Después de Lucia, de Michel Franco

 

Después de Lucia, de Michel FrancoAprès son premier long-métrage Daniel y Ana, l’histoire vraie et tragique du kidnapping d’un frère et d’une sœur dans laquelle il abordait avec beaucoup de pudeur des sujets sensibles tels que le viol, l’inceste et la pornographie clandestine, Michel Franco est de retour avec un deuxième film, Después de Lucia (Après Lucia), dans lequel le cinéaste continue d’exposer ses inquiétudes quant à l’évolution de la société mexicaine. Después de Lucia raconte l’histoire de Roberto (Hernán Mendoza), dépressif, miné par la perte de sa femme, Lucia, après un accident de voiture. Il décide alors d’aller s’installer à Mexico avec sa fille Alejandra (Tessa Ia), 15 ans. Un nouveau départ qui s’avère des plus délicats pour la jeune adolescente. Jolie, brillante, elle devient vite la cible de ses camarades de classe. Humiliée, harcelée moralement et sexuellement, Alejandra choisit pourtant de dissimuler ses souffrances, afin de ne pas accabler son père. La violence s’immisce alors peu à peu dans chaque recoin de son quotidien.

Le personnage d’Alejandra que campe la jeune et néanmoins très convaincante Tessa Ia évolue dans un milieu plutôt aisé. Un milieu bourgeois où il est d’autant plus délicat d’avouer ses défaillances et ses douleurs. Celles d’Alejandra sont pourtant profondes. A l’école, elle subit, en silence, tous les supplices que lui infligent ses camarades de classe. Une pénitence qu’elle s’impose et grâce à laquelle elle pense pouvoir absorber toute l’affliction de son père, qui, incapable de faire son deuil, a cessé de croire en quoi que ce soit. Abattu et aveuglé par son chagrin, il ne voit pas sa fille s’enfoncer chaque jour un peu plus. A la maison, la jeune fille s’évertue à donner le change. Elle prépare à manger, elle incite son père à rencontrer d’autres femmes, elle l’encourage lorsque celui-ci est sur le point d’abandonner son projet professionnel, l’ouverture de son propre restaurant. Mais dans sa volonté de combler le vide laissé par sa mère, dans son désir d’un retour à l’équilibre, l’adolescente sort de son rôle et se retrouve à assumer une charge beaucoup trop lourde pour elle.

Afin de ne pas troubler l’attention du spectateur, Michel Franco a opté pour une réalisation très épurée, nettoyée de tout mouvement de caméra superflu, de toute rupture dans la narration. Le cinéaste tient à tout prix à éviter une dramatisation excessive. A chaque situation, son cadre. Cela passerait presque pour du “tourné-monté”. Une simplicité formelle qui, par contraste avec la violence du propos, insuffle au récit une atmosphère parfaitement réaliste et naturelle, amplifiant par la même occasion la sensation de malaise chez celui qui regarde. Dans cette mise en scène frontale, statique et glaciale, Michel Franco dessine les contours de cette violence protéiforme et banale, physique et morale qui submerge aujourd’hui toutes les strates de son pays (mais que l’on pourrait retrouver n’importe où). Une violence généralisée qui dépasse largement les problématiques de classes sociales.

 
Después de Lucia de Michel Franco, avec Tessa Ia, Hernán Mendoza… Mexique, 2012. Prix Un Certain Regard du 65e Festival de Cannes. Sortie le 3 octobre 2012.

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