romay, Howard Vernon…

Sortie de clinique psychiatrique au bout d’un an d’enfermement, Martine de Bressard (Alice Arno) retrouve son manoir et son mari, Charles (Robert Wood). Le couple reprend alors ses habitudes perverses : ils font venir une jeune fille prude pour l’initier à tous les vices à travers des jeux érotiques. La jolie Cécile (Tania Busselier) va ainsi être initiée, aidée par Adèle (Lina Romay), la jeune esclave sourde. Mais la crypte du manoir cache des secrets et quelques cadavres…
C’est au tour de Sade d’être adapté. Mais adapté librement. Alain Petit, cinéphage qui assure une grande partie des bonus de la collection Artus Films est à l’origine du scénario. Il nous raconte (avec passion et un poil nostalgique) son amour pour le travail de Franco et pour l’homme ainsi que la surprenante genèse de Plaisir à trois. Admirer quelqu’un est une chose, travailler avec lui en est une autre. Petit insiste ; la passion emporte tout, même les emmerdes, si tant est que l’on puisse supporter les situations impossibles loin des images strass et paillettes véhiculées par les grands studios lors des grands événements. Pour collaborer avec son idole, Petit a ravalé sa fierté. Il a tenu le coup, et le budget !
Plaisir à trois prend Sade à rebrousse-poil au moment où la trahison se substitue à la complicité. L’image léchée fait une nouvelle fois passer la pilule (comprendre la légèreté du scénario).

 
Venus in Furs, de Jess FrancoVenus in Furs avec Klaus Kinski, Maria Rohm, Margaret Lee, James Darren, Barbara McNair…

Jimmy Logan (James Darren), un trompettiste de jazz, noie son manque d’inspiration dans l’alcool et la drogue. Un soir, il rencontre la belle Wanda (Maria Rohm) et tombe instantanément amoureux d’elle. Il n’intervient pourtant pas lorsqu’elle se fait violer par deux hommes. Le lendemain, sur la plage, à peine sorti de ses vapeurs oniriques, Jimmy tombe sur le cadavre d’une femme noyée : Wanda. Le musicien part alors à Rio où il rencontre Rita, une chanteuse noire. Un soir, Wanda apparaît, toute vêtue de fourrure…
Certains disent que c’est le chef-d’œuvre de Franco. Moi pas (Ouch ! Attention, je n’y vais pas avec le dos de la cuillère !). L’énorme problème du film réside en un scénario si alambiqué d’effets de manche qu’il faut être un sacré fan du bonhomme pour accepter d’y comprendre quelque chose. La grande qualité de Venus in Furs, il faut la chercher du côté de l’ambiance vaporeuse où le jazz du groupe Manfred Mann s’applique à nous envoûter. Le charme opère si vous êtes un spectateur conciliant. Ce n’est pas un péché de se laisser convaincre. Aussi, entre ces rêves et ces cauchemars, vous penserez sans doute à David Lynch. Venus in Furs est peut-être l’œuvre de Franco où le langage cinématographique y est le plus singulier.

 
Célestine bonne à tout faire, de Jess FrancoCélestine bonne à tout faire avec Lina Romay, Pamela Stanford, Richard Bigotini, Howard Vernon, Olivier Mathot…

Obligée de fuir de sa maison close à cause d’une descente de police, une jeune pensionnaire, Célestine, se retrouve à errer presque nue dans la campagne. Arrivée devant les grilles d’un château, elle pénètre dans la propriété. Elle est recueillie par Sébastien, le jardinier, qui va lui offrir une douce nuit dans la grange. Au matin, c’est au tour de Malou, le valet, de faire la connaissance de Célestine. Bientôt, toute la famille du comte de La Bringuette ne pourra plus se passer de Célestine, devenue « bonne à tout faire », et qui va faire du vieux château un véritable temple de l’amour.
Une paillardise bonnarde, ou savoureuse, selon si vous êtes à la maison, ou au bureau. Inspiré par le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau, Franco s’abandonne à la grivoiserie. Un entracte joyeux.

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