Rencontre avec Alice Winocour

 

Alice Winocour au 27e Festival du film fantastique de GérardmerAprès Proxima qui mettait Eva Green sur orbite, Alice Winocour était membre du jury longs-métrages du 27e Festival du film fantastique de Gérardmer. L’occasion de poser quelques questions à cette réalisatrice singulière, qui ne cache pas son amour pour le film de genre.

 
Pourquoi avoir accepté d’être jurée au Festival de Gérardmer ?

Parce que je me suis toujours intéressée au cinéma fantastique, même si ce n’est pas un genre qui m’a construite en tant que cinéaste, mais ça m’a beaucoup aidée. Par exemple, pour mon premier film, Augustine, je me suis inspirée de films d’exorcisme, de possession… C’est un cinéma inspirant qui n’est pas celui d’où je viens et je voulais donc en savoir plus.

Quels sont vos films fantastiques de référence ?

Les films qui ont vraiment compté pour moi, qui m’ont construite, ce sont les films de David Cronenberg comme La Mouche, Faux-semblants… J’ai revu Crash il n’y a pas longtemps. Le cinéma doit être comme ses films, une expérience physique et sensorielle, le rapport au corps me fascine. Je trouve qu’on n’aborde pas assez la sensualité, la sensorialité… Le cinéma d’horreur qui travaille les questions d’inconscient ou de psychanalyse, cela m’intéresse tout autant, comme le film Grave de Julia Ducournau ou It Follows de David Robert Mitchell.

Vos films sont d’ailleurs axés sur le corps…

Oui, comme dans Maryland, mon deuxième film, qui n’est que dans le point de vue sensoriel du personnage, dans une vision fragmentaires des choses à travers ses perceptions. Dans Proxima aussi.

De plus en plus de femmes tournent des films de genre, pourriez-vous y verser vous-même ?

J’ai besoin d’avoir une connexion intime avec le sujet, cela peut être dans n’importe quel genre. J’appartiens à une génération qui mélange plus ou moins diverses influences, différentes cultures. Ce que j’admire dans le cinéma de Julia Ducournau, qui était dans la même école que moi, c’est sa manière de se servir du carcan du genre, pour injecter des problématiques de cinéma d’auteur.

Quels sont les critères pour juger les films que vous voyez en tant que jurée ?

Je ne les vois pas selon une autre grille de lecture que n’importe quel festival. Ce qui m’importe c’est l’émotion, les problématiques explorées de notre monde contemporain… Il y a évidemment le critère de la peur, du jeu, de la bande son. Dans mes films, je passe énormément de temps à travailler dessus, cela participe d’un cinéma immersif et sensoriel et c’est parfois trop laissé de côté, je suis souvent frustrée que ça ne soit pas travaillé davantage. Un film silencieux peut être plus terrifiant que le bruit, comme dans Les Oiseaux.

Qu’est-ce qui vous fait peur au cinéma ?

Je suis quelqu’un de très peureux. Les home invasion movies, c’est quelque chose qui me terrifie, me marque, comme Panic Room de David Fincher… Ce sont aussi des émotions de mon enfance comme Psychose d’Alfred Hitchcock. Avec mon frère, on le regardait 5 à 6 fois par jour, parfois certaines séquences en boucle. Cela faisait partie de notre vie, on vivait dans ce film. C’était à la fois une frayeur et une fascination.

Les ingrédients d’un bon film fantastique ?

La bande son est très importante pour moi, comme le sous-texte de ce que cela raconte de notre société d’aujourd’hui. Qu’il y ait une seconde couche. Je suis déçue si cela ne réinvente pas la réalité ou si l’on voit des choses déjà vues des milliards de fois. Dans It Follows, ce qui était bien justement, c’était son côté immatériel.