Humeur #3 : La ronde

 

Humeur de Cannes : la rondeCannes est censé être une ouverture sur la diversité du cinéma et du monde. Mais ces derniers jours, on a un peu l’impression d’être en boucle. On pourrait relier les films des différentes sélections sur un mode marabout-de-ficelle (ou sur celui des six degrés de séparation avec Kevin Bacon) : Emmanuelle Bercot, réalisatrice du film d’ouverture, joue également dans le film de Maïwenn en Compétition, dans lequel figure Louis Garrel, qui outre le fait qu’il présente un film à la Semaine de la critique, fait la voix off du film de son père à la Quinzaine. Par ailleurs, Catherine Deneuve, vue dans le film d’Emmanuelle Bercot, est également savoureuse dans le film de Jaco Van Dormael, au casting duquel figure également François Damiens. François Damiens, qu’on retrouve en tête d’affiche du premier film de Thomas Bidegain, scénariste de Jacques Audiard (en Compétition) et qui a collaboré au scénario de Ni le ciel ni la terre à la Semaine. Dans Ni le ciel ni la terre, outre Finnegan Oldfield, également dans Les Cowboys, on retrouve Swann Arlaud, aussi dans Les Anarchistes. Et dans Les Anarchistes, il y a une apparition de Cédric Kahn, réalisateur qui se fait bien trop rare devant la caméra, alors qu’il y est chaque fois envoûtant. Mais là n’est pas le sujet. On pourrait continuer longtemps : Isabelle Huppert, qui ne se contente pas de s’afficher crânement sur la façade d’un hôtel pour le prochain film de Verhoeven, présente trois films, John C. Reilly itou. Le syndrome ne touche pas seulement le cinéma français, qu’on croirait consanguin. Il touche aussi les sujets et les formes des films. Sur la Croisette depuis mercredi dernier, on a vu des films organisés en chapitres et/ou inspirés de contes (Tale of Tales, Les 1001 Nuits, Les Cowboys, Le Tout Nouveau Testament, Marguerite et Julien), des films en noir et blanc – qui a inspiré jusqu’aux affiches du Festival et de la Quinzaine -, croisé des humanitaires et pas mal de nazis, essentiellement entendu des langues hispaniques dans les sélections parallèles et l’anglais dans toutes les sélections – y compris pour des films signés de réalisateurs dont ce n’est pas la première langue (A Perfect Day, Tale of Tales, Youth à venir). On a vu beaucoup de films sur la famille – nucléaire, fantasmée, recomposée -, on s’est perdu dans la nature – pour mieux se retrouver, ou pour s’y perdre définitivement (El Abrazo de la serpiente, Sea of Trees), on a pris conscience de notre mortalité avant de l’oublier à nouveau dans quelques heures ou quelques jours (Mia madre, Le Tout Nouveau Testament). Bref, comme il n’y a que sept notes de musique, peut-être n’y a-t-il que cinq sujets de cinéma : l’amour, la mort, la famille, le travail, la religion. Ou peut-être le cinéma n’est-il tout simplement que le reflet de la vie, résumée en cinq petits mots.

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