120 battements par minute, de Robin Campillo

 

La fureur de vivre

120 battements par minute, de Robin Campillo« On est vivant ou on est mort », lance Sean, personnage principal s’il en est du nouveau film de Robin Campillo, 120 battements par minute. Ligne directrice du long-métrage, la phrase claque comme cette œuvre précise, documentée, vivante et hautement romanesque.

Pendant 2 heures et 20 minutes (qui passent tellement vite), le réalisateur des Revenants et de Eastern Boys nous invite à partager la vie d’un groupe d’activistes d’Act Up. Assis à leurs côtés dans le petit amphithéâtre qui leur sert de QG pour leur RH (Réunion Hebdo), le spectateur semblable aux nouveaux venus dans ce groupe militant, se fait d’abord timide et observateur, avant de devenir partie prenante des débats, des actions, de cette lutte pour la vie et contre le silence qui entoure l’épidémie du sida.

Gays, lesbiennes, hémophiles, mères d’enfants malades, séronégatifs… On apprend à connaître ce collectif dans toutes ses individualités. On guette leurs réactions, on devine leurs doutes, on écoute leurs certitudes. 120 battements par minute prend le temps de faire exister ses personnages. Tous ses personnages. Il fait le choix d’un didactisme incarné qui procède par touche. Jamais redondant, toujours palpitant, il mêle intime et politique, humour cinglant et tragique au naturel, romanesque et réalisme.

Dans cette course contre la montre, notre cœur s’emballe. Souvent. Et les particules de poussière flottent dans l’air comme les confettis pendant la Gay Pride. La mort qui rôde. L’urgence de se sentir vivant. Tout s’imbrique dans une dramaturgie fascinante. Le portrait sans filtre d’un groupe qui découvre sa force en se heurtant à l’immobilité des dirigeants et au silence complice d’une société qui ne se sent pas encore vraiment concernée. L’histoire d’amour entre Arnaud, séronégatif, nouveau venu chez Act Up et Sean, séropositif, militant de la première heure…

« Des molécules pour qu’on s’encule », le slogan d’Act Up est cru, comme ce film sans artifices. Le corps, sujet central, est à la fois arme et cible. Catapulte balançant des litres de faux sang sur les murs immaculés d’un laboratoire pharmaceutique qui tarde à communiquer les résultats de nouveaux traitements, il se laisse tomber au sol pour résister pacifiquement aux forces de l’ordre. Il défile dans la rue, saute les portiques du métro, danse sur les dancefloors, fait l’amour dans des scènes extrêmement sensuelles. De la vie menacée par la mort naît une énergie débordante qui transporte toute la première partie du film. Puis les T4 diminuent, les espoirs s’amenuisent, Act Up patine, et la mort frappe. Evidemment. Et avec elle, la peine, la solitude. Le soulagement aussi. Et après ? Poursuivre le combat, continuer à vivre. Renaître de leurs cendres.

 
120 battements par minute de Robin Campillo, avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel. France, 2017. En compétition au 70e festival de Cannes. Sortie le 23 août 2017.