Cold Skin et Downrange : parce qu’ils le valent bien

 

Ce n’est pas parce que certains films n’ont pas eu les honneurs de la sélection en compétition du 25e Festival de Gérardmer qu’on devrait passer notre chemin sur la troupe des « hors-compète ». Au contraire, c’est dans ce vivier bien vivant de la DTV (direct to video) où se croisent toutes les couleurs du cinéma de genre que l’on trouve des perles qui auraient eu toute leur place en « compète », justement. Pour réparer cette injustice, en voici deux qui méritent une très belle carrière sur vos écrans.

Cold Skin, de Xavier GensCold Skin de Xavier Gens est sans aucun doute un film pertinent dans le fond et ambitieux dans sa forme qui aurait pu donner du souffle à une sélection 2018 qui en a parfois cruellement manqué. Un film fantastique intelligent sublimé par la beauté d’un décor naturel bien photographié réalisé par un des rares spécialistes français du film de genre, à qui l’on doit entre autres l’inutile Frontière(s) et le claustrophobique Divide. L’action se déroule au tout début du XXe siècle sur une île perdue proche du cercle Antarctique. Un homme y est débarqué par un navire marchand pour prendre la relève d’un météorologue qui semble avoir disparu. La seule autre présence sur cette terre hostile et brutale étant celle d’un gardien de phare misanthrope qui a fait de sa bâtisse un camp retranché truffé de pièges. À la tombée de la nuit, l’île s’anime de la présence d’êtres monstrueux venus de la mer bien décidés à en découdre avec l’envahisseur humain. Film d’action efficace et vintage, huis clos à ciel ouvert et en plein hiver austral, combat allégorique de l’homme contre la bête, parabole finaude sur la colonisation… Cold Skin, c’est tout cela et même un peu plus. Mais c’est aussi et surtout un récit d’aventure tourmenté dans une contrée inhospitalière remplie de créatures bizarres parvenant parfois à évoquer ces grands classiques du roman fantastique qu’on a adoré dévorer à l’adolescence signés HG Wells, Jules Verne ou Serge Brussolo. Et ça, ça fait du bien.

Downrange, de Ryuhei KitamuraChangement radical de paradigme avec un petit survival américain sans prétention mais à l’efficacité inversement proportionnelle à l’épaisseur de son scénario. Réalisé par un Japonais sachant manier dans un même élan sanglant gore tendance splatter, suspense, action et éclairs d’humour, Downrange se met dans la lunette d’un sniper – dont on ne saura jamais rien – perché dans un arbre le long d’une route départementale déserte pour tirer sur tout ce qui roule avant d’enchaîner sans mollir sur tout ce qui bouge. Le carnage peut commencer et l’asphalte jonché de bouts de cervelles fraîchement explosées se retrouve rapidement repeint en rouge. Seul bémol dans ce déluge de mauvais goût assumé, la tentative maladroite et heureusement vite abandonnée par Ryûhei Kitamura de donner une épaisseur minimale à des personnages dont il se fout comme nous royalement. Le film réussit ce que Revenge – curiosité « buzzante » de la compétition 2018 avec qui il partage le concept d’ultraviolence en plein soleil – foire en grande partie à cause de son sujet de fond mal digéré : l’épure dans le pulp. Autrement dit, pas d’effet de style inutile, pas de frime visuelle, de l’action, du sang, des explosions et un final à l’humour noir plutôt tordant, et surtout aucune ambition métaphorique. Ball-trap et bowling en un même film, il y a vraiment de quoi se marrer…