Shield of Straw de Takashi Miike

 

Shield of Straw, de Takashi Miike« Tuez cet homme et vous toucherez 1 milliard de yens. » C’est l’annonce que fait paraître dans les journaux japonais un milliardaire, Ninagawa, dont la petite-fille a été assassinée. L’assassin présumé s’appelle Kiyomaru, et il se terre dans un appartement avant de se livrer à la police pour échapper au lynchage. Cinq policiers vont être chargés de l’escorter jusqu’à Tokyo, et de faire face aux millions d’ennemis potentiels attirés par l’argent…

La présence de Shield of Straw en compétition au Festival de Cannes, deux ans après la sélection au même festival de l’élégant Hara-kiri, sonnait comme une promesse de réjouissances sanglantes. Le synopsis promettait un western urbain et une cascade d’effets visuels, et laissait libre cours à l’imagination débordante du cinéaste. Imagination qui passe, selon l’envie, par des os bruyamment brisés, des arrachements de membres, des égorgements sanguinolents, des combats titanesques, une sexualité perverse ou l’utilisation experte et douloureuse d’aiguilles. Bref, si l’on excepte quelques erreurs de jeunesse poétiques (la balade Bird People of China ou même le polar Rainy Dog) et un hommage à Masaki Kobayashi (le susnommé Hara-kiri), Takashi Miike ne fait pas dans la dentelle. Shield of Straw offrait ainsi tout un champ de perspectives obscènes et jubilatoires… sans en saisir aucune.

Shield of Straw lorgne sans discrétion sur Rio Bravo d’Howard Hawkes, The Chaser de Na Hong-jin et The Mission de Johnnie To, sans jamais égaler l’intensité, la puissance ou la profondeur de ses modèles. Plus précisément, Shield of Straw n’essaie même pas d’égaler ces films, tant il faudrait avoir de la paille dans les yeux pour croire que les acteurs, à commencer par le tueur en série aussi effrayant qu’un ado fan de cosplay, pourraient relever le niveau. Malgré un scénario qui tiendrait en trois mots, Miike explique chaque geste, chaque regard et chaque action dans une avalanche de dialogues ridicules. D’habitude volontiers amoral, le réalisateur japonais s’interroge ici grossièrement sur le pouvoir de l’argent. Il assène la réponse devant la caméra – oui, évidemment, l’argent gâche tout – et en écho, inconsciemment, la réponse provient aussi de derrière la caméra : Shield of Straw est un film fait pour répondre à une demande nippone de divertissement lourdingue et pour rapporter de l’argent facilement – ce qui gâche tout aussi, tant on aurait aimé que le réalisateur controversé d’Audition et d’Ichi the Killer dépasse, encore une fois, les bornes. Dommage.

 
Shield of Straw (Wara no Tate) de Takashi Miike, avec Tatsuya Fujiwara, Nanako Matsushima, Takao Osawa… Japon, 2013. Sélectionné en compétition au 66e Festival de Cannes.

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