Wolf and Sheep, de Shahrbanoo Sadat

 

Le loup dans la bergerie

Wolf and Sheep, de Shahrbanoo SadatUn petit village d’Afghanistan. Non, plutôt un hameau, aux maisons disparates. Des chèvres qui grimpent la colline aux herbes brûlées par le soleil, suivies par leurs bergers ou bergères respectifs. Un mouton qu’on égorge pour des funérailles. Une vache qui attend d’être saillie. Des commérages qui jaillissent entre épouses d’un même homme ou entre enfants chapardeurs. On fait des galettes de crottin ou joue à la fronde en attendant qu’il se passe quelque chose. Souvent rien. La journée, lentement, s’écoule, puis la nuit jaillit et avec elle, son lot de légendes qui attendaient l’obscurité pour se manifester : un loup à taille humaine ou une femme nue à la peau verte et la longue chevelure de jais. Et le lendemain de ressembler trait pour trait au jour qui le précède.

Dans Wolf and Sheep, la réalisatrice afghane Shahrbanoo Sadat qui a vécu sept années dans ce type de village, livre une chronique à la fois esthétique et sociale de ces oubliés du monde, avec des comédiens non professionnels dans leur propre rôle. Ils sont loin de la civilisation occidentale (il faut douze jours à dos d’âne pour atteindre la première grande ville) et pétris de superstitions ou de traditions dont il ne faut pas déroger. Comme la séparation des garçons et des filles, même si cette règle est largement bafouée par deux d’entre eux, Qodrat, petit berger à la chevelure ébouriffée et Sediqa, petite bergère aux grands yeux expressifs et qui s’en vont ensemble dérober des pommes de terre dans un champ. On regrette toutefois que ce Wolf and Sheep choisisse uniquement la voie de la chronique sans chercher à la dépasser vraiment. Rien n’est expliqué, tout est à peine scénarisé, par petites touches discrètes. Et quand la fin arrive, le mystère demeure. On quitte ces villageois sans l’ombre d’une émotion qu’on aurait souhaité plus forte, laissés à leur sort nappé d’incertitudes.

 
Wolf and Sheep de Shahrbanoo Sadat, avec Sediqa Rasuli, Qodratollah Qadiri, Amina Musavi, Masuma Hussaini… Afghanistan, France, Suède, 2016. Art Cinema Award de la Quinzaine des réalisateurs. Sortie le 23 novembre 2016.