Nothingwood, de Sonia Kronlund

 

Kaboul Stories

NothingwoodIl y a Hollywood, il y a Bollywood, et même maintenant Nollywood, pour le cinéma du Nigeria. Ici, c’est « Nothingwood », explique Salim Shaheen, sorte d’Ed Wood afghan – qui délègue à son acteur fétiche, Qurban Ali, l’amour du travestissement. Sonia Kronlund connaît l’Afghanistan, qu’elle arpente pour ses reportages sur France Culture et ses documentaires depuis une quinzaine d’années. Mais en suivant les pas de ce réalisateur excentrique et colérique, on sent qu’elle découvre une autre facette de ce pays en guerre depuis 40 ans. Celle d’une résistance par le cinéma. Enfin plutôt la série Z. Salim Shaheen est le réalisateur de 111 films, mêlant combats plus proches de Bioman que de Bruce Lee, playback à la Bollywood et effets spéciaux rudimentaires. Salim Shaheen fait des films avec rien, si ce n’est avec passion. Il raconte à la journaliste, qu’il s’amuse à balader dans les recoins peu rassurants de son pays, son enfance bercée par le cinéma indien et les coups qu’il recevait en retour de la part de son père et de ses camarades. Il raconte aussi comment une roquette a tué dix personnes lors de l’un de ses tournages, poursuivi dans les jours suivants par les survivants et leurs béquilles. Tourner coûte que coûte, vite, dans les pires conditions, mais avec une envie indéfectible. Bien sûr, dans ce que dit ce réalisateur à la verve et au caractère de Jean-Pierre Mocky, il faut faire le tri. Mais malgré l’ego, malgré les exagérations, il ressort du témoignage que livre Sonia Kronlund une forme de résistance salutaire, un bras d’honneur joyeux à l’oppression, qu’elle vienne des talibans – qui, eux-mêmes, s’échangent les DVD sous le manteau -, des guerres menées par les Russes ou les Américains. On peut prendre Salim Shaheen pour un illuminé. On doit aussi l’entendre lorsqu’il raconte la destruction des Bouddhas de Bâminyân, voir le regard interloqué de celui à qui Qurban Ali achète une burqa pour un rôle, écouter les rires d’une salle de cinéma de fortune devant l’un de ses films. Si on en venait à l’oublier, on retrouve avec Nothingwood l’essence du cinéma, industrie du rêve et du divertissement au sens littéral, qui enfonce les barrières même là où on les croit infranchissables.

 
Nothingwood de Sonia Kronlund. France, Afghanistan, 2016. Présenté à la 49e Quinzaine des réalisateurs. Sortie le 14 juin 2017.