La sélection de printemps des éditions Montparnasse

 

L’histoire de Gilles Caron. L’histoire de Manon. L’histoire de Southcliffe. L’histoire d’un monastère. Autant de raison de claquer au moins 20 euros dans un DVD !

Gilles Caron. Le Conflit intérieur.Gilles Caron, le conflit intérieur, film documentaire réalisé par Séverine Lathuillière.

Mémoire visuelle d’une époque, Gilles Caron (décédé en 1970 à l’âge de 30 ans) a dépeint en à peine 5 années et plus de 500 reportages la chronique des grands événements contemporains : la guerre des Six Jours, celle du Vietnam, les conflits au Biafra et en Irlande du Nord, Mai 68, le Printemps de Prague…
Le film documentaire de Séverine Lathuillière revient sur l’engagement artistique et philosophique de Gilles Caron, grand photographe français disparu prématurément au Cambodge dans une zone contrôlée par les Khmers Rouges. On y apprend dans quelles conditions le photographe pénétrait les zones de guerre et comment il réussissait plus qu’aucun autre à être au bon endroit au bon moment. Cet homme des terrains sensibles, au grand dam de ses confrères et concurrents, avait toujours un coup d’avance. Le documentaire ne se limite pas à une hagiographie naïve mais cerne le travail de fond du professionnel de l’image qu’il fut, expliquant avec pédagogie l’évolution de ses clichés.
Au début de sa carrière, Gilles Caron privilégiait l’instantanéité et son intuition. Normal. Quelques coups mémorables l’ont rendu célèbre (une terrible photo de corps brûlés au Biafra) mais pas pour les raisons qu’il espérait. Le sensationnel, très peu pour lui. Caron a travaillé pour faire corps avec son appareil jusqu’à la fin. Ses derniers clichés baignés d’une intelligente sobriété témoignaient de la réalité telle qu’il espérait qu’elle soit. Une réalité sans affèterie.
« Il n’y a aucune raison pour que ce monde imparfait et ennuyeux qui m’a été donné à la naissance, je sois obligé de l’assumer et de l’améliorer dans la mesure de mes moyens. On subit toujours, mais de diverses façons. Ne rien faire, c’est déroutant. Jouer un rôle c’est prendre son siècle en main, en être imprégné tout entier. » Gilles Caron

3X Manon3X Manon, une série réalisé par Jean-Xavier de Lestrade avec Alba Gaïa Bellugi, Marina Foïs, Yannick Choirat…

Manon, 15 ans, est envoyée en centre éducatif fermé pour filles après une violente altercation avec sa mère. L’adolescente souffre d’un mal-être insaisissable qui se traduit par une rage incontrôlable envers la terre entière.
Le génial Jean-Xavier de Lestrade, auteur du documentaire oscarisé Un coupable idéal, se colle au défi de la série télévisée. Quelle réussite ! Je ne vous dis que ça ! La spécialité de l’auteur, la réalité crue, transpire à chaque plan. Lui qui s’est fait expert pour débusquer les tricheurs et révéler les mensonges n’y va pas avec le dos de la cuillère dans son étude des services médico-sociaux (leurs méthodes et dissensions pédagogiques) supposés soigner les adolescents blessés.
3X Manon secoue, remue, hache menu, lessive. Une expérience d’où l’on sort rincé. La vérité dérange, c’est bien connu. L’histoire de Manon, cette jeune femme hantée par son mal-être, inadaptée au monde qui l’entoure, ne pouvant même plus supporter la présence de sa mère, ne révèle pas seulement les blessures de l’âge mais les agressions dont les filles et les garçons sont victimes au quotidien. Vous savez, ces petites agressions anodines sur le physique et le caractère qui font sentir que l’on est systématiquement à coté de la plaque. Certains le vivent très mal. Notre société, telle qu’elle est aujourd’hui, n’est rien d’autre qu’une machine à broyer où il faut être prêt à l’emploi avant même d’être préparé.
Jean-Xavier de Lestrade ne tire pas à boulet rouge sur ces hommes et ces femmes qui accompagnent nos enfants. Au contraire, il montre les difficultés techniques et structurelles auxquelles le personnel hospitalier est confronté chaque jour. La série nous plonge au cœur d’un champ de bataille. Aussi, n’ayez crainte, si la fureur de Manon agresse, la bienveillance des éducateurs panse nos plaies.
La jeune Alba Gaïa Bellugi explose à l’écran par sa puissance et son magnétisme.
3X Manon. Trois épisodes. Trois étapes vers la réparation. Une très grande et belle série.

SouthcliffeSouthcliffe, une série créée par Tony Grisoni avec Rory Kinnear, Sean Harris, Shirley Henderson…

Le 2 novembre 2011, la petite ville anglaise de Southcliffe voit s’abattre sur elle une vague de fusillades causant la mort de nombreuses personnes. Le tireur est connu de tous, au moins de vue.
Tony Grisoni, scénariste attitré de Terry Gilliam (Las Vegas Parano, Tideland et bientôt The Man Who Killed Don Quixote) avait déjà frappé fort nos mirettes avec son « triptyque thriller » The Red Riding Trilogy (que je vous recommande mille fois, vous m’en direz des nouvelles). Fidèle à ses habitudes, à savoir refuser toute intrigue linéaire pour proposer une narration déstructurée, Tony Grisoni n’a pas voulu créer une énième série sur un tueur en série mais évoquer le rapport que les hommes et les femmes entretiennent avec la mort et le deuil. Les premières images, une terrible fusillade, ouvre le récit à la façon d’un opéra. La petite ville de Southcliffe bascule dans l’horreur. Au cours d’incessants allers et retours entre passé et présent, nous comprenons les motivations de l’assassin à travers les portraits de ceux qui de près ou de loin l’ont côtoyé. C’est génial à suivre car jusqu’à la fin nous doutons des personnages. Nous les aimons, nous les détestons puis nous comprenons. Nous comprenons Southcliffe. Et c’est génial !
Très recommandé.

Et pour finir, on vous avait parlé à sa sortie en octobre dernier du documentaire Le Temps de quelques jours : eh bien, il sort lui aussi en DVD aux éditions Montparnasse. Merci seigneur.