Plateau télé : semaine du 20 octobre

 

Antenne 2France Télévisions va mal. Entre les économies à faire, le plan de départs volontaires qui a déclenché une prochaine grève, les révélations du Canard enchaîné sur la gestion, disons, peu efficace, les audiences qui ne sont pas au mieux, les débuts plus que contestés de l’émission de Sophia Aram, l’ambiance est plus que morose. Et pourtant cette semaine, une fois n’est pas coutume, c’est le service public qu’on choisit de regarder. Pour se souvenir, de temps en temps, que parfois, on sait à quoi sert la redevance.
 

Le Cœur des hommes, de Marc Esposito – dimanche, 20h45 – France 2

Les Etats-Unis ont leurs buddy movies à la Une journée en enfer et autres Arme fatale. Nous avons nos films de potes, Mes meilleurs copains et Un éléphant ça trompe énormément. Ils sont quatre, s’aiment et s’engueulent en se rappelant leurs souvenirs et vieilles rancœurs, ils déconnent gentiment comme aux débuts de leur amitié vingt-cinq ans plus tôt. Le Cœur des hommes, c’est la version moderne, mâtinée du savoir-faire américain. C’est efficace et rondement mené. Les hippies ont dégagé, les notables ne sont plus médecins mais patrons de presse. Place aux bobos et à la lumière glacée des années 2000. Une époque où les hommes peuvent aussi avoir le cœur tendre. Ils pleurent et se perdent, mais surtout se marrent et se soutiennent. Quatre hommes moins potaches que leurs aînés, moins obsédés par la question de leur réussite sociale (quoique). Moins dans l’outrance du duo Guy Bedos-Marthe Villalonga. Malgré les clichés et caricatures, ces quatre-là sont parfois plus vrais et plus sensibles tout en restant franchement drôles.
 

Sympathy for the Devil (One+One), de Jean-Luc Godard – lundi, 00h25 – France 2

S’il ne doit rester qu’un documentaire musical, que ce soit celui-ci. Parce qu’il est expérimental. Parce qu’il n’est pas hagiographique. Parce que Godard a compris que le rock anglais des années 1960 n’a de sens que par le contexte qui l’a fait naître, celui d’une Angleterre corsetée qui se libère, d’une jeunesse qui tente de prendre le pouvoir. One+One entreprend de décortiquer la création de Sympathy for the Devil, en mettant en contrepoint le huis clos d’un studio d’enregistrement où les Rolling Stones travaillent, et l’extérieur, les Black Panthers, les mouvements révolutionnaires, et la pornographie. Chacun se répondant pour se déconstruire l’un l’autre. Le mythe de la création contre celui de la politique.
 

La Cité de la peur, d’Alain Berberian – mardi, 20h45 – France 4

On ne peut pas, chez Grand Écart, passer sous silence la diffusion de La Cité de la peur, même si tout le monde l’a vu 25 fois. C’est l’effet Cannes. Alors pour cet énième visionnage, on pourra se concentrer sur les détails, compter les sucres que met Valérie Lemercier dans la tasse de café géante de Chantal Lauby, se rancarder sur les projecteurs Kinoton, expliquer aux plus jeunes qui est Rick Hunter ou se demander ce que devient Hélène de Fougerolles. On pourra surtout ricaner bêtement comme les 25 premières fois, sans demander le remboursement des invitations.
 

White Material, de Claire Denis – mardi, 23h40 – France 3

La place que laisse Claire Denis à la musique envoûtante des Tindersticks la positionne aussi en bonne place dans le paysage de la musique au cinéma. Mais là n’est pas le sujet. White Material, c’est un peu Out of Africa si Sidney Pollack n’avait pas eu un faible très prononcé pour le mélo, si Claire Denis ne signait pas un cinéma brut, qui se confronte à la violence de ses sujets sans détour. Ici, Isabelle Huppert se bat pour sa plantation de café en Afrique, alors que dehors la guerre civile gronde. Claire Denis, qui a passé son enfance en Afrique, se pose, dans tout son cinéma, la question des rapports entre Noirs et Blancs. Elle filme ici l’obsession de la femme blanche à rester sur le continent noir, coûte que coûte, niant sa propre identité, niant ce qu’elle représente. Elle filme les corps, les désirs et les fantasmes. Elle filme aussi la violence et les enfants-soldats. Tout aussi envoûtante que la musique qui l’accompagne.

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