Un grand silence, de Julie Gourdain

 

Paupières closes et nuit bleue

Un grand silence, de Julie GourdainUne figure assise sur le bord d’un lit étroit, le regard dirigé vers la fenêtre, lumière qui tombe en oblique. Des poussières blanches volent dans l’espace vide de la chambre, comme de minuscules particules de rien, des éclats de pensées vagues. Un cadre de lumière jaune pâle se dessine derrière la figure, étirant sur les alvéoles ocres du papier peint, l’ombre des barres de métal froid du lit. Claquement de porte qui retentit. Dans son dos, une voix féminine interpelle. L’heure du dîner est proche, il faudrait se lever, se diriger vers le réfectoire, faire la queue, puis s’asseoir, et manger la soupe avec les autres. Comme les autres. « Allez, dépêchez-vous. » La voix féminine s’éteint, le bruit des pas s’estompe. Dans un silence presque religieux, Marianne se lève, et se dirige, droite comme un soldat, au fond du grand couloir bleu.

Un grand silence fait le récit d’une fille de 19 ans qui, en 1968, se retrouve placée dans un institut accueillant les jeunes femmes enceintes. Contrainte par sa famille à mettre ses études et sa vie en suspens, le ventre proéminent, la jeune femme fera l’apprentissage de différents parcours de vie et surtout, du sien. Ce premier court-métrage, signé Julie Gourdain, propose un regard empreint de mélancolie féminine, rappelant le très beau L’Apollonide, souvenirs de la maison close, de Bertrand Bonello. La justesse des sentiments est ici révélée par la finesse de la photographie, semblable aux touches picturales d’un Vermeer et d’un Hopper, tout à la fois. Dépeignant le quotidien de jeunes femmes mises en marge de la société, la réalisatrice lance ici un cri dans la nuit, paupières closes, pour que jamais ne s’éteignent dans les couloirs sombres de la morale, les désirs les plus ardents. Et les plus vivants.

 
Un grand silence de Julie Gourdain, France, 2015, 29’15. Grand prix de la Fiction au Festival international du film d’Aubagne 2016.

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