William Kentridge au Laboratoire

 

Le Méridien de Kentridge

Dessin de William Kentridge

© John Hodgkiss

Il se passe des choses bien étranges au 4 de la rue du Bouloi dans le 1er arrondissement. Au Laboratoire, il est question de réconcilier l’art et la science. Créer l’Artscience. Mais aussi de s’intéresser davantage au processus de création qu’à l’oeuvre devenue éphémère à l’heure du “monde post-Google”. Dans ce lieu privilégié, “le public est donc invité à s’approprier l’ensemble du processus qui conduit à la naissance d’une œuvre, d’un objet, d’un concept”.

12e expérience tenue en ce singulier espace : la rencontre entre l’artiste sud-africain William Kentridge (auquel le Jeu de Paume consacrait une grande rétrospective l’année dernière) et le scientifique américain Peter Galison. Qu’est-ce que le temps ? Comment le mesurer ? Peut-on le nier ? Quand a-t-on commencé à mettre nos pendules à l’heure ? se demandent-ils en chœur.

Etudier la simultanéité du temps en tant que processus créatif. Voilà un sujet philosophico-métaphysique qui sied à Sieur Kentridge dont la démarche cherche perpétuellement les traces du monde. Repasse, gomme, estompe. Dans ses dessins, ses animations, ses installations… Kentridge travaille autour du truchement, des strates, selon le principe d’effacement et d’ajout. Il superpose le jeu d’acteurs à des images projetées en fond d’écran, tandis que défilent des machines incroyables. Perpétuellement il brouille les repères. Impossible de discerner la réalité, l’image, l’ombre.

Dans cette exposition qui n’en est pas vraiment une, pareil à un Méliès qui truquait ses films avec trois bouts de ficelle et beaucoup d’ingéniosité, Kentridge magicien s’invente scientifique proférant des vérités devant un cahier qui se noircit de dessins, de notes et de métamorphoses. Il explore le temps sous toutes ses coutures : scientifique, philosophique, métaphysique. ll le tord, le ralentit, accélère. Refuse sa linéarité.

“Tout ça pour quoi ?” pourrait-on dire. Tout ça parce que le laboratoire nous invite à découvrir ce qui se passe dans les synapses tordues de ces artistes un peu fous. Photos du travail en équipe, objets fabriqués par Kentridge, dessins préparatoires au fusain, film qui revient sur trois visions du temps – Newton, Einstein, trou noir… Horloges empruntés aux arts et métiers… Ce qui nous est montré ici, ce sont les coulisses d’un processus de création. Kentridge présentera le fruit de ses recherches à l’exposition d’art contemporain documenta de Cassel en 2012. « J’imagine pour l’instant quelque chose qui se situerait entre la performance et l’installation, entre l’opéra et la conférence. »

Une expérience sensorielle à vous donner le vertige, de celui que l’on ressent quand on se met à réfléchir à ce que sont l’infini et le néant.