Henri, de Yolande Moreau

 

Henri, de Yolande MoreauVendredi 24 mai, projection dans la salle du Marriott à Cannes, première mondiale d’Henri de Yolande Moreau. Pendant une heure trente, la séance se déroule normalement… jusqu’à ce que Yolande Moreau elle-même fasse irruption dans la salle et là quoi ? L’image se fige… Panne technique. Les lumières se rallument… On attend cinq minutes… Edouard Waintrop, le délégué général de la Quinzaine, prend le micro, s’excuse… Cinq minutes de plus… Puis ça repart. Sauf qu’il y a deux séquences que nous ne verrons pas… Cauchemar des nouvelles technologies de projection. Très regrettable donc, mais cette interruption ne nous empêchera pas d’apprécier le film et de garder en nous l’émotion qu’il suscite.

Henri (Pippo Delbono), restaurateur, en a un peu marre de la vie, il en a perdu le goût et préfère celui de la bière qu’il boit heure après heure… Sa femme, Rita (Lio), serveuse du restaurant, meurt du jour au lendemain. Henri l’enterre avec ses copains en enterrant aussi une cinquantaine de bouteilles d’alcool. « On l’aimait bien… Même si elle était un peu chiante, on l’aimait bien… Mais elle était un peu chiante…» Il manque quelque chose à la vie d’Henri, mais ce n’est pas sa femme. Un décès dans les dix premières minutes nous laisse néanmoins imaginer un film sur le deuil. Yolande Moreau sait nous surprendre. « Un papillon blanc » vient remplacer l’épouse… Un joli mot pour appeler les handicapés mentaux.

C’est la jeune actrice Candy Ming qui campe le personnage de Rosette, tout en douceur et en finesse. Actrice qu’on a déjà pu voir dans les films de Delépine mais aussi dans le court-métrage Mon amoureux de Daniel Metge, y interprétant le rôle, justement, d’une handicapée mentale. Ce papillon blanc désire voler, butiner… Rosette observe un couple s’embrasser dans une piscine… Pourquoi ne peut-elle pas entrer dans ce cercle du désir, elle aussi ? semble-t-elle penser. Alors quand Henri lui fait cadeau de la jolie robe à fleurs de sa femme, le jeune papillon blanc sent ses ailes se déployer… Elle fantasme une relation intime avec lui.

Le film de Yolande Moreau n’est pas un opus sur le handicap, ni sur le deuil, ni sur la dépression, ni l’exclusion… La cinéaste évite tout embourbement ou tout cliché. On peut raconter l’histoire d’un homme qui vient de perdre sa femme et d’une jeune fille souffrant d’un handicap sans vouloir en faire l’état des lieux. La caméra est à l’échelle des personnages. Henri et Rosette, deux êtres humains hors normes, hors codes, se rencontrent et construisent au gré des séparations et des retrouvailles, une relation basée sur la tolérance et la compréhension.

Le film de Yolande Moreau avance doucement, il prend son temps, parfois un peu trop… Mais tout ce qui est mis en place dans la première partie fait décoller le film dans la seconde, lorsque les deux personnages quittent les enceintes qui les enferment et les conditionnent pour rouler vers la mer et y vivoter librement… La mer, ce bel élément, que Yolande Moreau filme à merveille (on se souvient de son premier film Quand la mer monte), dans lequel ses personnages ont toute l’étendue de s’y épanouir. Et nous avec eux.

 
Henri de Yolande Moreau, avec Miss Ming, Pippo Delbono, Jackie Berroyer… France, 2012. Sortie le 4 décembre 2013. Présenté à la 45e Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes.

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