Rencontre avec Asia Argento

 

Portrait d’une présidente

Asia ArgentoL’actrice et réalisatrice Asia Argento est la première présidente – il aura fallu attendre 27 éditions – du jury des longs-métrages du Festival du film fantastique de Gérardmer. Elle abandonne sa chevelure longue noir corbeau pour une coupe blonde et courte qui ne change rien à sa conception du cinéma, libre de tout engagement. Elle nous parle films de genre, possession et George Romero…

 
Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être la première femme présidente du festival ?

Ca fait du bien… On est dans un festival de genre, mais pour moi, le genre masculin ou féminin, ça n’a aucune importance. Mais peut-être suis-je idéaliste, je ne crois pas aux étiquettes. Je suis honorée d’être présidente du jury, mais c’est étonnant que cela ne soit pas déjà arrivé avant, car c’est déjà la 27e édition. J’ouvre la porte, comme je l’ai déjà fait auparavant dans ma vie, mais j’espère que je ne me la prendrai pas sur la tête. Ce qui arrive souvent !

Comment définiriez-vous votre rôle de présidente ?

J’ai émis quelques règles avec le jury, comme de se parler tous les jours quelques minutes. J’ai distribué des carnets pour écrire ses idées. C’est important d’écouter les avis des uns et des autres. J’ai la chance d’avoir un jury très intelligent. J’arrive parfois à penser comme ils pensent, à voir des choses qui m’avaient échappé.

Pourquoi si peu de femmes dans le cinéma fantastique, selon vous ?

Même dans le cinéma tout court, je dirais. Le patriarcat est toujours au pouvoir, mais c’est politique d’aborder ce sujet.

Qu’attendez-vous de cette édition ?

Avec mon travail, les enfants, je ne vais plus au cinéma comme je le faisais quand j’étais plus jeune, c’est donc une occasion de voir ce qui se passe en ce moment, de voir les points de vue différents des réalisateurs et réalisatrices. Ce festival, c’est une belle manière de se mettre au courant de ce qui se passe à travers le monde. Mais je n’attends rien de particulier, car j’aime être surprise et ça m’évite d’être déçue.

Vous avez tourné à l’âge de 9 ans, quels sont vos souvenirs d’enfance liés au fantastique ?

J’étais dans une voiture, entourée par des comédiens déguisés en démons et je fermais les yeux quand la caméra se focalisait sur moi, j’avais peur, même si je savais que c’était pour de faux [Asia parle du tournage de Démons 2, de Lamberto Bava].

Avez-vous des films de genre de prédilection ?

Je suis touchée par les films sur les possessions, les fantômes, les esprits et les démons. J’aime L’Exorciste, L’Exorcisme d’Emily Rose, Deliverance from Evil… Je sais pourquoi, mais c’est personnel. Cela me fait vraiment peur quand c’est bien fait. Quand j’ai vu Deliverance from Evil, c’était la nuit, j’étais seule et j’ai entendu du bruit, j’ai eu peur d’être possédée…

Où prenez-vous le plus de plaisir ? Dans le jeu ou la réalisation ?

Etre réalisatrice, c’est comme un repas complet, il y a la photographie, le jeu, les costumes… On n’a jamais le temps de s’ennuyer, alors que quand on est acteur, on s’ennuie beaucoup.

Vous qui avez tourné à travers le monde, avez-vous perçu des différences notables dans la façon d’aborder le cinéma fantastique en fonction des pays ?

Oui, bien sûr, parce que les cultures sont différentes. Mais cela dépend des époques aussi. Par exemple, au Japon, dans les années 1990, on ne présentait pas le cinéma fantastique de la même manière que maintenant. Mais je ne regarde pas les films en fonction de leur provenance, je suis simplement spectatrice.

Si vous n’aviez pas évolué dans le milieu du cinéma, qu’auriez-vous fait ?

Sans doute jardinière. Travailler avec la nature et les arbres.

Quels souvenirs gardez-vous de votre tournage avec George Romero, Le Territoire des morts ?

C’était un ami de mon père, un ami perdu, car ils ne se voyaient plus. Il avait adoré mon premier film en tant que réalisatrice, Scarlet Diva, et il m’a contactée, ce qui m’avait étonnée. C’était d’abord pour un autre film qu’il n’a finalement pas tourné, puis pour celui-ci. C’était encore mieux que de travailler avec mon père, car il était comme un oncle gentil, toujours très inspiré, très calme, je ne l’ai jamais vu se mettre en colère. Nous étions en communion. Il faisait des films très politiques avec le genre fantastique : si on avait envie d’y voir des zombies, on en voyait, mais il pouvait s’agir de tout autre chose. C’étaient presque des films clairvoyants.

Cet été, vous allez tourner sous la direction de votre père dans Occhiali Neri ; lui demandez-vous encore des conseils ?

Oui et pas seulement sur le cinéma, sur la vie en général. Et il m’en demande également, même si on parle beaucoup de cinéma, en effet.