Fenêtre ouverte sur un personnage : Joe Buck dans Macadam Cowboy, de John Schlesinger

 

Ou comment un élément de décor participe à la création d’un personnage

Jon Voight dans Macadam Cowboy, de John SchlesingerLe jeune Joe Buck (Jon Voight) quitte son Texas natal pour chercher fortune à New York. Faux cow-boy et vrai gigolo beau gosse, il ne doute pas que les bourgeoises de Park Avenue lui ouvriront sans tarder leurs jambes et leur portefeuille. Cette naïveté lui vaut un échec rapide et cuisant. En pleine errance à travers la métropole, il rencontre Ratso Rizzo (Dustin Hoffman), un italien malade et difforme qui squatte le rez-de-chaussée d’un immeuble abandonné.

De la petite ville à la métropole, de l’espoir à la chute, le parcours de Joe Buck est jalonné de fenêtres. Il y a d’abord les baies vitrées du car qui l’emmène à New York, le long desquelles glissent et disparaissent les derniers repères du jeune homme. Vient ensuite le carreau de sa petite chambre new-yorkaise, dont la vue donne sur une énorme enseigne au nom des Mutuals Of New York : les initiales M-O-N-Y annoncent la règle du jeu new-yorkais et les problèmes à venir. Sans-le-sou et jeté dehors, Joe emménage enfin avec son nouvel ami boiteux dans un squat sordide dont les fenêtres barrées signalent le terminus.

Ainsi, Schlesinger capture souvent Joe à l’intérieur et regardant vers l’extérieur. Il est plus rare de surprendre Joe dans la posture inverse, situé au dehors et cherchant l’intérieur. Un tel geste est signe d’envie dans le conte La Petite Fille aux allumettes d’Andersen, de compassion dans le poème Les Fenêtres de Baudelaire, et de curiosité dans Fenêtre sur cour de Hitchcock. Notre personnage témoigne rarement d’aucun de ces élans. Il reste lui-même, ni curieux, ni envieux, stable et inchangeable, incapable même d’abandonner son vêtement de cow-boy malgré les ennuis qu’il lui attire dans New York.

Macadam Cowboy, de John SchlesingerCette règle est oubliée en deux occasions. A l’instant de quitter le Texas, Joe sonde la vitrine d’une boutique de sa ville natale derrière laquelle se dessine la silhouette de sa grand-mère violente. Plus tard, debout sur un quai de métro, il cherche Ratso du regard à l’intérieur d’une rame bondée, et se trouve soudain assailli d’images sombres de son passé. Chercher l’intérieur semble signifier pour lui de laisser ressurgir les souvenirs bien enfouis d’un passé traumatisant, aussi intouchables et terrifiants que des monstres dans une cage en verre.

Les premiers moments du film nous montrent un jeune homme au sourire constant et aux manières nerveuses dont se dégage un certain malaise. De fenêtre en fenêtre, Schlesinger détaille son personnage en nous laissant apercevoir son passé et son destin, donnant au film une profondeur saisissante.

 
Macadam Cowboy (Midnight Cowboy) de John Schlesinger, avec Jon Voight, Dustin Hoffman… Etats-Unis, 1969.

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