Gérardmer 2020 : quatre nanars et un (grand) film

 

Saint Maud, de Rose GlassAprès deux jours de la compétition gérômoise du 27e Festival du film fantastique de Gérardmer, un constat s’impose : à Gérardmer, le dérèglement n’est pas seulement climatique – c’est possible, la mousson dans les Vosges ? – il est également cinématographique. À mi-parcours, soit après cinq films dont quatre purges aussi ineptes qu’une raclette surgelée ou une tartiflette au Caprice des dieux, le bilan penche dangereusement dans le rouge. À moins que toute cette médiocrité ne soit qu’une machination pour laisser le champ libre à la stupéfiante épiphanie britannique que cette pluvieuse matinée de vendredi nous a réservée. Une lumière venue d’une jeune et frêle Anglaise au talent aussi insolemment mature qu’une référence à laquelle on se sent bien incapable de la rapprocher. Mais ça, c’est une autre histoire que d’autres sauront brillamment raconter…

Snatchers… Teen movie tiédasse

Tout commence donc, et avant d’aller rêver à des jours meilleurs, dans la potacherie yankee lors d’un traditionnel mercredi soir d’ouverture des festivités. Snatchers – pour rappeler que le corps humain, en l’occurrence celui des femmes, est une matrice scénaristiquement idéale à profaner – est un pastiche de teen movie horrifique tiédasse qui transgresse du bout des lèvres et sans trop se mouiller le kiki dans la sauce piquante (paraît-il que c’est une pratique à la mode chez certains mâles sans neurones utilisateurs de l’appli TikTok). À partir d’un pitch pourtant subversif et prometteur sur la grossesse spontanée et monstrueuse d’une ado en mal de sexe, le binôme de réalisateurs “in charge” a réussi l’exploit de torcher un nanar qui ressemble furieusement à un de ces bonbons hyper-acides qui se finissent en chewing-gum fadasse. Rattrapés sciemment ou pas par une morale bien sage et jamais bonne pour le business, le duo aurait été bien inspiré de jeter un œil avant de se lancer à une pépite hilarante et transgressive comme Cooties. Mais, trop tard…

Répertoire des villes disparues… Ennui abyssal

Le lendemain, au saut du lit, on sent de la gravité dans l’air. Fini la rigolade, Répertoire des villes disparues est au programme. Voilà, un film canadien d’auteur qui promet une déclinaison originale du retour des morts-vivants sur fond d’exode rurale et de peur de l’étranger. Malheureusement, le résultat est d’un ennui abyssal. Tourner sous la neige et en 16 mm ne suffit pas à donner de la mœlle à un sujet qui n’a plus que ses tics “auteurisants” sur les os. Pourtant, l’image granuleuse, le montage fantasque, le rythme hiératique, les cadrages impressionnistes et les dialogues à contre-temps auraient dû nous emporter dans les tourments de ces braves gens médusés par le retour allégorique de tous les ex-vivants du village… Par ailleurs, avoir le film et la série Les Revenants dans la tête ne rend vraiment pas service à cet exercice de style fantomatique.

Sea Fever… Consternation des grands fonds

Fin de journée, les choses s’enchaînent pour le meilleur… ou encore pour le pire ? On se dit qu’après avoir touché le fond, il est temps de remonter à la surface. Et pour ça, le programme nous enverrait-il des signes. Le Sea Fever qui se présente est certes un euro-pudding mais son pitch augure de bonnes choses à tous celles et ceux qui apprécient l’angoisse maritime à base de huis clos oppressant en pleine mer et de créature marine inconnue et malfaisante. Mais bien vite, le fol espoir laisse la place à la consternation des grands fonds. Avec son scénario mal maîtrisé, sa réalisation indigente, son suspense asthmatique, sa photographie loupée et son interprétation incertaine, le film s’avère finalement un bien mauvais copié/mal collé du Cabin Fever d’Eli Roth. Caramba ! Et de trois !

1 br… Ecrit par un algorithme ?

C’est certain. La séance suivante doit être celle de la rédemption. Après une présentation survoltée du producteur du film, c’est à 1 br: the Apartment de faire résonner son générique dans la salle de l’Espace Lac. Cette fois, on sent dès les premières minutes que la narration tient la route. Une jeune femme s’installe en toute confiance dans un appartement d’une résidence de Los Angeles tenue par un syndic de copropriété aux méthodes plutôt radicales. Malheureusement, 1h30 plus tard, le verdict tombe : entre emprise, soumission et ambiance sectaire avec sévices à la clé, ce film sans talent ni saveur ne s’élève jamais au-dessus d’un banal produit Netflix suspecté d’avoir été écrit par un algorithme. Quelle tristesse, encore raté…

Saint Maud… Lumière céleste !

Vendredi matin, après ces quatre plaies d’Égypte, une lumière céleste a miraculeusement percé un ciel gérômois qu’on croyait définitivement voué aux ténèbres de la médiocrité… Alors pour ce premier jour de cinéma : Gloire à Saint Maud ! On vous en parle davantage très vite.