The Theatre Bizarre, anthologie horrifique

 

Theatre Bizarre, anthologie de cinéma d'horreurThe Theatre Bizarre, c’est une anthologie d’horreur de deux heures, divisée en sept segments, qui rend hommage au théâtre du Grand-Guignol. Genre rarement exploité, le film à sketchs horrifique offre pourtant son lot de sensations fortes et de plaisirs extrêmes ; après tout, un bon film d’horreur ne devrait pas dépasser la demi-heure, et soigner son paroxysme sans l’éterniser. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’histoire courte est le domaine de prédilection de l’épouvante : c’est ainsi qu’Edgar Allan Poe ou H. P. Lovecraft lui ont donné ses lettres de noblesse.

Puisqu’on en parle, l’ombre de Lovecraft n’est jamais loin dans The Theatre Bizarre : le premier segment, The Mother of Toads de Richard Stanley, est un hommage direct au pape de l’épouvante. Si l’autodérision et le parfum eighties n’y dégoulinaient pas, on pourrait le trouver parfaitement suranné et déjà-vu.

Ca tombe bien, des sept séquences, The Mother of Toads est la moins aboutie. Le deuxième film, I Love You, de Buddy Giovinazzo, en dévoile davantage sur la structure de Theatre Bizarre : une anthologie d’horreur, oui, mais sur fond d’amour et de problèmes de couples. Ici, une femme annonce à son mari qu’elle veut le quitter. Lui, dépressif et psychopathe, mêle ses fantasmes et la réalité. C’est pathétique, anxiogène et fait monter la température…

Douglas Buck nous avait manqué depuis Family Portraits, le plus dérangeant film de genre de ces dernières années… Le revoilà en pleine forme avec The Accident, et prouve qu’il sait aussi rendre la mort poétique. Manifestement plus à l’aise avec le format court que long (Family Portraits était aussi une anthologie, quand le long-métrage Sisters manquait d’élan), Douglas Buck raconte avec The Accident une journée pas ordinaire : celle où tout enfant prend conscience de la vie et de la mort, de la cruauté et de la tristesse. Image léchée, narration découpée et poétique, charge émotionnelle forte, The Accident est moins opportuniste que Family Portraits et tout aussi réussi.

Changement de ton, Tom Savini partage dans Wet Dreams sa vision des problèmes de couples : tout le monde couche avec tout le monde et l’un rêve d’anéantir l’autre. Comme toujours, Savini, le Sex Machine d’Une nuit en enfer, est drôle et caustique. Wet Dreams est aussi jubilatoire que gore, un épisode léger avant le traumatisme oculaire de Vision Stains.

Attention les yeux ! Vision Stains, c’est l’histoire d’une tueuse en série qui extrait de ses victimes les souvenirs d’une vie, après avoir découvert que ceux-ci se cachaient, au moment de mourir, à l’intérieur du globe oculaire… Réalisé par Karim Hussain, chef-opérateur spécialisé en cinéma d’horreur, les effets visuels de Vision Stains sont particulièrement soignés, sans pour autant que le metteur en scène délaisse la narration. Peu de sang, mais quelques visions d’yeux percés qui secouent bien comme il faut. Paraît-il que c’est à ce moment-là de Theatre Bizarre que le spectateur s’évanouit… A moins que ce soit dans Sweets, le segment suivant, sorte d’apothéose finale où l’ingestion d’aliments remplace l’effusion de sang. C’est David Gregory, également producteur et instigateur du projet avec Karim Hussain, qui signe Sweets. Encore une histoire d’amour, boulimique cette fois ; l’acte sexuel est remplacé par l’acte nutritif, jusqu’à l’ultime sacrifice du corps. Fascinant et dégoûtant.

» Lisez aussi l’interview de Karim Hussain

Quant au dernier segment, pour ceux qui auraient bien compté, il s’agit du liant entre tous les autres : après chaque épisode on retrouve un pantin désarticulé joué par Udo Kier dans un vieux théâtre surréaliste, hommage au Grand-Guignol. A l’image des autres épisodes, Theatre Guignol de Jeremy Kasten est léché et vaut par le charisme – même en marionnette – de son comédien.

Côté bonus, on retrouve un commentaire audio de l’équipe et les making of de The Mother of Toads, The Accident et surtout Vision Stains, incontournable car riche en détails. Le Blu-ray offre en plus son lot d’entretiens, avec David Gregory, Richard Stanley, Buddy Giovinazzo, Douglas Buck et le producteur Fabrice Lambot.

 

Theatre Bizarre de David Gregory, Richard Stanley, Buddy Giovinazzo, Douglas Buck, Tom Savini, Karim Hussain et Jeremy Kasten. Canada, Etats-Unis, France, 2011. Sortie DVD le 3 octobre 2012.