Comme un avion, de Bruno Podalydès

 

Comme un avion, de Bruno PodalydèsAprès des années à filmer les affres sentimentales ou familiales de son frère Denis (la trilogie versaillaise – Versailles Rive-gauche, Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers), Bancs publics (Versailles Rive-droite) –, Liberté-Oléron, Adieu Berthe), Bruno Podalydès s’offre enfin le premier rôle dans Comme un avion. D’habitude présent en filigrane, dans des rôles assez courts et absurdes – notamment le mémorable vendeur de bateau de Liberté-Oléron – il laisse enfin, comme Michel, qu’il incarne, libre cours à son envie. Michel s’emmerde en réalisant des modélisations 3D, jusqu’à ce que son chef, et néanmoins ami, lance une réflexion collective sur le palindrome, un mot qui se lit dans les deux sens. Ca fuse, « radar », « gag », « rêver », jusqu’à « kayak », qui transformera Michel, passionné de l’aéropostale, en navigateur d’eau douce. Armé de son Manuel des Castors Juniors, il entreprend donc de partir en expédition nautique.

Comme un avion, c’est un peu la version light de Liberté-Oléron, dans lequel Jacques (Denis Podalydès), père de famille nombreuse, dynamitait ses vacances ennuyeuses en aventure maritime de 5 kilomètres en direction de l’île d’Aix, transformée en nouvel eldorado. Ici, le petit voilier est remplacé par le kayak, les disputes familiales en voyage introspectif car forcément solitaire. Sous l’œil complice des habitués Jean-Noël Brouté, Michel Vuillermoz et Denis Podalydès, le réalisateur fait entrer dans sa troupe, avec délices, des petits nouveaux – des petites nouvelles en l’occurrence : Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui et Vimala Pons. Avec la première, il forme un couple en tous points adorable. Il dépeint une vie très quotidienne mais réussit à montrer sans grande déclaration (hormis celle-ci : « on aura fait de beaux enfants et changé deux fois de machine à laver ») à quel point ces deux-là s’aiment, se connaissent, se comprennent, en toute indépendance. Lorsqu’elle le trouve sur le toit de son immeuble, devant son kayak et son matériel (parce que Michel est « très matos »), Sandrine Kiberlain ne craint pas la folie douce de son mari mais l’encourage et l’accompagne, se moquant gentiment de cette nouvelle obsession. Agnès Jaoui et Vimala Pons (La Fille du 14 juillet) tiennent, elles, l’auberge qui deviendra, sur le parcours d’une aventure extrêmement bien préparée, le refuge de Michel, le point dont il ne cesse de partir pour toujours mieux y revenir. Elles incarnent deux figures, la madone et la petite chose fragile, également intrigantes et attirantes, et dont il ne peut se détacher, malgré toutes ses tentatives. Une parenthèse enchantée dans la vie de Michel – d’ailleurs toujours accompagné de chansons à-propos, comme la magnifique Vénus de Bashung – bucolique, amusée et amusante. Dans Comme un avion, la fantaisie est aussi douce que l’eau, et l’humanité, le sosie hargneux de Pierre Arditi mis à part, extrêmement bienveillante. S’il ne touche pas l’émotion trouvée dans Adieu Berthe ou la petite folie de Liberté-Oléron, Bruno Podalydès signe un joli film, ensoleillé et malicieux.

 
Comme un avion, de et avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons… France, 2015. Sortie le 10 juin 2015.

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