Plateau télé : semaine du 9 mars 2014

 

Correspondance "cinéma-phono-télégraphique" imaginée au début du XXe siècleLa semaine dernière, on apprenait la mort d’Alain Resnais. Depuis, Arte a déprogrammé The Housemaid et La Servante pour diffuser Mon oncle d’Amérique et Mélo. Mais sur France Télévisions, rien. Ce qui a provoqué un coup de gueule de la part de Gilles Jacob, grand maître vénéré du Festival de Cannes, sur Twitter. Des messages et des selfies boudeurs pour protester contre le choix de diffuser Smoking et No Smoking les 23 et 30 mars après minuit – soit après les soirées électorales qui auront déjà achevé les plus chevronnés des téléspectateurs. On ne peut que se joindre à Gilles Jacob, mais on peut comprendre France 2 : ils ne pouvaient pas, par exemple, déprogrammer, ce soir, Les Femmes du 6e étage. Ce film, dispensable, qui voit Luchini faire du Luchini en découvrant l’univers des chambres de bonne avec autant d’enthousiasme que NKM vivant des moments de grâce dans le métro, avait déjà été la victime collatérale du décès de Georges Lautner en novembre dernier. Déprogrammer pour Les Tontons flingueurs que tout le monde connaît par coeur, oui. Déprogrammer pour rendre hommage à un cinéaste reconnu dans le monde, non. Chapeau France 2.
 

La Leçon de piano, de Jane Campion – lundi, 20h50 – Arte

Quelques jours après la Journée de la femme, la diffusion de La Leçon de piano est l’occasion de se souvenir que Jane Campion est la seule femme à avoir reçu une Palme d’or. Enfin la seule cinéaste puisque Steven Spielberg a eu la fantaisie, l’an dernier d’en décerner une conjointement à Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos pour La Vie d’Adèle. Curieusement, ces deux histoires d’amour ne sauraient être formellement plus opposées. A l’absolutisme d’Abellatif Kechiche répondent la lenteur et l’austérité de Jane Campion. Aux discours et aux disputes des deux jeunes femmes, le silence d’Holly Hunter. Au soleil de Lille, la brume de la Nouvelle-Zélande. Et pourtant, il s’agit dans les deux cas de s’ouvrir à l’autre, de découvrir et apprivoiser un désir insoupçonné, et, finalement, de s’affirmer. Et tout cela se termine en se plongeant – plus ou moins volontairement – dans l’eau.
 

Sous le sable, de François Ozon – mardi, 20h50 – HD1

François Ozon, qui touche à tous les genres avec plus ou moins de réussite, signe ici un film de fantôme, très ancré dans la réalité. C’est l’absence qu’il filme. Le manque, l’incertitude. Sans doute un peu l’espoir. Le sujet de son film, c’est avant tout Charlotte Rampling. Une femme à la dérive alors que son mari a disparu sur une plage des Landes. Son élégance infinie, la pointe d’inquiétude que peut inspirer son regard lointain. Le mystère plane autant sur la cause de la disparition de Jean (noyade, fugue ou suicide ?) que sur l’état d’esprit de Marie, qui continue de parler de lui au présent et sent sa présence – il faut dire que Bruno Crémer est à la fois inoubliable et imposant. Une parenthèse sensible dans la filmographie d’un réalisateur d’habitude plus prompt à la provocation qu’à l’émotion.
 

Belle Epine, de Rebecca Zlotowski – mercredi, 22h30 – France 4

« Belle, c’est un mot qu’on dirait inventé pour elle » s’est dit un jour le cinéma français. Ca a commencé par Christophe Honoré avec La Belle Personne, et ça poursuit Léa Seydoux jusqu’à aujourd’hui avec le récent La Belle et la Bête. Mais c’est la Belle Epine qui intéresse Rebecca Zlotowski. Un bel oxymore qui correspond bien à l’actrice, rose piquante capable de faire tourner les têtes à Hollywood comme d’entretenir les polémiques dans le cinéma français, jusqu’à bouder ostensiblement aux César quand elle n’est pas récompensée (et donc de remettre 100 sous dans la machine sur le thème de l’enfant gâtée). Ici, Léa Seydoux incarne une adolescente dépassée par la mort de sa mère, livrée à elle-même dans l’appartement familial, avec les halles de Rungis pour échappatoire. Belle Epine, c’est aussi l’alliance de cette beauté froide et de la dureté d’un regard. De la bravade adolescente et de la douleur intime. De Rebecca Zlotowski, on a depuis pu voir Grand Central, toujours avec Léa Seydoux. Dès son premier film – dont le projet a démarré sur les bancs de la Femis –, elle faisait déjà preuve d’une maîtrise impressionnante, composant ses cadres au millimètre, jouant avec la lumière et les focales. Entre Pialat et les teen-movies, la réalisatrice n’a pas choisi son camp. L’oxymore, toujours.

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