La Frichti Sélection

 

Cette nouvelle sélection ne manque ni de charme, ni de piquant et encore moins d’originalité. Elephant Films nous sort de derrière les fagots quatre Douglas Sirk inédits, du muet tragique et bidonnant et du culte de chez culte. Alors que demande le peuple ? Le peuple ne demande rien – à part la revalorisation du SMIC à 6000 euros net par mois, une baisse de la TVA de 20 % à 0,1 % – car il est forcément satisfait par cette nouvelle sélection.

MagnumEt vous savez quoi ? Nous allons commencer cette revue par une surprise avec la saison 6 de Magnum P.I. Une saison surprenante qui dénote des précédentes. On y voit Magnum et Higgins régler leurs affaires personnelles en Angleterre (Déjà vu épisodes 1 et 2), Magnum endosser le rôle de surveillant au Gardens Hotel (Hotel Dick épisode 5) puis retourner chez lui après 13 ans d’absence (cet épisode 7, La Lettre volée, est sans aucun doute l’un des plus émouvants de la série). Dans cette saison 6, chaque personnage semble désabusé, prêt à quitter l’île définitivement, comme si l’aventure était terminée. L’épisode 14, Coup de force, où Higgins est accusé d’avoir volé 50 000 dollars à Robin Masters bouleverse nos repères. Higgins soupçonné d’avoir dépouillé Robin Masters de ces œuvres d’art … ? Cornegidouille, c’est impossible !! Plus qu’aucune autre saison, on sent que les scénaristes et les producteurs cherchent à se renouveler avant le bouquet final. Nostalgie et mélancolie habitent chacun des 21 épisodes. La restauration de l’image est exceptionnelle.
La saison 6 est disponible dans un coffret blu-ray.

Demain est un autre jour, de Douglas SirkChères et chers cinéphages, si nous poursuivions ces recommandations par Le Joyeux Charlatan (1953), un Sirk resté invisible durant six longues décennies. Pourquoi et comment l’œuvre d’un maître peut-elle rester à pourrir au fond d’un tiroir aussi longtemps ? Simple supposition ; Le Joyeux Charlatan est une œuvre hybride, une comédie musicale à la frontière de plusieurs genres, un barnum de première catégorie. Il y a fort à parier que les producteurs n’ont jamais su quoi en faire ni comment le vendre. Et pourtant, le résultat vaut le détour tant le charme sirkien agit instantanément (les décors, la mise en scène, le jeu des faux-semblants). Toutefois, je qualifierais ce long-métrage de totalement à part, où l’on ne comprend pas grand-chose de l’intrigue qui tourne autour d’une histoire d’amour et de l’audit d’un orphelinat en décrépitude. Après 90 minutes surréalistes, on peut s’interroger si Sirk n’est pas le véritable créateur du fameux Kamoulox. Si vous êtes fan des bizarreries vous ne serez pas déçus.
Embrayons sans transition sur All I Desire (1953), tragique mélo sur fond de vie ratée. Le film ne fait pas dans la dentelle quand il explore le destin d’une actrice à qui rien ne réussit tant sur le plan professionnel que sur le plan privé. La critique virulente du milieu artistique et des illusions qu’il suscite chez les âmes passionnées et naïves rentre dans le lard bien comme il faut. Vous êtes prévenus, c’est d’une absolue cruauté !! Si après tout ça, vous ne comprenez pas les avertissements sur les dangers du monde du spectacle, Douglas Sirk aura failli. Barbara Stanwick est bouleversante dans son rôle de femme abandonnée. All I Desire délivre une partition dramatique qui perfore le cœur. Encore un grand Sirk.
Demain est un autre jour incarne « Le » style Sirk par excellence. Une histoire de couple qui vire au cauchemar. Un couple qui étouffe, prisonnier et victime des convenances de la petite-bourgeoisie où l’un s’échappe pour tenter de survivre quand l’autre refuse catégoriquement de déroger aux règles de sa condition. C’est dans ces mélos venimeux où l’on peut le mieux admirer le talent de Sirk à faire l’examen des classes sociales américaines. Un chef-d’œuvre.
Les Ailes de l’espérance (1957), qui n’est rien de moins qu’une œuvre culte en Corée, raconte le bombardement d’un orphelinat par l’aviation américaine et la tentative d’un officier supérieur de se racheter de sa bévue. Les intentions du soldat restent louables mais la naïveté des sentiments (au-delà du cucul la praline) écœure rapidement. Voilà un tragique film de guerre, une histoire vraie, où l’humour sert de simple pivot entre les autorités américaines et les enfants survivants. On ne sait pas trop si l’on doit pleurer ou trouver ça consternant. Un Sirk foiré. C’est rare !

La Féerie du jazz, de John Murray AndersonLa Féerie du Jazz (1930) de John Murray Anderson, l’une des premières comédies musicales en Technicolor que le monde n’ait jamais connue, revient sur l’importance du jazz dans la culture populaire américaine au cours du premier tiers du XXe siècle à travers un défilé de tableaux mêlant music-hall, comédie classique et animation. Cette orgie de spectacle délivrée en pleine période de Dépression nous en colle plein les mirettes et c’est peu de chose de le dire. La qualité des décors (le décorateur Herman Ross obtint l’Oscar), tous plus hallucinants les uns que les autres, sublime les partitions orchestrées par le Chef Paul Whiteman. Les critiques regrettent à juste titre l’absence de Sidney Bechet, Louis Armstrong ou Duke Ellington au générique. Ils ont bien raison ! C’était, paraît-il, pour ne pas faire de l’ombre à Paul Whiteman. Je vous laisse le soin d’apprécier les rapports cordiaux entre Blancs et Noirs. Je vous conseille tout de même de découvrir ce bijou intemporel.

L’Homme qui rit version 1928. En Angleterre, à la fin du XVIIe siècle, le roi Jacques se débarrasse de son ennemi, le Lord Clancharlie, et vend son jeune fils, Gwynplaine, aux trafiquants d’enfants qui le défigurent. Le garçon s’enfuit et sauve du froid un bébé aveugle, Dea. Tous les deux sont recueillis par Ursus, un forain. Gwynplaine, baptisé “L’Homme qui rit”, devient un célèbre comédien ambulant. Le bouffon Barkilphedro découvre son ascendance noble et la dévoile à la reine Anne, qui a succédé au roi Jacques. L’Homme qui rit a le mérite de remettre en perspective les thèmes principaux du complexe roman de Victor Hugo, à savoir que le monde est un théâtre où tout n’est qu’apparence et dissimulation. Le cinéaste Paul Leni évite donc soigneusement de tomber dans l’écueil du surlignage propre au langage hugolien, proposant ainsi ses propres points de vue. Cette volonté de s’approprier la grammaire de l’artiste sans jamais la trahir font de cette version une grande réussite.
Les fiancés en folie (1925), c’est l’adaptation d’une pièce de boulevard. Le personnage de Keaton doit se marier pour toucher son héritage et tout cela avant 19 heures. Un malentendu avec son amoureuse et une petite annonce pas très fine provoqueront une hystérie collective. Un parcours contre le temps pour toucher le pactole, un vaudeville bourré de marches effrénées et de courses-poursuites. Pas très fin, mais marrant.

Enfer mécanique, d'Elliot SilversteinPour terminer en beauté ce papier, j’annonce la sortie de trois pépites. La première pépite, Enterré vivant est un téléfilm ultra-culte chez les bisseux. Il s’agit du premier long-métrage de Franck Darabont. Rien que ça. Voilà une sordide histoire de couple autour d’un mari bafoué, empoisonné, enterré vivant et même pas mort ! Du coup, je vous le donne en mille, sa vengeance sera terrible. Terrible ! Le téléfilm (quant à lui) n’est pas terrible mais il réserve assez de qualité pour que l’on ne s’ennuie pas une seconde. La deuxième pépite est l’œuvre d’Elliot Silverstein, Enfer mécanique réalisé à la fin des années 1970. Enfer mécanique s’inscrit dans la veine de Jaws mais en lieu et place d’un requin on peut admirer une voiture démoniaque customisée comme un camion volé s’acharner sur des jeunes gens de bonne famille ! C’est badass à mort ! Une merveille de plaisir coupable. La beauté des montagnes de l’Utah n’est pas étrangère à la réussite de l’entreprise. Et pour terminer en beauté, je vous annonce une formidable édition du Fantôme de Milburn avec les grands Fred Astaire et Douglas Fairbanks JR. Suite au décès suspect de son frère, un homme retourne dans sa ville natale pour tenter de comprendre les raisons du drame. Ce dernier serait lié au Club de la Chaudrée, espèce de cercle littéraire qui compte parmi ses membres le propre père du héros. Apparemment anodines, les veillées au coin du feu au cours desquelles quatre vieillards se plaisent à partager des contes fantastiques dissimuleraient un sombre secret. Le Fantôme de Milburn, c’est le bonbon acidulé de la période « eighties ». On déguste là le feel-good movie fantastique par excellence. Certes, tous nos héros et nos héroïnes cabotinent un peu, mais les scénettes au cœur de la petite bourgade, le cercle d’amis, les souvenirs, l’enfance, les histoires au coin du feu… tout fonctionne à merveille.

Tous ces films sont disponibles en DVD/Blu-ray restauré 4K chez Elephant Films.