Miss Tic : une femme, des lettres

 

Miss Tic Cheveux d’encre et corps brûlants. Les mots s’accrochent à ses regards, armes et baisers à la fois. Miss Tic a inscrit sa patte dans la ville. Les passants attentifs pourront la voir sortir ses griffes ou faire le dos rond au détour des murs. Sa marque a des allures de signature. Des pochoirs corrosifs, autoportraits incisifs, sans complaisance, pris à vif. Dans son jeu avec les mots, elle va à l’essentiel. Sa poésie ne raconte pas, elle capte là où ça fait mal pour mieux en sourire. Parce que c’est la vie, ça va passer.

Associée aux mouvements d’arts urbains dès le milieu des années 1980, Miss Tic en est aujourd’hui une figure emblématique. Artiste populaire, elle donne à voir à ceux qui n’auraient pas l’idée de pousser la porte d’une galerie. « J’aime ces interventions qui s’adressent au grand public. » Elle participe au pétillement d’une ville qui flirte avec le mouvement et se nourrit d’éphémère. Mais si elle a investi la rue pour des raisons éthiques, Miss Tic a toujours exposé dans des galeries. Chez Agnès B pour commencer. « Je ne veux pas qu’on m’enferme dehors! », plaide l’artiste attachée à ces tensions qui structurent son œuvre : l’intime et le public, l’intérieur et l’extérieur.

Depuis quelques années seulement le street art a un nom. Mouvement artistique nouvellement académique, il a eu le temps d’arriver à maturation et s’invite désormais régulièrement dans les plus grands musées du monde.

A la vie à l’amor

Si son exposition A la vie a l’amor vient de s’achever à la galerie W, lui succèdent des projets variés. Dans cette toute dernière exposition, elle présentait une trentaine d’œuvres inédites faites à partir de morceaux de palissade, pochoirs sur tôles, sur toile, affiches lacérées. Ce projet avant tout littéraire s’accompagne d’une publication dédiée. Dans des textes très beaux, Miss Tic se dit, entre le cri et le silence, toujours avec humour et cet amour inébranlable de la vie, des mots, des hommes et surtout, des chats.

Des super-salopes

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée de la femme, la Poste lance un carnet de timbres de collection d’après 12 de ses oeuvres. « Je vous déconseille de choisir ces timbres pour payer vos factures ! », plaisante l’artiste. Amusant pour une femme de lettres de figurer sur des timbres. « Ca me plaît de penser que ces timbres vont voyager, que mes phrases seront choisies en fonction d’un message, d’un destinataire. La Journée de la femme, c’était surtout un prétexte. Je voulais faire ces timbres. » Ce qu’elle pense de la Journée de la femme ?… « Pathétique ! C’est pervers de célébrer la femme quand la plupart du temps on l’exploite. Il y a une journée pour les arbres, le cancer, l’eau, c’est dérisoire. » Miss Tic n’aime pas le militantisme sexiste. « Je pense qu’on est à 50 % responsables de ce qui nous arrive ! On n’est pas que des victimes, on est aussi des super-salopes. Statistiquement, on est moins chefs d’entreprises, moins bien payées. C’est vrai. Mais à nous de ne pas nous laisser faire. L’inégalité entre les sexes est surtout un problème d’éducation. Aux femmes d’élever différemment leur garçon ! Moi je voudrais qu’on me rende hommage tous les jours. »

L’art est cérébral

A cette idée que la création artistique puisse être comparée à l’enfantement, elle répond : « Aucun parallèle. Quand je crée, je ne me reproduis pas. Faire un enfant, c’est avant tout un coup de chaud. La création c’est cérébral. L’oeuvre d’art existe à partir du moment où elle a été pensée. Les crocodiles se reproduisent. Il ne créent pas. Tout art, y compris la musique, la danse, a pour matière première de la matière grise. »

Femmes de lettres et autres timbres

Les pochoirs dont sont tirés les timbres sont exposés dans le 8e arrondissement ainsi qu’une série de portraits dédiés aux femmes « de l’être » dont Françoise Sagan, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Amélie Nothomb, Virginia Woolf. Les prochains rendez-vous auront lieu à la galerie Fanny Guillon-Laffaille (8e), au Carré d’encre (9e), à Saint-Brieuc (Bretagne) du 9 juin au 15 juillet, à l’Institut de France de Berlin de juin à septembre et dans tous les bureaux de poste à partir du 8 mars !

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