Ava, de Léa Mysius

 

Quand l’amour rend aveugle

Ava, de Léa MysiusAva est en vacances en Gironde avec sa mère et sa petite sœur encore poupon. Elle bronze, fait du char à voile et mange des banana splits. Elle veut un chien, aussi, depuis qu’elle a aperçu ce beau Gitan qui en promenait un et qu’elle n’a pas quitté des yeux, à la plage. Si possible, elle aimerait changer de génitrice, tant qu’à faire, tant cette dernière l’embarrasse. Il faut dire qu’elle parle essentiellement de sexe et de plaisirs intimes et qu’elle joint souvent le geste à la parole, dénuée de toute pudeur. Mais le souci principal d’Ava, ce sont ses yeux. Elle perd la vue, petit à petit. L’obscurité l’environne, alors elle veut vivre, coûte que coûte, en profiter au maximum et si possible, avec le beau Gitan, Juan, qu’elle entreprend d’apprivoiser comme un animal sauvage…

Chronique adolescente, comédie, drame… Léa Mysius mêle plusieurs genres dans son film. Un Diabolo menthe version trash où Ava n’hésite pas à se mettre à nue dans tous les sens du terme pour décupler ses sensations avant le néant. Film charnel et sensuel, Ava ose tous les interdits, jusqu’à montrer l’inavouable au cours des cauchemars récurrents de la jeune fille qui étonnent et détonnent. Portée par un grand sens des dialogues, entre absurde et cruauté (Ava ne ménage pas sa mère : quand cette dernière lui demande comment elle la trouve, l’adolescente répond simplement, sans état d’âme et du tac au tac : « médiocre »), la première heure du film se déroule sans encombres. Ava bien, Ava même très bien. On est un peu plus mesurés sur la seconde, lorsque Ava décide de fuir avec Juan. Le film se transforme alors en road trip et ne semble plus savoir où il se dirige réellement. Restent des scènes fortes comme un mariage gitan sous la pluie ou celle où Ava et Juan, déguisés en sauvages et maquillés d’argile, détroussent des touristes nudistes sur la plage. Ava montre alors la folie dont cette toute jeune fille est capable, révélant par la même une personnalité qui risque d’être bridée par sa future cécité. Pour porter ce film, Léa Mysius a fait appel à des comédiens peu farouches et d’un naturel confondant, telle Laure Calamy, nouveau second rôle que tout le monde s’arrache (de Victoria à la série Dix pour cent). Et pour incarner Ava, la réalisatrice révèle un nouveau talent. C’est peu dire que Noée Abita est extraordinaire. Elle n’a peur de rien et dégage un charisme évident qui fera d’elle, si elle poursuit dans cette voie, un nouvel espoir du cinéma français. Ava pas si mal, dans le fond !

 
Ava de Léa Mysius, avec Noée Abita, Laure Calamy, Juan Cano, Tamara Cano, Baptiste Archimbaud… France, 2017. En compétition à la Semaine de la critique 2017. Sortie le 21 juin 2017.