Plateau télé : semaine du 6 octobre

 

La télé resserre les liens familiaux...Est-ce la pluie automnale, la télé se la joue anglo-saxonne, mais avec un fort accent français. Il s’agit de revisiter la comédie romantique ou le teen movie, d’aller aux racines de l’humour, de faire un coucou à Agatha Christie, ou, outre-Atlantique cette fois, de souligner la noirceur des manoirs de la côte Sud de l’Angleterre. Et parce qu’on aime sauter à pieds joints dans les flaques, il est aussi question d’enfance : l’immaturité d’un Alain Chabat face à ses sœurs, le plaisir du jeu de Catherine Frot et André Dussollier, les affres de l’adolescence, ou les douloureux souvenirs du Cambodge de Rithy Panh.
 

Prête-moi ta main, d’Eric Lartigau – dimanche, 20h50 – TF1

Prête-moi ta main, c’est l’exception qui confirme la règle : on peut faire en France des bonnes comédies romantiques. Enfin, au moins une. Alors oui, on connaît la fin dès le début, mais c’est inhérent au genre. Surtout, on rit. On rit avec Alain Chabat relooké en fan de Cure dans les années 1980. On rit avec Charlotte Gainsbourg, libérée de tout, jurant comme une charretière avec le plus grand sourire, à nouveau effrontée face à Bernadette Lafont, disparue cet été dans la plus grande indifférence. Toutes les sœurs de Pipou sont excellentes, c’est rythmé, enlevé. Bref, en France, on peut faire des bonnes comédies romantiques.
 

Ridicule, de Patrice Leconte – dimanche, 20h50 – D8

Puisqu’on en est à parler des spécificités françaises par rapport aux Anglo-Saxons, Patrice Leconte nous emmène vers la découverte de l’humour. A la Cour du roi, on connaît le trait d’esprit, le calembour, et les « saillies drolatiques ». Mais pas l’humour, rencontré grâce à l’exil de l’autre côté de la Manche. Finalement, la Cour que met en scène Patrice Leconte n’est peut-être pas si datée que ça. Les vacheries se cachent derrière les flatteries, les luttes de pouvoir se muent en joutes verbales. Un bon mot vaut adoubement. Un faux pas – à savoir le mot de trop –, bannissement. Ridicule, c’est une fable initiatique, où le naïf Charles Berling pénètre dans un univers où le ridicule effraie parce qu’il tue. Socialement, symboliquement. Ce qui, dans la Cour, vaut mort. Un univers où le pouvoir (d’humiliation) s’exerce aux dépens des autres plutôt qu’à leur service. Une fable cynique, mais jouissive.
 

Le crime est notre affaire, de Pascal Thomas – dimanche, 20h45 – France 2

Lorgnons outre-Manche encore, avec la série des époux Beresford, inspirés par Agatha Christie à Pascal Thomas. Après Mon petit doigt m’a dit, et avant Associés contre le crime, Le crime est notre affaire remet en scène la folie douce de Catherine Frot et André Dussollier, sur les pistes d’un mystérieux meurtre. Qui a tué qui, et pourquoi, finalement, on s’en fiche un peu. On se contente de voir le duo s’amuser, parfois en caricature d’eux-mêmes. Lui, toujours élégant et flegmatique. Elle, gentiment délurée, toujours pétillante.
 

Rebecca, d’Alfred Hitchcock – lundi, 20h50 – Arte

Fini de rire. L’ambiance de la campagne anglaise, ce n’est pas toujours bien marrant. Preuve avec ce Rebecca, qui commence dans le glamour de Monte-Carlo, et se termine dans la noirceur de Manderley. L’ombre de Mme Danvers derrière les rideaux de la chambre de la nouvelle Mme de Winter est bien plus angoissante que n’importe quel fantôme. Car celle qui hante la jeune épouse, en secondes noces, de Max de Winter, ce n’est pas la défunte Rebecca. C’est sa gouvernante, bien vivante, elle. Mme Danvers, qui bride la liberté et le bonheur éphémère de la jeune femme. Le tour de force d’Hitchcock est de mettre en scène une histoire de fantôme sans fantôme. Une histoire de maison hantée par les vivants eux-mêmes. Une descente aux enfers lente mais inéluctable.
 

Les Beaux Gosses, de Riad Sattouf – mardi, 20h50 – W9

Auteur de BD reconnu, avec Retour au collège ou Pascal Brutal, Riad Sattouf a le sens de l’observation et une certaine empathie avec cet individu étrange qu’est l’adolescent boutonneux. Pour son premier film, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs et couronné par un César, il met en scène leur difficulté à maîtriser leur propre corps, leur maladresse désespérée autant que leur vantardise feinte, et leur seule obsession : ces énergumènes encore plus étranges que sont les filles. Il se moque gentiment, avec une certaine tendresse et un brin de nostalgie. Riad Sattouf dynamite le teen movie. Pas de moche à lunettes qui devient reine du bal quand on lui colle des lentilles, pas de joueur de foot star du lycée. Mais des appareils dentaires, des coupes de cheveux improbables et de l’acné. La justesse des interrogations et des angoisses, incarnées à la perfection par un Vincent Lacoste alors débutant, face à l’intrusion de sa mère, réjouissante Noémie Lvosvky. On les retrouvera tous les deux, accompagnés de Charlotte Gainsbourg, dans le prochain film de Riad Sattouf, Jacky au royaume des filles, prévu pour 2014. Et on a hâte.
 

L’Image manquante, de Rithy Panh – mercredi, 20h50 – Arte

Un document nécessaire sous une forme inédite : c’est L’Image manquante, prix Un Certain Regard du Festival de Cannes 2013. Des personnages en glaise pour raconter le génocide cambodgien sans voyeurisme. Bouleversant, comme le reste de l’œuvre de Rithy Panh, mais cette fois encore plus personnel et plus puissant. Un chef-d’œuvre de fin de plateau télé.