Post Tenebras Lux, de Carlos Reygadas

 

Post Tenebras Lux, de Carlos ReygadasPost Tenebras Lux est le sixième long-métrage de Carlos Reygadas. “Après les ténèbres, la lumière”… Une lumière qui a eu bien du mal à transpercer l’épais nuage dans lequel le cinéaste mexicain plonge son auditoire plus de deux heures durant. Sur le papier, ça donne ça : Juan, sa femme Natalia et leurs deux enfants ont quitté leur ville de Mexico pour s’installer à la campagne où ils profitent et souffrent d’un lieu qui voit la vie différemment. Ces deux mondes coexistent pourtant, sans savoir s’ils se complètent réellement ou si chacun lutte pour la disparition de l’autre. Sur l’écran, une succession de tableaux agencés au hasard des lieux et du temps. Il y a cette séquence d’ouverture magnifique où une petite fille s’ébroue dans l’herbe humide en courant après chiens, vaches, ânes et chevaux, avec dans le ciel, la lumière crépusculaire d’un orage qui approche. Il y a ce Belzébuth numérique et rougeoyant s’immisçant à pas feutrés dans une maison. Tranquille. Il porte une étrange mallette. Présence maligne qui semble figurer les déchirements et les dangers à venir. L’esthétique est soignée, comme toujours chez Reygadas, l’atmosphère mystérieuse et mystique, suggérée notamment par les contours d’une image volontairement floutée et par les bruissements d’une nature que l’on sent toute-puissante. L’entrée en matière semble tenir toutes les promesses d’un film hors du commun, beau et spirituel. Une proposition artistique radicale mais habitée d’une poésie éblouissante. De celle qui traverse l’Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul ou le Tree of Life de Terrence Malick. Mais très vite, Reygadas nous perd dans un défilé de scènes de la vie quotidienne montées sans cohérence apparente. Un pique-nique, une réunion de famille le soir de Noël, une jeune équipe de rugby dans un vestiaire s’apprêtant à rentrer sur le terrain, une expérience sexuelle troublante dans un hammam échangiste, ou encore un cambriolage qui tourne mal… Le réalisateur s’accorde toutes les libertés, lâchant sur la pellicule ses souvenirs et ses émotions sans se préoccuper de qui que ce soit. Post Tenebras Lux prend peu à peu la forme d’un cri artistique inaudible, d’une expression profondément intime qu’il est bien difficile de déchiffrer. Peut-être Carlos Reygadas souhaitait-il rester seul ? Pourquoi pas. Après tout, il fait ce qu’il veut.

 
Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas, avec Adolfo Jiménez Castro, Nathalia Acevedo, Willebaldo Torres… Mexique, France, Allemagne, Pays-Bas, 2012. Prix de la mise en scène du 65e Festival de Cannes. Sortie le 8 mai 2013. Sortie en DVD le 1er octobre 2013.

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