Rencontre avec Guillaume Gouix

 

Portrait de Guillaume Gouix par Romain RigalSon nom ne vous dit peut-être pas encore grand-chose, mais avec son visage atypique et son jeu personnel, Guillaume Gouix pose peu à peu une empreinte indélébile sur la pellicule du cinéma français. Les professionnels ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : son rôle sombre et physique dans Jimmy Rivière lui vaut une nomination aux César. L’histoire d’un jeune gitan fougueux et torturé qui choisit la voie du pentecôtisme sous l’influence de sa communauté et doit renoncer à sa carrière prometteuse de boxeur thaï et à l’amour de sa vie…
 
A la veille des César où vous êtes nommé en tant que Meilleur espoir masculin, comment vous sentez-vous ?

Je ne réalise pas trop, je ne ressens pas encore la pression. C’est encore abstrait pour moi, surtout quand on commence ce métier. Cela dit, cette nomination, c’est hyper-flatteur et cela fait d’autant plaisir que c’est le vote des gens du métier. Le César, les comédiens en rêvent tous secrètement, mais ce n’est pas un but en soi. Moi, mon rêve, c’est avant tout de faire de beaux films, même si je sais que cette récompense pourra m’aider à faire d’autres longs-métrages dont je serai fier. Je me sens donc ancré dans le réel et quoi qu’il arrive le 24 février, on fera la fête.

Vous avez commencé votre métier de comédien très jeune…

Oui. Je faisais une école de théâtre quand j’étais gamin, mais c’était pour moi une activité comme une autre. J’ai eu rapidement l’opportunité de tourner dans des téléfilms, puis dans des films vers l’âge de 16 ans. C’est le téléfilm pour Arte Dérives en 2001 qui m’a donné envie de continuer dans cette voie. Du coup, à Cannes, j’ai fait l’ERAC (l’Ecole régionale d’acteurs de Cannes, ndlr), car j’avais besoin de me faire, en parallèle à mes tournages, toute une culture théâtrale, littéraire, cinématographique… Ma famille m’a toujours soutenu, car j’étais nourri d’une réelle conviction, j’allais travailler dur pour réussir.

A quel moment vous-êtes-vous dit que vous étiez désormais un comédien sur lequel les réalisateurs pouvaient compter ?

Je ne me sens pas dans la famille du cinéma, mon parcours se fait petit à petit. Je vois quand même une évolution, puisque je passe de la tranche des jeunes chiens fous à celle des jeunes pères de famille, avec des rôles de plus en plus denses. Cependant, je ne crois pas que l’on puisse se dire qu’on est arrivé à ce que l’on souhaitait. Je pense toujours au film que je vais faire plutôt qu’à celui que je viens de tourner. Je marche au feeling, je n’ai pas vraiment de plan de carrière, cela se fait au fur et à mesure des rencontres. Ce métier commence à devenir très intéressant dès lors que l’on peut en vivre, avec de plus en plus de propositions. On interprète alors des choses auxquelles on croit. Il me semble que c’est Michel Piccoli qui a dit d’ailleurs qu’une carrière se faisait sur ce que l’on refusait. Les tournages, ce sont des périodes de vie : je tourne donc dans ce que j’ai réellement envie de faire.

Comment avez-vous été choisi pour le rôle-titre de Jimmy Rivière pour lequel vous êtes nommé ?

Affiche de Jimmy Rivière avec Guillaume GouixCe film est un cadeau, que ce soit le personnage, l’histoire, le metteur en scène, mes partenaires. Teddy Lussi-Modeste voulait travailler exclusivement avec des gens du voyage, sans acteurs professionnels. Il est quand même venu me rencontrer, lors d’un tournage que je faisais au Luxembourg, en se disant d’avance que cela ne marcherait pas. Nous avons fait un essai dans ma chambre d’hôtel et finalement, notre rencontre fut une évidence.

Quels souvenirs gardez-vous de ce tournage ?

Ce fut très enrichissant pour moi. J’ai eu accès à des choses inédites dans ma vie. J’ai éprouvé des rapports simples avec les gens, dans des moments de vie touchants avec les gens du voyage. Il fallait qu’on ait confiance les uns envers les autres et ce fut immédiat en les rencontrant. Il y a énormément de communautés issues de pays différents, et les films et médias en ont donné une image folklorique. Moi, par exemple, j’ai surtout rencontré des gens très maniaques, notamment au niveau de l’hygiène. Tout ça a très vite aboli les clichés. Mais il faut croire que le réel paraît trop propre aux yeux de certains…

Comment vous êtes-vous préparé pour ce rôle très physique et doté d’une grande intériorité ?

Ce rôle passait par le corps, sans intellectualiser, et c’est ce que j’aime faire. Il y a eu un gros travail sur la manière de parler des voyageurs, avec un rythme, une démarche à trouver. J’ai aussi appris la boxe thaï, fait les marchés à Marseille. J’ai refusé un tournage pour être prêt physiquement pour ce film et je ne regrette rien.

Vous avez ensuite participé au tournage de Minuit à Paris de Woody Allen…

Ces deux dernières années ont été folles ! Le lendemain du tournage du film de Woody Allen, j’enchaînais avec Et soudain, tout le monde me manque. J’étais comme un gosse ! Même simplement ouvrir une porte dans un film de Woody Allen, je l’aurais fait. J’étais très curieux de voir son plateau. C’était surréaliste de voir comment il fabrique son film : il sait exactement ce qu’il veut, avec très peu de prises et sait comment monter son film tout de suite. Parfois je n’écoutais pas ce qu’il disait, tellement je pensais : « C’est Woody Allen qui me parle ! »

Cette année, vous avez aussi tourné votre premier court-métrage en tant que réalisateur. Vous aviez des velléités de réalisation ?

Je ne m’étais jamais dit que je deviendrais réalisateur, mais j’avais envie de mettre en images cette histoire. Alexis Ivanovitch, vous êtes mon héros raconte le syndrome du héros chez les garçons, le complexe de la virilité. Il a été tourné en mars dernier en six jours avec Swann Arlaud et Fanny Touron. Le montage fut très rapide. J’aime cette énergie. Il a pu être présenté à temps à Cannes où il a emporté une mention spéciale. Depuis, le film vit très bien. Il a reçu deux prix à Angers, il fait pas mal de festivals à travers le monde et va passer sur Canal+.

Avez-vous des modèles en termes de cinéma ?

Certains acteurs m’inspirent vraiment, comme Patrick Dewaere ou Philippe Léotard, également Tahar Rahim. Au niveau des réalisateurs, je suis nourri par les films de Cassavetes ou de Claire Denis…

Dans quels films vous retrouvera-t-on en 2012 ?

C’est à la rentrée que tout va se bousculer. Il y aura tout d’abord Mobil Home de François Pirot, puis Hors les murs de David Lambert, une histoire d’amour homosexuelle tragique, un rôle magnifique. Ou encore Alyah d’Elie Wajeman avec Pio Marmaï. Et puis d’autres projets encore dont je garde le secret pour le moment.

 
Guillaume Gouix est à l’affiche de Jimmy Rivière de Teddy Lussi-Modeste, avec aussi Béatrice Dalle, Hafsia Herzi, Serge Riaboukine… France, 2011. Sortie DVD en janvier 2012.