Plateau télé : semaine du 9 février 2014

 

Le Cabinet du docteur Caligari, de Robert WieneUne semaine riche à la télé, une fois n’est pas coutume. L’angoisse est à l’honneur, qu’il s’agisse de partir à la recherche de sa femme dans les rues de Paris, de préparer l’arrivée inattendue d’un enfant ou encore de donner naissance à un genre avec Le Cabinet du docteur Caligari. La politique est là aussi, sous sa forme la plus tyrannique et violente, avec le portrait d’Amin Dada, la face sombre de la CIA (et de la télé), ou encore les diatribes incessantes des diplomates à l’aube d’une guerre. Une semaine qui balaie les époques et les genres pour se rejoindre dans la dissection de nos propres contradictions.
 

Frantic, de Roman Polanski – dimanche, 20h45 – Arte

Sous l’œil toujours un brin ironique de Roman Polanski, un Américain à Paris, ça donne une confrontation ubuesque avec la bureaucratie policière, Gérard Klein qui abandonne son éternelle veste en velours et sort son plus bel accent anglais, et bien sûr la présence mystérieuse d’Emmanuelle Seigner. Une valise est échangée, une femme disparaît, Harrison Ford part à sa recherche. Sur la musique d’Ennio Morricone, il se perd dans les nuits parisiennes. Comme toujours, la mise en scène ciselée de Roman Polanski fait monter l’angoisse peu à peu, construisant patiemment le labyrinthe que devient Paris, loin des images de cartes postales. Un dédale de rues hostiles, avec pour guide l’envoûtante Emmanuelle Seigner.
 

Le Dernier Roi d’Ecosse, de Kevin MacDonald – dimanche, 20h40 – Numéro 23

Venu du documentaire, aidé au scénario par Peter Morgan – le spécialiste britannique de la politique contemporaine (The Queen, Frost / Nixon) – Kevin MacDonald réalise un portrait ambigu d’Amin Dada, ici incarné par l’impressionnant Forest Whitaker. En s’intéressant à la relation, au cœur du film, entre le dictateur et son médecin, il montre un homme de pouvoir, aussi terrifiant que séduisant et charismatique. Le jeune James McAvoy, tout juste sorti de la fac, bercé d’illusions sur ses velléités humanitaires, tombe sous l’emprise du tyran, ébloui par sa folie des grandeurs. Plus que le dictateur sanguinaire, c’est cet aveuglement qui attire Kevin MacDonald. Les contradictions de son personnage, à la fois naïf et conscient des conséquences de ses actes. Ce qui fait qu’on privilégie sa propre ambition à ses valeurs, ce que l’on est finalement prêt à faire pour sauver sa peau. L’arrogance de la jeunesse occidentale face à la violence d’une Afrique en guerre.
 

En cloque, mode d’emploi, de Judd Apatow – dimanche, 20h50 – 6ter
Supergrave, de Greg Mottola – mardi, 23h15 – M6

Judd Apatow, réalisateur (En cloque, mode d’emploi) ou producteur (Supergrave), nouveau nabab de la comédie américaine, a trouvé le parfait dosage entre l’humour potache et l’émotion. Finis les bluettes des teen-movies entre la star de foot du lycée et la Prom Queen. Il met en scène des losers, gringalets comme Michael Cera et Christopher Mintz-Plasse ou plus gras comme Jonah Hill et Seth Rogen, certes, mais des losers drôles et attachants. Des antihéros à qui il est enfin temps de rendre justice. Judd Apatow surprend par la finesse qu’il arrive à insuffler à ses scénarios grivois, un mélange de bêtise et de subtilité. Des dialogues ultra-référencés, hommages incessants à la pop culture, qui donnent naissance à des moments intimes, des relations finement instiguées entre les personnages, sans violons et grande déclaration, mais plus justement, pleines de gêne et de maladresses. La revanche des geeks.
 

Confessions d’un homme dangereux, de George Clooney – mercredi, 20h50 – Arte

Dès sa première réalisation, George Clooney se penche sur la politique et les médias. Avant Good Night and Good Luck, sur le maccarthysme, et Les Marches du pouvoir, au cœur d’une campagne présidentielle, l’acteur le plus classe du monde adaptait l’autobiographie de Chuck Barris, un présentateur de jeux télé qui se dit également tueur à gages pour la CIA. Un peu comme si Patrice Laffont avait une double vie. L’histoire d’un homme que personne ne prend au sérieux, y compris quand il confesse avoir tué. Sam Rockwell, acteur bien trop sous-estimé vu par exemple dans le troublant Moon de Duncan Jones, campe ici ce personnage pathétique, et remporte l’Ours d’argent à Berlin. Clooney filme cette histoire, écrite par Charlie Kaufman, avec son ironie habituelle, l’œil amusé (voire moqueur) par ces aventures rocambolesques, entre strass et paillettes et l’atmosphère plus glaçante de Berlin en pleine guerre froide, sans vraiment déterminer si son personnage dit vrai. A coup sûr, les ambitions d’un personnage frustré, assouvies ou non.
 

In the Loop, d’Armando Ianucci – mercredi, 22h30 – France 4

Prolongement de la série de la BBC, The Thick of It, In the Loop plonge dans l’univers parfois absurde des spin doctors. Ici, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis sont au bord d’une invasion en Irak, et tout s’emballe après un choix de mots malheureux de la part d’un ministre. Le personnage de Malcolm Tucker, conseiller en communication du Premier ministre, est inspiré d’Alastair Campbell, le spin doctor de Tony Blair, et interprété par le prochain Doctor Who, Peter Capaldi. Un univers so british donc, où, soyons honnêtes, des rudiments d’anglais sont un plus pour savourer ces dialogues, forcément ciselés dans un univers où les mots comptent, qui s’enchaînent à une vitesse impressionnante. Un genre de Borgen sous acide.
 

Le Cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene – mercredi, 23h35 – Arte

Gérardmer vous a plu ? Retour aux sources en forme de bilan, avec le premier film d’horreur de l’histoire du cinéma, présenté ici comme il l’a été lors de la Berlinale ce dimanche, en version restaurée en 4K avec une nouvelle musique de John Zorn. La modernité au service de l’expressionnisme allemand des années 1920. Figures fantasmagoriques, décors inquiétants, jeux d’ombres… tout est source d’angoisse, rappelant qu’il n’est nul besoin de recourir à moult effets spéciaux et débauche d’hémoglobine pour évoquer les peurs primaires.