Top 5 des courses-poursuites bizarres

 

Top 5 des courses-poursuites bizarresNouveau rendez-vous. A force de discussions animées et éthyliques au coin du feu (ou plutôt du radiateur) à se demander quel film est le plus drôle, le plus noir, le plus romantique, le plus chiant, on a décidé de reprendre à notre compte les tops pour faire un Top 5 définitif. Tellement définitif qu’on n’exclut pas qu’il soit de temps en temps de très mauvaise foi, ou qu’il ne compte pas vraiment cinq films…

Pour la première, on vous propose un Top 5 des courses-poursuites bizarres. On laisse sciemment de côté les géniales poursuites de Bullitt ou le magnifique Duel de Steven Spielberg, qui figurent déjà parmi les classiques, et on s’intéresse à des séquences plus… excentriques. Au menu : des courses à pied, des courses moteur arrêté, des courses sans chevaux et des courses contre le métro.

 

French Connection de William Friedkin (1971)

Deux ans avant le raz-de-marée L’Exorciste, William Friedkin réalise un polar noir sur le lien entre Marseille et l’arrivée d’héroïne à New York – la fameuse french connection, qui défraie la chronique dans les années 1960. Il engage Gene Hackman pour tenir le rôle du flic aux méthodes musclées et critiquables Popeye Doyle, bien décidé à en finir avec les gangsters qui inondent son quartier de drogue. Friedkin veut inclure dans son film une scène de course-poursuite à couper le souffle, et engage même pour ça le cascadeur de Bullitt, Bill Hickman. Mais voilà, la fameuse course-poursuite de Bullitt figure déjà parmi les classiques, et il n’est pas question de la plagier. Le cinéaste a alors l’idée d’une scène où Popeye, en voiture, chercherait à rattraper le métro aérien, et se met en quête d’obtenir les autorisations pour la tourner à Brooklyn. Evidemment, elles lui sont toutes refusées, et la seule qu’il obtient l’appauvrit de 40 000 dollars et ne l’autorise à rien officiellement. Qu’à cela ne tienne, Hickman installe Friedkin sur la banquette arrière et lance la voiture à 150 km/h sur 36 blocs de Brooklyn. C’est complètement insensé et irresponsable, mais le résultat, c’est une course-poursuite culte et inédite entre une caisse et le métro :

 

Way of the Gun de Christopher McQuarrie (2000)

Quand on s’imagine une course-poursuite au cinéma, on voit des aiguilles de compteurs qui défilent à grande vitesse, des pneus qui crissent, de la tôle froissée et beaucoup d’excitation. Sauf quand on s’appelle Christopher McQuarrie, qu’on est déjà un talentueux scénariste (de Usual Suspects notamment), et qu’on veut faire un premier film qui tord le cou aux conventions hollywoodiennes. La course-poursuite de Way of the Gun est probablement la plus lente de l’histoire du cinéma : voitures lancées à 7 km/h, portes ouvertes avec un pied qui dépasse pour donner de l’élan à la voiture, il s’agit d’un jeu de cache-cache avec les poursuivants. Malgré la lenteur, McQuarrie parvient à dégager de la séquence une tension et une excitation jouissives. Si la sortie du film en 2000 est pourtant passée relativement inaperçue malgré son casting (Ryan Phillippe, Benicio Del Toro, Juliette Lewis, James Caan, Taye Diggs…), il n’en constitue pas moins une petite pépite du cinéma d’action, aux frontières du polar et du western, avec une bonne dose d’humour noir. L’histoire de deux ratés barges qui s’en prennent à la mauvaise personne et n’hésitent pas à malmener une future mère enceinte jusqu’au cou était probablement trop crue pour les distributeurs, mais elle ravit les cinéphiles…

 

The Chaser de Na Hong-jin (2007)

Na Hong-jin réalise The Chaser en 2007, alors qu’il est encore étudiant en cinéma en Corée. Projeté en séance spéciale au Festival de Cannes 2008, le public découvre un film brillant et savamment orchestré, au réalisme dérangeant et aux scènes d’action à couper le souffle. Difficile de croire qu’il s’agisse du premier film d’un étudiant… Au palmarès des scènes géniales du film, une poursuite à pied entre Joong-ho, ancien flic devenu proxénète, et un tueur en série. Pas de voitures cette fois, les deux hommes se courent après dans un Séoul montré sans artifice : sale, sombre et poisseux. Il courent, crient, trébuchent, tombent, reprennent leur souffle… et recourent. Na Hong-jin est bien plus proche de la réalité dans The Chaser que les réalisateurs de la plupart des films hollywoodiens : la poursuite n’est jamais facile, les coups atteignent rarement leur but, et la violence est à la limite du supportable. Na Hong-jin fait partie de la « nouvelle vague » déjà vieillissante du cinéma coréen, capable en quelques plans d’aller droit au but quand la plupart des films s’enlisent dans un maniérisme ou des introductions poussives. Pas de palabres, The Chaser est un film d’action pur et dur, tout comme le film suivant du réalisateur, The Murderer, qui contient lui aussi son lot de courses-poursuites saisissantes…

 

On achève bien les chevaux de Sydney Pollack (1969)

Certes, il ne s’agit pas à proprement parler d’une course-poursuite puisqu’elle se déroule autour d’une piste, mais le chef-d’oeuvre de Sydney Pollack mérite amplement de figurer ici : les hommes y courent après leur destin, apparaissant tels des canassons qui piétinent autour d’une piste de cirque, rappelant le mythe de Sisyphe et l’absurdité de l’humanité. L’histoire : un marathon de danse comme il en existait aux Etats-Unis après la Grande Dépression dans les années 1930, avec une épreuve de vitesse récurrente. La fatigue est physique autant qu’émotionnelle, et l’un des participants trouvera même la mort lors de l’épreuve de vitesse. Pollack filme le marathon de manière aussi haletante qu’une véritable course-poursuite, et en visionnaire, s’interroge sur la condition humaine, la société du spectacle, la dignité et le droit à la mort. Avec une star montante qui porte le film : Jane Fonda.

 

La Cité de la peur d’Alain Berbérian (1994)

Non content d’être le film le plus drôle des années 1990, le film de les Nuls comprend aussi sa scène de course-poursuite d’anthologie – filmée sans voitures, évidemment, parce que ça aurait explosé le budget, un peu comme dans un autre film drôlissime, Monty Python : sacré Graal, où les chevaux sont absents par manque de moyens. C’est bien ce bricolage qui rend le résultat si bon chez les Anglais et chez le trio comique français, le scato en plus chez les Nuls. Serge Karamazov (aucun rapport), le détective qu’incarne Alain Chabat, est chargé de veiller sur le projectionniste (l’hilarant Jean-Pierre Bacri) du film Red is Dead mais doit s’absenter pour aller aux toilettes… ratant ainsi Emile, le serial killer à la faucille, au moment où il découpe le fameux projectionniste. S’ensuit une course-poursuite endiablée, faites de dérapages, marches arrière, cascades et crissements de pneu, qui se termine par une malheureuse crevaison intestinale. Et pendant ce temps, à Vera Cruz…

 
» Voir aussi le Top 5 des plans-séquences