Sélection DVD – Opération Frisson

 

Durant ce premier trimestre, j’ai préféré délaisser ma femme et mes enfants pour combler mon insatiable appétit de films et croyez-le ou non, je n’y ai pas perdu au change. La DASS a placé mes gosses et ma bergère est retournée éplucher des patates sur la Jeanne d’Arc. Depuis, je suis un homme apaisé. Merci le cinéma. Les longs-métrages sélectionnés avec soin par votre serviteur expriment chacun à leur manière le sentiment de peur, l’effroi, la crainte, la terreur, une certaine idée du bonheur. We Need to Talk About Kevin, Hors Satan, Retreat, Poursuite mortelle, Faux semblants, L’Exercice de l’Etat, Le Livre noir caressent l’échine et dressent le poil. Aussi, chaque film représente un genre différent utilisant ses propres codes dans le seul et unique but de mettre le trouillomètre à zéro. Mission réussie. Pour information, ces petits bijoux sont disponibles dans les bacs en galette DVD ou blu-ray.
 

Tilda Swinton dans We Need to Talk About KevinWe Need to Talk about Kevin de Lynne Ramsay avec Tilda Swinton, John C.Reilly, Ezra Miller…

Eva décide de devenir mère et met entre parenthèses une prometteuse carrière professionnelle. Naît Kevin. Dès son plus jeune âge, l’enfant développe des attitudes agressives à l’encontre de sa mère. A 16 ans, Kevin commet un acte irréparable. Anéantie, désemparée, Eva tente de comprendre.
Tout d’abord, rendons hommage aux deux acteurs qui incarnent Kevin tant ils le méritent et tant ils crèvent l’écran. Pour vous donner une idée, Jasper Newell, Kevin enfant, ficherait la trouille à ce diable de Damien (déjà bien flippant dans The Omen, chef-d’œuvre de Richard Donner) s’ils jouaient ensemble au parc des Loupiots de Foulmieux ; les mêmes petits yeux perçants, les mêmes signes de dérangement qu’on appellerait derechef le service des réclamations s’il existait encore. Et puis Ezra Miller, jeune premier ultraprometteur, intuitif et élégant, loin des ados calibrés « visage carré » de la côte Ouest américaine.
We Need to Talk About Kevin raconte le calvaire d’une mère maltraitée par son gosse, incapable de comprendre là où elle a pu fauter dans l’éducation de son fils pour mériter un tel cauchemar. Kevin est un enfant « piège » tant la haine qu’il projette semble calculée et contrôlée. Eva, harcelée, persécutée, sombre, et nous avec. John C. Reilly endosse le rôle du père cool et insouciant, décalé et aveugle qui achève de rendre le quotidien insupportable.
Sur la forme, We Need to Talk About Kevin offre une narration déstructurée brillamment agencée qui préserve jusqu’à la fin la tension et le suspense. Du grand art.
Disponible en DVD chez Diaphana.
 

Hors Satan de Bruno DumontHors Satan de Bruno Dumont avec David Dewaele, Alexandra Lematre…

Un vagabond demeure sur une plage de la Côte d’Opale. Personne ne sait qui il est. Depuis le lever du jour jusqu’au coucher du soleil, il exécute des rituels et chasse le mal. L’inconnu met le monde hors satan.
Comme à chaque fois que je tente l’aventure Dumont, je me dis que le cinéaste se fout méchamment de ma poire avec ses plans contemplatifs et ses acteurs amateurs. Comme à chaque fois et ça ne loupe pas, je retourne ma veste. La première demi-heure passée, un constat s’impose ; Bruno Dumont est un génie, un exceptionnel raconteur d’histoire. Comme à chaque fois, l’écran me dévore. Bruno Dumont travaille à la manière d’un chercheur qui a décidé d’embrasser le monde à travers l’échelle de la proximité. Il est l’un des rares cinéastes à proposer une vision ponctiforme comme modèle d’un fonctionnement plus global. Ses travaux touchent à la pureté cinématographique. Hors Satan ne déroge pas à la règle. L’épure à l’extrême, l’homme sait faire ! Que pouvez-vous retenir d’un film où un vagabond traverse un village et des prés de long en large, glandouille sur la plage, fixe le soleil et marmonne sous le vent ? Hors Satan nécessite d’aiguiser une certaine perception pour mieux prendre conscience de l’environnement. C’est un travail de l’intérieur, l’éveil ou le réveil des sens.
Le thème principal tourne autour de l’héroïsation du mal ; jusqu’à quel point pouvons-nous rentrer en empathie avec les justiciers et les vengeurs (bienvenue dans le monde du western). L’homme mystérieux agit en sauveur, forcément marginal mais démiurge. Dumont s’impose en cinéaste des paysages. C’est peu de chose de le dire.
Disponible en DVD chez Pyramide Vidéo.

» Lire aussi la critique complète de Hors Satan

 
L'Exercice de l'Etat de Pierre SchoellerL’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman…

Si vous ne l’avez pas encore vu, vous ne le regretterez pas tant L’Exercice de l’Etat paraît indispensable et d’actualité en ces temps électoraux ; pas vraiment pour la course au pouvoir (ce n’est pas le propos) mais, comme le titre l’indique, pour l’exercice de l’Etat. Le film revient sur le fonctionnement d’un ministère et de l’équipe qui le compose. Cette immersion au cœur du système politique montre comment et pourquoi ces grands hommes utilisent un appareil étatique pour faire valoir leurs idées et imposer une feuille de route.
Pierre Schoeller explique bien la différence entre le fonctionnaire d’Etat (Michel Blanc) qui assure la survie du système et le politique (Olivier Gourmet) qui insuffle l’énergie et la couleur. Le haut fonctionnaire est un serpent, une bête froide et calme qui voit défiler les gouvernements et leurs ministres. Le ministre, lui, doit rassembler, faire l’unanimité autour de sa personne pour survivre. C’est une lutte du temps.
Le scénario récompensé par un César n’est rien d’autre qu’un emploi du temps, par ailleurs ultra-bien écrit mais au bout du compte, pas vraiment original. Quoi de flippant, me direz-vous ? Le et la politique. Le politique est une bête à sang chaud sauvage, intuitive, enfiévrée et trouillarde, proche du peuple dès qu’il le faut et proche de Dieu tant qu’il le peut. L’homme ordinaire n’existe pas ou plus jusqu’à son retour dans l’isoloir. Nous sommes bien peu de chose ma pov’ dame.
Disponible en DVD et blu-ray chez Diaphana.
 

Faux semblants de David CronenbergFaux semblants de David Cronenberg, avec Jeremy Irons et Jeremy Irons et Geneviève Bujold…

Le chef-d’œuvre du cinéaste canadien est édité en version collector accompagné d’1h30 de bonus (portrait de David Cronenberg, reportage sur la gémellité, les effets spéciaux, le projet). Faux semblants n’a pas pris une ride. Le jeu des illusions fonctionne à merveille. Pourquoi ? Parce que dans une époque comme la nôtre où les béni-oui-oui et les accros de l’ordinaire mènent la danse, les transgressions sciemment opérées par les deux frangins ont de quoi aujourd’hui retourner l’estomac. Cronenberg, comme à son habitude, déshumanise et désacralise la chair pour mieux se l’approprier.
Faux semblants ne souffre d’aucun défaut. Je vais peut-être vite en besogne mais dans le genre on frise la perfection ! D’ailleurs, je vous encourage à cet investissement salvateur.
Disponible en DVD et blu-ray chez Opening.
 

Retreat de Carl TibettsRetreat de Carl Tibetts avec Cillian Murphy, Thandie Newton et Jamie Bell…

Voilà le genre de surprise bien appréciable. Retreat est une petite série B dont il ne faut rien attendre de spécial et qui vous régale pendant 1h30.
Après une douloureuse épreuve, Kate et Martin éprouvent le besoin de se retrouver et s’isolent sur une île déserte. Un militaire blessé débarque et trouble leur quiétude. Celui-ci prétend qu’au-dehors la population est décimée par un virus. L’inconnu s’immisce dans leur intimité.
Vous vous dites : un inconnu déboule, il prend le couple en otage, ils se barricadent, la paranoïa s’installe, aucun moyen de communication mais au-dehors, derrière la lande venteuse, que se passe t-il donc ?
Tout paraît joué d’avance. Sauf que la tension ne tombe jamais et les twists se succèdent. Dans sa dernière demi-heure, Retreat ne ménage pas le spectateur. Ce n’est pas du Kubrick mais tout de même bien bonnard. Réinitialisez votre trouillomètre dès le rideau tombé.
Disponible en DVD et blu-ray chez E1 Entertainement.
 

Poursuite mortelle de Julien GilbeyPoursuite mortelle de Julian Gilbey avec Melissa George, Sean Harris…

Cinq randonneurs partent escalader les Highlands d’Ecosse. Après d’intensives heures de crapahutage, les amis s’octroient une pause bien méritée à l’orée d’une forêt. Là, ils entendent des cris et découvrent une petite fille enterrée dans une boîte. Stupeurs et tremblements. L’équipe abandonne son projet d’excursion pour sauver la fillette sauf que les ravisseurs goûtent assez peu de s’être fait subtiliser leur butin.
Poursuite mortelle bluffe à plus d’un titre. Julian Gilbey ne livre pas le sempiternel slasher des familles mais concocte un film d’action lorgnant sur le thriller d’espionnage. Dans une première partie, la rocaille pose l’ambiance. Le terrain est hostile. La pierre friable et coupante ne donne pas confiance. Gare à la vilaine blessure !
Après la découverte de l’enfant, le rythme monte crescendo. Et les méchants sont très méchants ! La dernière partie propose une chasse à l’homme encore plus nerveuse que la première avec des invités imprévus. Ça charcle comme il se doit !
Disponible en DVD et blu-ray chez E1 Entertainement.
 

Le Livre noir de Anthony MannLe Livre noir d’Anthony Mann avec Robert Cummings, Arlene Dahl, Rod Taylor…

Nous sommes en 1794 sous le règne de la Terreur. Pour conserver les grâces de la Convention, Robespierre se débarrasse de ses rivaux. Sa cruauté n’a d’égale que son imagination à inventer des tortures toujours plus sadiques. Mais Robespierre a un point faible ; il consigne dans un petit livre noir une liste de noms désignant les prochaines têtes à couper. Les défenseurs de la liberté décident d’agir au péril de leur vie et engagent Charles d’Aubigny pour subtiliser le fameux livre noir afin de traduire « l’Incorruptible » en justice.
Merci Artus films d’éditer enfin ce petit bijou de noirceur aux accents de thriller. Réalisé en 1949 avec une grande économie de moyens, Le Livre noir, débarrassé des scories habituelles des films de studios étonne par sa modernité et le ton brut de décoffrage. Si vous appréciez les films sans fioritures qui vont droit au but, Le Livre noir saura combler vos attentes. La sécheresse du ton colle parfaitement à l’esprit de la Terreur. Même si le scénario n’est pas exempt d’erreurs historiques, il ne trahit en rien l’histoire de France.
L’efficacité de la mise en scène réside dans des plans où les personnages, qu’ils soient acculés ou en passe de s’échapper, semblent toujours en position de danger. Anthony Mann développe déjà ce qui fera sa légende avec des personnages ambigus et équivoques (que nous retrouverons dans Winchester 73, L’Homme de l’Ouest…). Robert Cummings en Charles d’Aubigny, Richard Baseharte en Robespierre et Arnold Moss en Fouché rivalisent de talent. Ultra-efficace et très recommandé.
Disponible en DVD chez Artus Films.

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