Manège à trois
La Quinzaine est la « vraie maison » de Philippe Garrel, a dit à plusieurs reprises Edouard Waintrop, le Délégué général, en présentant L’Amant d’un jour. De fait, outre les origines soixante-huitardes du cinéaste et de la sélection parallèle, en présentant deux films en trois ans, Philippe Garrel est comme chez lui. Donc, après L’Ombre des femmes, place à cet Amant d’un jour qui clôt le triptyque entamé avec La Jalousie. Chaque fois, le beau noir et blanc et l’épure de la mise en scène renforcent l’intemporalité des questionnements du cinéaste et de ses personnages. Pourquoi et pour quoi on aime, qu’est-ce qu’être fidèle. Des questions à la fois si simples et si compliquées qu’elles pourraient être un sujet du bac. D’ailleurs, Eric Caravaca incarne ici un prof de philo plutôt à l’aise lorsqu’il s’agit de deviser dans les rues du 19e arrondissement de Paris avec sa fille (Esther Garrel), complètement larguée, dans tous les sens du terme. C’est plus compliqué lorsqu’il est confronté à la liberté frondeuse de sa jeune compagne, et par ailleurs étudiante du même âge que sa fille. Un trio que n’aurait pas renié Freud. Philippe Garrel montre une fois encore la violence des sentiments, la brutalité du désamour, l’insouciance de l’infidélité, le poison de la jalousie – que celle-ci soit amoureuse ou plus incestueuse. Un cycle infernal auquel personne n’échappe. Car les consoleurs d’hier sont les consolés de demain, dans une sorte de vengeance libératrice. En mettant en scène un complexe d’Electre moderne, L’Amant d’un jour reste cloisonné aux relations entre ses trois personnages – le père, la fille, la belle-mère – quand L’Ombre des femmes interrogeait plus largement le féminin et le masculin. Plus réducteur, L’Amant d’un jour se contente de pointer l’ironie de ce petit manège, machiavéliques montagnes russes qui n’épargnent personne. Une variation sur le même thème qui, même si elle est portée par des acteurs (surtout des actrices) entiers, n’a pas la profondeur de l’opus précédent.
L’Amant d’un jour de Philippe Garrel, avec Eric Caravaca, Esther Garrel, Louise Chevillotte… France, 2017. Présenté à la 49e Quinzaine des réalisateurs.