Tobe Hooper : la malédiction de la tronçonneuse

 

Chaque jour pendant le 22e Festival du film fantastique de Gérardmer, Grand Écart regarde dans le rétro et revient sur un film de l’édition 1995. Aujourd’hui, on parle de The Mangler, présenté hors compétition cette année-là, et surtout de son réalisateur culte, Tobe Hooper.

Massacre à la tronçonneuse, de Tobe HooperLe temps faisant son œuvre, et parfois de belles pirouettes, Tobe Hooper est aujourd’hui célébré comme une référence absolue, comme un réalisateur visionnaire qui aura, à la faveur d’un film rageur et brutal, changé la face du cinéma. Entre masterclass, récompenses diverses et invitations prestigieuses, dont la Quinzaine des réalisateurs du dernier Festival de Cannes où il présenta la version restaurée de son opus culte, cette année du 40e anniversaire de Massacre à la tronçonneuse aura été pour le Texan celle de la consécration et de la reconnaissance définitive. Classique séminal du cinéma de genre entré par effraction dans la pop culture, film mythique à la radicalité formelle novatrice, Massacre à la tronçonneuse est de ces objets monstrueux qui dépassent parfois leur créateur au point de le dévorer. Rappelons qu’en 1979, alors que le film est toujours censuré en salles, il devient un best-seller en VHS et, en quelque sorte, un des premiers DTV (direct to video) de l’histoire. S’accroche alors sur Tobe Hooper une aura sulfureuse tenace qui marque durablement une carrière balisée par les rumeurs et les incompréhensions. On pense par exemple au financement de « la tronçonneuse » par la mafia, à sa tentative de meurtre par l’acteur jouant Leatherface poussé à bout, à son caractère ingérable qui lui valut d’être débarqué par deux fois en cours de tournage, à sa brouille avec Spielberg sur Poltergeist qui aurait terminé le film à sa place… Qui ne dit mot consent : durant des décennies, Hooper ne dément rien et construit sa légende. Comme toujours la réalité est bien plus triviale et bien moins romantique. Aujourd’hui, à l’heure du pré-bilan, il rectifie certaines choses comme cette méprise avec Spielberg qui l’a blessé et ne serait dû, selon lui, qu’à la mauvaise interprétation d’un article du L.A. Times – Le jour où le reporter est sur le tournage de Poltergeist, Spielberg, producteur du film, met la main à la pâte et tourne des plans extérieurs, comme le ferait n’importe quel réalisateur de seconde équipe. Il n’en faut pas plus pour titrer « Mais, qui réalise ce film ? » et à la rumeur de se répandre. Pourtant, entre projets avortés et une industrie, frileuse et soucieuse des réputations, qui ne l’a pas toujours épargné, Tobe Hooper compte à son actif une filmographie multi-supports (cinéma, TV, DTV) bien remplie, certes en dents de… tronçonneuse, qui le place aujourd’hui dans le cercle restreint des Maîtres de l’horreur. Mais, d’évidence et malgré ses réussites – de Poltergeist au Crocodile de la mort, en passant par The Mangler (tiré d’une nouvelle de Stephen King et présenté hors compétition à Gérardmer en 1995) ou encore ses épisodes des Contes de la crypte –, Tobe Hooper restera pour l’éternité un réalisateur culte englouti, mais enfin digéré, par un film historique et cannibale dont le premier fan était… Stanley Kubrick.