Souvenirs de toiles de Viktor Vincent

 

Viktor VincentAttention, cet homme peut deviner la moindre de vos pensées ! C’est du moins que ce Viktor Vincent tente de vous faire croire dans Emprise, son dernier spectacle de mentalisme en tournée dans toute la France jusqu’en août 2017. Un spectacle à l’ambiance oppressante, fascinante et forcément cinématographique, qui vous ramène aux séances de spiritisme du XIXe siècle… Rencontre avec un artiste qui sait déjà quelles questions vous allez lui poser. Ou presque.

 
Votre premier souvenir de cinéma ?

Beetlejuice. La première BO que j’ai achetée d’ailleurs, en 33 tours.

Le film qui a bercé votre enfance ?

On va plutôt dire adolescence. La trilogie Retour vers le futur (surtout le premier) que j’avais vue en version française et que je ne peux revoir d’ailleurs qu’en version française ! Je l’ai vue un nombre incalculable de fois, je la connais par cœur. C’est tellement de nostalgie pour moi, que j’ai maintenant un peu de mal à la regarder, ça dépasse les films en eux-mêmes. Je ne les regarde plus en entier, juste quelques extraits. C’est une madeleine de Proust incroyable.

L’acteur ou l’actrice disparu(e) avec qui vous pourriez dîner ?

Alfred Hitchcock, Orson Welles qui était un passionné de magie. Pour leur mystère, leur univers. Autant dîner avec des légendes !

Premières larmes devant un film ?

E.T., bien sûr ! Quand il remonte dans son vaisseau et qu’Elliott reste tout seul. Je me revois encore pleurer devant ma télé !

Les derniers fous rires au cinéma ?

Ca, c’est beaucoup plus rare ! Je ne vais plus trop au cinéma, je n’ai plus le temps hélas. Mais je ne suis pas un bon spectateur pour les fous rires. En comédies culte, il y aurait La Cité de la peur, mais récemment, c’est plus difficile à trouver. Quoique, j’ai bien aimé Date limite avec Robert Downey Jr et Zach Galifianakis que j’avais trouvé plutôt bien fait, tout en décalage. C’est un road movie où on ne s’ennuie pas, qui est très inventif.

Le film le plus effrayant ?

Ma mère adorait les films d’horreur, donc j’en ai vu plein quand j’étais gosse qui n’étaient pas du tout de mon âge. Je suis assez blindé maintenant. Je pourrais plus citer des films de guerre comme Platoon, Apocalypse Now. Je les ai vus vers 14-15 ans et j’ai l’impression que ces films-là sont dix fois plus puissants que ceux que l’on fait aujourd’hui. Ou alors c’est parce que je ne suis plus ado et que mon regard a changé. Tous les souvenirs de bons films ont pour moi plus de vingt ans…

Le film le plus érotique ?

Basic Instinct avec Sharon Stone et son pic à glace et parce que j’adore Michael Douglas.

Le film culte que vous gardez précieusement ?

Le Prestige, de Christopher Nolan. Un film qui traite de ce que je fais, par un réalisateur que j’adore, dans une narration très complexe. Je peux le regarder vingt fois sans me lasser. Je me remets des séquences dans ma tête dans l’ordre que je veux.

Un film que vous auriez aimé réaliser ?

Il y en a plus d’un ! Tout sur ma mère, car c’est l’un des films qui m’a donné envie de devenir metteur en scène. Il y a des séquences et des répliques incroyables comme « Cette femme, c’est ton père ! » et j’adore les histoires d’Almodovar avec leur côté liens particuliers, très sexuels, androgynes, travestis, le mélange de vrai et de faux, je suis très fan !

Vous mettriez qui dans votre Panthéon du cinéma ?

Woody Allen, Pedro Almodovar, Tim Burton, Christopher Nolan, Wong Kar-wai qui, je trouve, a un très gros rapport avec Almodovar, trop gros pour que ce ne soit pas involontaire. Truffaut aussi, même s’il y a des films qui m’ont ennuyé, mais Les 400 Coups me rappelle une époque où je voulais apprendre la mise en scène et on y revoit le Paris des années 1950 où les pierres étaient encore noires. Ce film est très triste. J’aime les films tristes.

Vous regrettez de ne plus réaliser ?

J’ai réalisé huit courts-métrages, mais je ne pense pas que je sois fait pour ça. J’aurais peut-être dû réaliser des films écrits par d’autres que moi. Je me suis rendu compte que je n’avais pas tant de choses à raconter, ni le talent pour ça. Je suis très heureux dans mon métier et maintenant, je mets en scène mes spectacles et j’en suis très fier. Je réutilise ce que j’ai appris, notamment pour les petits films qu’on retrouve dans Emprise et que j’ai réalisés. J’ai fait aussi des vidéos promotionnelles pour les réseaux sociaux, dont le but est de surprendre et d’être amusantes. Je me sens un peu largué par rapport à tout ça avec les Youtubeurs qui se filment dans leur chambre et qui passionnent des millions de personnes. Godard disait qu’il faut regarder une ou deux vidéos de ce que font les autres et faire tout l’inverse. C’est ce que j’ai essayé avec les miennes. Ca me rappelle l’époque où je voulais faire du cinéma. Mais tout change trop vite, j’ai raté mon siècle ! Heureusement, tout reste à faire dans le domaine du mentalisme : je peux encore essayer d’être moderne sur scène, voire de paraître en avance !

Il y a une vraie ambiance cinématographique pendant ce spectacle, justement…

Oui, je ne veux pas qu’on s’ennuie. Le théâtre, c’est cher, trois fois plus cher que le cinéma, même si on propose du spectacle vivant, différent, mais il faut rivaliser avec Peter Jackson et ses trois milliards de budget et ses effets spéciaux. Il faut que je sois trois fois meilleur que lui car les spectateurs vont payer trois fois le prix pour venir me voir. J’ai l’avantage que les gens vivent ce qu’ils voient. J’essaie donc de construire une mise en scène comme dans le cinéma que j’aime, avec une rupture toutes les cinq minutes et on passe par plein d’émotions. On doit pouvoir tout ressentir, la surprise, le rire, le mystère, le suspense, la tension dramatique…

Les personnes que vous faites monter sur scène sont un peu des comédiens que vous dirigez ?

Un peu, oui. Ils sont ma matière. Mon but est de deviner ce qu’ils pensent et de leur faire faire ce que je souhaite. Je les oriente donc jusque dans leurs choix, sans qu’ils ne s’en rendent compte. Le gros avantage sur le cinéma, qu’il n’offrira jamais, c’est que le spectacle est partout : sur scène, mais également dans la salle. Le cinéma est une expérience reconductible. Au théâtre, c’est perméable, il peut y avoir des ratés, on ne fait jamais le même spectacle tous les soirs, les gens montent sur scène, je descends jusqu’à eux, je leur parle… C’est ça qui est plus puissant que ce que l’on peut vivre au cinéma.

L’ambiance du spectacle rappelle Méliès. Une de vos références ?

Viktor VincentNon, je n’avais pas vraiment de référence, si ce n’est que je voulais du noir et blanc, de l’animation, car j’aborde le XIXe siècle. Je ne me suis pas inspiré de réalisateur en particulier. Mais Méliès c’est un peu notre père à tous, nous les illusionnistes. Son spectre est forcément là. Je ferai peut-être un jour un spectacle sur lui.

Vous incarnez également un personnage sur scène…

Je ne me considère pas comme un acteur, mais maintenant que je suis passé de ce côté-ci de la scène, je pense que je dirigerais différemment des comédiens. Je ne pense pas pouvoir tout jouer, même si j’aimerais essayer. Pour ce spectacle, mon co-metteur en scène, Nikola Carton, me donne les intentions de jeu, fait en sorte que je ne m’éloigne pas de mon intention première. Sur scène, je ne suis pas loin de ce que je suis, j’ai composé à partir de ce que je suis, même si c’est en plus froid et plus posé. Mon prochain spectacle aura tout de même une ambiance moins anxiogène…

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