Les films du 72e Festival de Cannes : Top 15

 

Festival de Cannes 2019On a compté : sans les courts, moyens métrages et épisodes de série, 92 films seront présentés sur la Croisette, toutes sélections confondues. Puisqu’on n’a pas le « retourneur de temps » d’Hermione Granger et que pour nous, simples moldus, une journée ne dure que 24 heures, il faudra renoncer à certaines de ces pépites pour en graver d’autres dans le marbre de notre agenda (oui, on est un peu old school). Après avoir épluché les synopsis, les castings et les pedigree des réalisateurs, on a réduit la sélection à 15 incontournables, qu’on espère bien voir lors de ce 72e Festival de Cannes – si la programmation, le temps des files d’attente à prévoir et celui de courir d’un bout à l’autre de la Croisette nous le permettent. L’an dernier, le jury n’avait pas suivi nos choix pourtant indiscutables (comment ça, Burning n’est pas la Palme d’or 2018 ?) et de bas instincts primaires (se nourrir) nous avaient privés de films qui ont ensuite marqué l’année cinéma (Girl par exemple). Pour savoir si on a plus de flair cette année, rendez-vous le 25 mai pour le palmarès du jury d’Alejandro Gonzalez Inarritu.

1 – Once Upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino
En compétition

On a eu peur. On a bien cru que Tarantino ne serait pas là pour célébrer les 25 ans de sa Palme d’or pour Pulp Fiction et surtout présenter la dernière émanation de son esprit déjanté. Mais parce qu’il rêvait, selon les mots de Thierry Frémaux, de voir son film sur le grand écran du théâtre Lumière, Quentin Tarantino a poussé sur l’accélérateur – et on a déjà vu son efficacité dans ce domaine, par exemple dans Boulevard de la mort. Un hommage à Hollywood, au moment charnière de la fin de l’âge d’or, en 1969, avec un cinéphile obsessionnel à la manoeuvre, et Brad Pitt et Leonardo DiCaprio au look vintage… C’est peu dire qu’on attend beaucoup de cette histoire du cinéma par le maître de la pop culture.

2 – Douleur et gloire, de Pedro Almodóvar
En compétition

Les retrouvailles entre le cinéaste madrilène et quelques-uns de ses acteurs fétiches, dont, entre autres, Antonio Banderas et Penelope Cruz. Un réalisateur vieillissant qui, ne pouvant plus travailler, se tourne vers ses souvenirs, son enfance, ses amours, son oeuvre… Un film qui s’annonce nostalgique et personnel pour Almodóvar, et prometteur pour celui qui, malgré les prix déjà récoltés, court toujours après la Palme d’or.

3 – The Dead don’t Die, de Jim Jarmusch
Film d’ouverture – En compétition

Après les vampires romantiques et un brin désespérés de Only Lovers Left Alive, place aux zombies. Logique. Les flics Bill Murray, Adam Driver et Chloe Sevigny de la paisible ville américaine de Centerville – et Tilda Swinton en croque-mort – seront donc aux prises d’autres morts-vivants sans doute moins délicats dans The Dead don’t Die, parmi lesquels Iggy Pop. Après le Détroit d’une Amérique post-crise des subprimes, sûrement l’occasion de poser un regard, mine de rien, sur l’Amérique post-Trump. Des vampires, des zombies, ou une certaine vision de l’éternité face aux soubresauts d’un pays changeant.

4 – Le Daim, de Quentin Dupieux
Film d’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs

Le Daim, de Quentin DupieuxNe cherchez pas, le pitch le plus excitant – et aussi le plus minimaliste – de ces sélections, c’est celui-ci : « Georges, 44 ans, et son blouson, 100 % daim, ont un projet. » Jean Dujardin fait donc son entrée dans l’univers décalé de Quentin Dupieux, qui nous a déjà fait suivre les aventures d’un pneu assassin (Rubber) ou filmé Alain Chabat à la recherche du cri parfait (Réalité), avant, l’an dernier, de revisiter à sa manière toute personnelle le film de garde à vue (Au poste !). Chaque fois, un pitch simplissime, chaque fois une détermination jusqu’à l’absurde, chaque fois une oeuvre drôle et déroutante. On ne sait donc rien de ce dernier opus, si ce n’est qu’on a furieusement envie de découvrir ce qu’il cache.

5 – Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma
En compétition

Passage à l’âge adulte pour Céline Sciamma qui a exploré les tourments de l’enfance (Tomboy, Ma vie de Courgette – dont elle cosignait le scénario) et de l’adolescence (Naissance des pieuvres, Bande de filles). Passage au plus classique aussi, puisque ce Portrait de la jeune fille en feu se déroule dans la Bretagne du XVIIIe siècle. Adèle Haenel, la fameuse jeune fille, sera l’objet d’observation de la peintre Noémie Merlant (remarquée dans Le ciel attendra), dans les derniers jours menant à son mariage. On compte sur la réalisatrice pour insuffler un peu de soufre et de romantisme dans ce carcan, puisque c’est là toute l’histoire de son cinéma.

6 – Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin
En compétition

Desplechin avait déjà filmé Roubaix à Noël. Il y avait Catherine Deneuve, Mathieu Amalric, une famille déchirée et amère, et c’était brillant. Il y a cette fois des flics, Roschdy Zem et Antoine Reinartz (vu dans 120 Battements par minute), le meurtre d’une vieille dame, et deux jeunes femmes interpellées, Léa Seydoux et Sara Forestier. Il y a enfin un cinéaste qui s’intéresse moins à une enquête policière qu’aux « tragédies humaines », dit-il, qu’elle met au jour. Ou plutôt, en lumière (de Noël).

7 – Sibyl, de Justine Triet
En compétition

Chacune des présentations des films de Justine Triet à Cannes a été remarquée, qu’il s’agisse de La Bataille de Solférino, tourné en partie le soir de l’élection de François Hollande en 2012, à l’ACID, ou de Victoria, qui a véritablement révélé Virginie Efira à la Semaine de la critique 2017, dans une comédie romantique résolument moderne et un peu absurde. Toujours avec la comédienne belge, mais aussi Adèle Exarchopoulos, dont c’est le grand retour en compétition depuis La Vie d’Adèle (The Last Face n’existe pas), Sibyl se présente comme l’histoire d’une fascination inquiétante. Celle de Sibyl, donc, psychanalyste et romancière, pour sa patiente, une actrice inspirante en plein émoi. Un tourbillon qui s’annonce vertigineux.

8 – Parasite, de Bong Joon-ho
En compétition

Parasite, de Bong Joon-hoOublié le logo Netflix hué en compétition pour la présentation d’Okja il y a deux ans, Bong Joon-ho revient comme si de rien n’était monter les marches avec son acteur fétiche, Song Kang-ho, vu dans Memories of Murder et The Host. Le synopsis de ce nouvel essai du réalisateur sud-coréen intrigue. On croit y déceler un genre de Groseille et Le Quesnoy à la sauce coréenne, où les deux familles, celle, chômeuse, de Ki-taek, et celle, richissime, des Park, se retrouvent mêlées sans le savoir, après des événements étranges. Bong Joon-ho se dit persuadé que son film est trop coréen pour parler à un public étranger. On demande quand même à voir.

9 – Les Misérables, de Ladj Ly
En compétition

Issu du collectif Kourtrajmé, auquel on doit notamment Sheitan et les films de Romain Gavras (Notre jour viendra, Le monde est à toi), Ladj Ly s’impose comme le volet politique et engagé de ce groupe foisonnant. Pour son premier long métrage et son entrée en compétition, il revisite Les Misérables dans la banlieue parisienne. Un film qui s’annonce d’une actualité brûlante, sur fond de violences policières et d’une nouvelle forme de lutte des classes, après un court métrage documentaire remarqué sur les émeutes de 2005, 365 jours à Clichy-Montfermeil. Pour l’instant le film coup de poing et manifeste de la sélection officielle.

10 – Etre vivant et le savoir, d’Alain Cavalier
Sélection officielle, séance spéciale

Armé de sa petite caméra DV, Alain Cavalier signe des films troublants, mêlant réalité et fiction. Des journaux parfois très intimes, témoins du cinéma en train de se faire. Ou de ne pas se faire, comme c’est le cas ici, puisque Etre vivant et le savoir – titre déjà plein de promesses – est le film d’un film interrompu. Alain Cavalier devait adapter, avec son auteure, le livre autobiographique d’Emmanuèle Bernheim qui raconte la fin de vie de son père, jusqu’à ce qu’elle soit, à son tour, frappée par la maladie. La poursuite d’une oeuvre singulière aux frontières floues, à la recherche d’une forme de vérité pure.

11 – Sorry We Missed You, de Ken Loach
En compétition

Finalement, Ken Loach aura mené la blague des adieux plus loin qu’Aznavour et le cinéaste double palmé et multiprimé revient monter les marches et nous montrer un monde qui tourne pas bien rond. On pourrait se lasser de voir Ken Loach dénoncer toujours les mêmes travers… et puis non. Parce que malgré ses plus de 80 printemps, ses films restent toujours en prise avec l’actualité et l’évolution du monde. La leçon de cette année portera donc sur l’ubérisation du travail, sur le mirage de l’indépendance qui ne fait que se transformer en servitude volontaire. Prends ça la start-up nation.

12 – Le Traître, de Marco Bellocchio
En Compétition

Le Traître, de Marco BellocchioLa Sicile, les années 1980. Un juge intègre, le juge Falcone, un mafieux qui parle, Tommaso Buscetta. La fuite, les règlements de comptes et, finalement, la trahison. Après Vincere il y a dix ans, sur Mussolini et la montée du fascisme, Marco Bellocchio revient à Cannes pour explorer une autre facette pas bien reluisante de nos voisins transalpins. Mais si la mafia a toujours fait les choux gras du cinéma, on imagine qu’ici, il ne s’agira pas de glorifier le code d’honneur mais plutôt d’analyser sa transgression.

13 – Chambre 212, de Christophe Honoré
Un Certain Regard

C’est un peu l’invité surprise de cette sélection. Avec un film en compétition l’an dernier (Plaire, aimer et courir vite), une pièce de théâtre (Les Idoles) et une mise en scène d’opéra (Don Carlos, de Verdi), on ne sait pas où celui que Thierry Frémaux a qualifié de « Sacha Guitry contemporain » a trouvé le temps de réaliser un film, mais le voilà, à nouveau entouré de Vincent Lacoste et Chiara Mastroianni. La chambre 212, c’est celle par laquelle une femme observe sa vie, après avoir quitté le domicile conjugal pour s’installer dans l’hôtel d’en face. Après la room 237 de Shining, une nouvelle entrée dans le panthéon des chambres d’hôtel au cinéma ?

14 – J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin
Semaine de la critique

Il y a eu « la chose » de la Famille Addams et La Main qui tue. J’ai perdu mon corps est aussi l’histoire d’une main, sauf qu’on change de registre. Pas d’horreur en vue, mais une quête : retrouver le corps auquel elle appartient. Avec Guillaume Laurant au scénario – co-auteur attitré de Jean-Pierre Jeunet – on s’attend plus à une forme de poésie désenchantée qu’à une potacherie à l’humour grinçant. Le tout sublimé par les pouvoirs de l’animation (et au moins, on n’est pas dérangé par les travaux à Paris).

15 – Yves, de Benoît Forgeard
Film de clôture de la Quinzaine des réalisateurs

Pour conclure, la Quinzaine des réalisateurs se clôt comme elle s’ouvre, avec le deuxième pitch le plus intrigant de cette édition cannoise. Yves n’est pas un personnage comme les autres, Yves est un frigo. Pas n’importe lequel, un frigo moderne, un frigo connecté. Intelligent, dit-on dans la start-up nation qui forme le cadre de la nouvelle folie de Benoît Forgeard, toujours en prise avec son temps après avoir mis en scène Philippe Katerine en président bien trop normal dans Gaz de France en 2015. Avec Yves, place à la relation entre un homme (la nouvelle coqueluche de la comédie française, William Lebghil) et son frigo. On rêve de savoir ce que Ken Loach en pensera.

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