The Square, de Ruben Ostlund

 

Rapine carrée

The Square, de Ruben OstlundChristian est conservateur d’un musée d’art contemporain suédois. Un jour, il se fait dérober son téléphone portable et son portefeuille. Cet événement somme toute assez banal va déclencher une série de conséquences qui vont modifier son existence bien tranquille.

Le Square du titre, c’est le nom de la dernière exposition accueillie par Christian dans son musée. Il s’agit d’un « sanctuaire », un carré de confiance et de bienveillance dans lequel tous les individus ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. C’est autour de ces deux éléments – le vol du téléphone et le montage de l’exposition – que Ruben Ostlund construit The Square, réflexion légère et drôle sur l’altruisme et la confiance en l’autre. Presque comme des sketchs, les séquences se succèdent avec autodérision, Ruben Ostlund trouvant dans l’art de nombreuses occasions de rire – et non de se moquer, différence de taille. Et les personnages, même habités des meilleures intentions, d’illustrer à merveille la difficulté de vivre en respectant ses valeurs – surtout lorsqu’on est, comme Christian, un homme de (petit) pouvoir et de culture et qu’on tient à garder sa position.

The Square enfonce des fenêtres ouvertes ? Oui, et le réalisateur de Force majeure en est bien conscient ; The Square est un joli divertissement ludique qui réussit à ne pas devenir ce qu’il dénonce : un bel objet à admirer mais inutile, irréaliste et loin de tout pragmatisme. Avec intelligence, Ostlund préfère lancer un débat et laisser au spectateur le soir de l’approfondir et d’en discuter ensuite. Et tant mieux si les paradoxes affluent, à l’image de cette conférence de presse surréaliste pendant laquelle les médias reprochent à Christian sa campagne de communication inhumaine, alors que ces mêmes médias se nourrissent allégrement des scandales, polémiques et autres faits divers croquants.

Au milieu du film, les deux filles de Christian sont invitées à l’entrée de l’exposition à choisir de faire confiance ou non aux autres. Facile, sur le papier, de choisir la confiance en l’autre. En pratique, le choix est plus difficile, et c’est le cheminement de The Square, plus profond qu’il y paraît, qui donne envie d’aimer l’autre et de croire en lui. De ce point de vue, Ruben Ostlund réussit ici son pari : donner envie au spectateur, une fois les lumières rallumées, de changer, de percevoir le monde différemment. C’est le propre d’une œuvre d’art.

 
The Square de Ruben Ostlund, avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West… Suède, 2017. En compétition au 70e Festival de Cannes.