Rencontre avec Jonas Bloquet

 

Jonas Bloquet - (c) Guy FerrandisIl est belge, il est jeune, un physique à la James Dean (un de ses modèles) et il a déjà tourné avec Joachim Lafosse, Luc Besson, et dernièrement avec Paul Verhoeven dans Elle qui lui offre sa première nomination aux César, catégorie Meilleur Espoir masculin. Surtout, il n’a pas sa langue dans sa poche, ose dire tout haut ce qu’il pense tout bas et s’apprête à croquer le cinéma à pleines dents.

 
Encore un Belge qui cartonne en France…

Oui… Quand on est un jeune comédien belge, on a très envie de s’exporter en France, car il y a plus d’opportunités, de travail, de castings. Les Français aiment bien les Belges, sans doute parce qu’ils sont plus bosseurs et plus fiers de leur travail, dans le sens où ils sont heureux de dire qu’ils travaillent pour réussir. On est moins démonstratifs d’une sorte de talent inné de l’acteur français qui n’aurait pas besoin de travailler pour ses rôles…

Quelles sont les particularités du cinéma belge justement, selon vous ?

Il y a un côté profond et décalé. Les films coûtent peu cher et sur les tournages belges, tout le monde est soudé, content d’être là et cela transparaît dans les films. En France, il y a un côté plus technique, on se rend sur un tournage comme si on allait au bureau, alors que c’est quand même un métier sympa ! Je ne généralise pas, bien évidemment, ni ne parle de tous les tournages que j’ai faits, mais cela se ressent surtout sur les séries françaises. Sur le tournage de Elle en revanche, tout le monde était heureux de faire partie de ce film, même quand il y avait des heures supplémentaires à faire. On sentait que toute l’équipe était fière de travailler sur ce film et avec Paul Verhoeven.

Que retirez-vous de l’enseignement de l’Ecole de la Cité ?

Après mes cours de théâtre, j’y ai étudié la réalisation pendant deux ans. J’aime jouer et réaliser. J’écris beaucoup d’histoires que j’aimerais tourner un jour. Cette école m’a permis de rencontrer des jeunes cinéastes, de me faire un réseau, c’est très agréable.

Vos premières expériences ciné sont impressionnantes… Il y a notamment Elève libre de Joachim Lafosse ou Malavita de Luc Besson…

J’avais 15 ans pour Elève libre, j’étais presque inconscient d’être acteur sur le tournage. J’étais juste un adolescent qui faisait un film, je n’y voyais que le bonheur, sans voir l’aspect métier que j’ai maintenant. J’ai eu de la chance ensuite de faire des films complètement différents, indépendants ou des grosses productions. A chaque fois, ça m’a apporté beaucoup.

Comment êtes-vous arrivé sur le projet Elle ?

Par un casting, mais c’était très rapide et très simple, car j’ai eu un appel dès le lendemain pour me dire que j’étais pris.

Qu’est-ce qui était le plus intimidant : arriver sur un tournage dirigé par Paul Verhoeven ou jouer le fils d’Isabelle Huppert ?

J’avais rencontré Paul Verhoeven sur le casting et j’avais pu lui parler pendant les essayages de costumes. C’est un homme très calme, bien loin de tout ce qu’on avait pu me dire sur lui. J’avais un peu plus peur de ma rencontre avec Isabelle Huppert, comme j’interprétais son fils, mais on a eu une très belle relation de jeu, finalement. Dès le premier jour, j’ai compris que tout allait bien se passer.

Etant jeune comédien, vous ont-ils prodigué des conseils ou vous ont-ils traité d’égal à égal ?

D’égal à égal, mais quand Isabelle Huppert me donnait des conseils, je l’écoutais avec les oreilles grandes ouvertes ! Quand quelqu’un comme ça te donne un conseil, tu n’as pas intérêt à faire le malin : tu prends et tu écoutes.

Que retirez-vous de cette expérience ?

Elle, de Paul VerhoevenJe retiens surtout l’ambiance de tournage. Si un jour je réalise un long-métrage, je veux la même chose : une implication et une concentration exceptionnelles, tout en restant très joyeux. Je retiens aussi Paul Verhoeven dans sa manière de travailler qui donne beaucoup de liberté dans le jeu. Je suis très inspiré par lui, car à son âge [78 ans, ndlr], il arrive dès 7h30 sur le tournage, avec la banane, il repart à minuit toujours en souriant, il n’est jamais fatigué, ne prend pas de pauses… C’est un monstre de travail. Quant à Isabelle Huppert, j’ai découvert une nouvelle méthode de travail avec elle, que je ne suis pas sûr de suivre, mais c’est impressionnant de la voir faire. Quand elle arrive sur le plateau, elle rentre dans une bulle, une carapace, pour ne pas se laisser divertir par tout ce qui l’entoure. Quand une journée de tournage se terminait, elle rentrait dans sa loge avec une sorte de relâchement. Cette femme ne vit que pour son métier et ses enfants. C’est très impressionnant : elle est sur le plateau toute la journée et le soir, elle va répéter une pièce de trois heures… Après plus de quarante ans de carrière, elle donne toujours autant, grâce à sa méthode de travail. Le dernier jour de tournage, on découvre une autre Isabelle Huppert : la personne et non plus la comédienne, et elle est totalement différente.

Etes-vous surpris de cette nomination aux César ?

Quand mon agent m’a appelé pour me dire que j’étais dans les pré-nominations, je ne m’y attendais pas, car je n’y pensais pas. Puis quand je me suis retrouvé dans les cinq nommés, je n’y croyais pas, car je n’ai qu’un second rôle sur ce film. C’est très encourageant pour moi, mais je suis un gros outsider, là !

Avez-vous vu les films de vos concurrents ?

J’ai vu Diamant noir et Quand on a 17 ans. Je n’ai pas réussi à voir Rester vertical, mais j’aimerais beaucoup, ça a l’air bien spécial. J’avoue avoir détesté Diamant noir… J’ai eu l’impression de retourner dans les années 1980-1990 avec une image et un son sales, je ne suis pas du tout rentré dedans. Pour Quand on a 17 ans, d’André Téchiné, j’ai trouvé les deux comédiens formidables, mais le film est trop dans le réalisme, avec un côté documentaire parfois.

Quels sont les acteurs et cinéastes de votre Panthéon ?

J’aime beaucoup Tom Hardy, James Dean – la crème de la crème pour moi -, David Fincher, Robert Zemeckis, Jennifer Lawrence… Côté Français, j’aime Vincent Cassel, Kim Shapiron, Luc Besson, Jacques Audiard, Jean-Pierre Jeunet…

Et quels sont vos projets ?

Là je suis en tournage à Liège, je profite de mes deux derniers jours et ensuite, je pars un mois à Los Angeles. Ca fait six ans que je suis à Paris et j’ai envie de voyager, de partir à l’aventure, de découvrir une nouvelle ville. J’ai un agent là-bas, il va me faire passer des castings, on verra bien !