Humeur #2 : Dépêche au moule

 

Un champignon atomiqueDans Jour de Fred hier soir, recevant David Cronenberg, Frédéric Mitterrand évoquait le Festival de Cannes et son ambiance « incestueuse », telle qu’une « bombe atomique lâchée sur Paris » ne saurait agiter les festivaliers, partis pour dix jours de marathon cinématographique entrecoupé de fêtes titanesques et de sit-in dans des fauteuils en velours de mohair (bien sûr, cet emploi du temps coïncide avec une bonne place dans la hiérarchie cannoise. Pour beaucoup de blogueurs, petits artisans ou seconds couteaux, ce soir ça sera Les Enfants de la télé accompagné d’une bière hollandaise et d’un peu de terrine. Mais bon, Arthur y reçoit Patrick Sébastien, une rencontre à la mesure de laquelle la poignée de main entre Arafat et Rabin ressemble à du speed-dating).

Grand Écart connaît l’écueil dépeint par Fred’, si bien que ses rédacteurs dorment avec des compteurs Geiger sous leurs oreillers. A l’heure où Cannes traite l’actualité (Sissako avec le Mali, Mohammed et Bedirxan avec la Syrie), le Festival pourrait lui aussi accommoder les gros titres à sa sauce, translatant l’art du raccord des salles de montage au monde réel. La croissance française est nulle ? Le jury pourrait laisser les réalisateurs hexagonaux rentrer bredouille. La sœur de Béyoncé marave Jay-Z ? Les Dardenne pourraient nous préparer un petit happening…

Parce qu’entre grèves des fonctionnaires, élections européennes, catastrophe en Turquie et petites piques gouvernementales, le spectacle cannois n’a pas grand-chose à nous apprendre en termes de story-telling. Nul besoin de regarder une file d’attente avant une projection presse festivalière pour voir des diplômés en sciences humaines faire la queue : Pôle Emploi a des antennes dans toutes les grandes villes. Quant aux stars qui font du step pour échapper à Laurent « lost in translation » Weil, n’est-ce pas une allégorie des touristes venus du monde entier pour voir Notre-Dame sans se faire emmerder par les mendiants ?

Oui, face au spectacle du monde, ce qu’il y a de plus intéressant à Cannes se trouve sur les écrans de la salle Lumière, du palais Stéphanie ou de l’Espace Miramar. Et pour ceux qui n’ont pas les bons badges, il reste toujours le divertissement télévisuel précité, où l’on nous promet une « grosse surprise ». Et si c’était une bombe atomique ?

Mots-clés : ,