Souvenirs de toiles d’Audrey Vernon

 

Audrey VernonAudrey Vernon est la dernière speakerine du PAF sur Canal+ décalé et sa façon toute personnelle de présenter les films a de quoi faire sourire. Le reste du temps, on la retrouve sur la scène du théâtre du Gymnase pour son spectacle économique, déjanté et sexy Comment épouser un milliardaire. Mais pour l’heure, la voilà qui livre ses souvenirs de toiles à Grand Écart…

Le premier film ?

Je regardais en boucle Autant en emporte le vent, j’espère que ce n’est pas de mauvais augure pour ma vie sentimentale, j’adorais le personnage de Scarlett, interprété par Vivien Leigh, qui se trompe tout le temps, qui fantasme l’homme avec qui elle ne peut pas être et qui passe à côté de l’amour à chaque fois… Très mauvais timing… Grosses erreurs… Je regardais tout le temps les films d’Adjani aussi pour sa musique, je connaissais chaque intonation dans ses monologues de La Reine Margot.

Un film qui fait grandir d’un coup ?

Huit heures ne font pas un jour de Fassbinder, déjà parce qu’on vieillit de huit heures en le voyant, mais aussi parce que ça évoque une usine reprise par ses ouvriers, une cogestion dans l’entreprise. Une histoire pleine de naïveté, d’utopie mais avec laquelle Fassbinder voulait vraiment changer les choses. C’est un film qui montre des bons sentiments, l’espoir d’un monde meilleur grâce à la solidarité et l’entraide. Un film totalement premier degré, sans aucune perversité et tout se termine bien systématiquement. C’est un feuilleton pour l’édification des classes populaires, un Plus belle la vie avec des messages essentiels très simples sur le travail aliéné ou la plus-value. Un film qui montre que la simplicité du message est légale en art.

Une période de boulimie cinématographique ?

Quand je suis arrivée à Paris, j’ai pris une carte illimitée. J’allais voir tous les films qui sortaient. Ca a dû durer six mois et puis j’ai arrêté. Ca ne m’apportait rien. Je me faisais souvent avoir par les conseils des radios ou des journaux dits intellos qui soutiennent beaucoup de films et crient aux chefs-d’œuvre. Au bout de quinze prétendus chefs-d’œuvre qui n’apportent rien, j’ai arrêté le cinéma contemporain.

Un film ou un univers de réalisateur qui vous influence ?

Affiche de La Vie aquatique de Wes AndersonJ’ai adoré et j’adore toujours Wes Anderson. Son univers me fait rire. J’adore le chien à trois pattes de La Vie aquatique, les pyjamas et les fiches de Darjeeling Limited. J’ai été engagée sur Canal+ parce que venant de voir La Famille Tenenbaum, j’ai imité le personnage de Margot au casting alors que la consigne était de faire un personnage enjoué. J’étais toute en noire, je parlais très lentement… C’est comme ça que j’ai commencé à travailler. Je lis aussi beaucoup les entretiens d’Orson Welles. J’aime son côté bricoleur, loser… Et surtout sa créativité sur différents supports, radio, télé, théâtre, cinéma…

Votre spectacle est très « économique », « décroissant », avez-vous regardé des films, des documentaires pour le préparer ?

J’ai regardé quelques documentaires, pas énormément, je voulais vraiment donner mon point de vue sans être influencée, et puis les documentaires sont vraiment atroces, ils développent le sentiment d’injustice, on a des envies de vengeance en en voyant certains. J’ai quand même vu et aimé, How we Make the Money, révoltant et passionnant pour les interviews de John Perkins, qui sont limpides . Et je dois citer aussi un documentaire de Paul Moreira sur la Somalie qui montre à quel point la destruction de la mer et des côtes somaliennes, l’impunité des Occidentaux a poussé les Somaliens vers la piraterie. Le documentaire sur Glencore et le cuivre aussi est intenable, je pense que vu mon caractère, je ne peux les voir qu’avec parcimonie, sinon, ça m’obsède. Par contre, je ne suis pas très fan de Michael Moore, je trouve que ses documentaires manquent d’empathie, bizarrement.

Un film dont vous ne vous êtes jamais remise ?

Manon, de Clouzot. Le film le plus tragique que j’aie vu de ma vie. Une histoire d’amour, sans happy end. Atroce !

Des larmes au cinéma ?

Image du film Manon de Henri-Georges ClouzotJe pleure tout le temps au cinéma. La dernière fois, c’était La Fille du puisatier, le remake de Daniel Auteuil. Les génériques de fin me font pleurer. Pour Les Feux de la rampe, je commence à pleurer au milieu du film, quand Charlie Chaplin explique sa vision du métier à la danseuse et jusqu’à la fin je ne m’arrête plus, j’ai envie de mourir… Manon, j’ai pleuré une heure et demie après la fin du film, j’étais inconsolable.

Les héros de cinéma qui vous fascinent ?

J’aime les héros que je ne comprends pas. J’ai une psychologie très basique, manger, boire, dormir… Je ne comprends pas l’ambition, la stratégie, la soif de pouvoir… Donc, j’aime les films qui évoquent des personnages complexes… Je suis tout particulièrement le travail d’Ozon et d’Haneke. Ce sont deux des réalisateurs dont je ne rate aucun film. Haneke, j’avais tellement envie de le voir travailler que je me suis battue pour décrocher une figuration. J’ai même dû passer des essais. Au final, j’ai passé une journée sur le plateau de Caché à l’observer. Il était très drôle dans son perfectionnisme, c’était très joyeux de le voir faire et savoir à ce point ce qu’il veut.

Un film dont vous auriez aimé écrire le scénario ?

Le scénario d’Un jour sans fin et aussi les scénarios de Lelouch. La Belle Histoire, par exemple.

L’actrice avec laquelle vous auriez aimé dîner ?

Catherine Deneuve dans Belle du SeigneurJe voudrais dîner avec toutes les grandes actrices. Je crois que je parlerais plus de leur vie privée. Comment sont-elles tombées amoureuses ? Parler du métier ne m’intéresse pas trop… Adjani, Isabelle Huppert, toutes les grandes comédiennes mythiques, et même les jeunes, Marion Cotillard, Vanessa Paradis, je les aime toutes… J’ai une relation particulière avec Catherine Deneuve, je rêve d’elle tout le temps : je la rencontre par hasard et je lui parle, et parfois, je crois la rencontrer en vrai alors que je dors et je luis dis « C’est dingue, j’ai rêvé de vous la nuit dernière » et du coup je lui raconte mon rêve de la veille, elle est toujours adorable, au fil des rêves, on se connaît de mieux en mieux…

Un comédien ?

Alors, je voudrais dîner avec Richard Anconina, juste parce que je l’ai croisé hier, avec Vincent Lindon que je ne connais pas mais que je trouve très, très drôle, je ne rate jamais une interview, j’aime ses digressions et sa façon d’essayer d’aller au bout de ses raisonnements. Leonardo diCaprio parce qu’il est scorpion comme moi et comme Alain Delon, donc avec Alain Delon aussi, à qui j’ai parlé une fois pour lui demander du feu, je ne savais pas quoi lui dire… Je voudrais dîner avec Depardieu aussi et voilà… Dans les jeunes acteurs, avec Sava Lolov et Pascal Rénéric, ce sont ceux que je préfère voir sur scène. Et aussi avec Benoît Poelvoorde… Le problème c’est que je n’ai aucune conversation, ce serait sordide.

Un film dont vous gardez précieusement la VHS ?

Toxic Affair, qui n’est jamais sorti en DVD. Adjani me fait trop rire dans ce rôle.